Cet article a été publié pour la première fois en décembre 2022.
Le bel article de l’ami Denis Genevois sur les zoomers m’a invité à regarder la composition de la société française et ses perspectives de marché touristique. Et ben ce n’est pas glorieux. Il va falloir prévoir des râteliers à cannes devant vos offices et passer vos polices en corps 72 ! Article joueur, je préfère le préciser d’emblée, un malentendu (on peut aussi l’écrire en deux mots) est si vite arrivé de nos jours.
Déjà, les boomers on va les faire travailler plus tard, comme ailleurs en Europe le seuil des 65 ans est fixé. Autant dire que les comptes de la Sécu ne vont pas s’arranger. Plus de vieux actifs, c’est plus d’arrêts maladie. Dans vos offices, vous serez contraints de recruter de vieux conseillers et de vieilles conseillères en séjour. De vieux consultants aussi, d’ailleurs ils sont de plus en plus nombreux à se lancer. De parler plus fort aussi, ou d’ouvrir un rayon de sonotones dans votre boutique. Remarquez, ça pourrait faire la marge. Ah et puis aussi, diffuser des musiques de vieux. Incroyable le succès du musée Abba à Stockholm avec des visiteurs plus que boomers !
RECRUTER DES VIEUX
L’évolution démographique est défavorable en Europe. Elle se traduit par des difficultés de recrutement. En France, après des années d’un chômage important dans lequel l’offre d’emplois était plus faible que la demande, la situation s’est inversée au cours des dernières années. Accentué par les effets de la crise du covid, ce phénomène que certains nomment « la grande flemme », voit des actifs potentiels s’interroger sur le sens de leur travail et changer de vie. De nombreux postes restent vacants dans le tourisme et les services en général. Une démographie désormais moins porteuse accentue cette tension. Les vieux sont donc une solution. Finalement, un office de tourisme, c’est destiné à quel public, hein, je vous le demande ? En particulier dans les zones rurales où contre toute évidence, on s’accroche par endroits à garder un OT fréquenté à 40% par le voisinage dont on oublie de dire qu’il est plus proche de la sortie que de l’arrivée. Mes nombreuses réunions de terrain sont riches d’enseignement sur la démographie socio-professionnelle du tourisme français en dehors des villes.
La France de 2018 comptait 66,9 millions d’habitants. Celle de 2044, dans une vingtaine d’années serait peuplée de 69,3 millions de personnes. L’Insee indique que d’ici 2070, la population française augmentera moins vite ou diminuera dans toutes les régions métropolitaines. Les régions du Sud et de l’Ouest, où la croissance démographique est actuellement la plus forte, seraient les seules à croître sur la période. L’organisme observe que déjà en 2018 la population aurait dépassé son maximum dans 38 départements français, dont 14 déjà depuis plus de dix ans. D’ici 2070, 91 départements seraient dans cette situation. Une France de vieux sera une France de vieux touristes.
30% de seniors
30% des habitants dépasseraient les 65 ans dans 64 départements ou plus en 2070. Aux Antilles, la population diminuerait alors qu’elle augmenterait à Mayotte, en Guyane et à la Réunion. 20 millions de personnes auraient 65 ans ou plus en 2070 soit 29% de la population contre 20% en 2018. Que de moments joyeux édentés à entrevoir. Alors que faire : gagner des parts de marchés internationales ? Avec 447 millions d’habitants, l’Union Européenne, sans le Royaume-Uni, demeure un continent qui compte dans l’économie mondiale, mais de moins en moins au regard de sa population.
La part de l’UE dans la population mondiale ne cesse de diminuer pour ne plus atteindre que 5,9%. Sa population devrait croître jusqu’en 2026 à 449,3 millions d’habitants et diminuer ensuite à 420 millions d’habitants en 2080. A ce moment-là, moins d’une personne sur 25 dans le monde devrait vivre en Europe d’ici 2080. A titre de comparaison, les USA devraient compter 415 millions d’habitants, au 4ème rang mondial, le Nigeria 620 millions, le Pakistan 399 millions. Il s’agit d’une projection, d’autres scénarii évoquent un déclin de la population mondiale à 8,8 milliards d’habitants et une réduction de moitié pour plupart des pays européens. Ce qui signifie que la France devra s’ouvrir davantage au monde si elle veut continuer à attirer des publics remplis d’énergie et d’argent à dépenser.
Mais tout n’est pas si pire si pire à y bien réfléchir. Plus de boomers (nés entre 1943 et 1960), c’est aussi plus de touristes évoluant lentement mais dépensant grassement. Une étude du Crédoc avait montré en 2014 que la hausse du taux de départ en vacances à la fin des années 2000 et au début de la décennie 2010 résultait principalement d’une progression en vacances des seniors. Le taux de départ des plus de 70 ans est passé de 32 à 47% entre 2008 et 2014. Les revenus de ces générations ont progressé et leur santé s’est amélioré. A l’inverse, le taux de départ des 18-24 avait baissé de 65 à 60%.
QUELQUES RECOMMANDATIONS
Autre aspect à prendre en compte : les seniors partent souvent en vacances loin des foules. La campagne a leur faveur. D’ailleurs, beaucoup y possèdent une résidence secondaire. A cela s’ajoute un vieillissement de la population en capacité d’acheter une automobile sans laquelle il est difficile de rejoindre et de circuler dans les zones rurales : dans les années 1990 l’âge moyen des acheteurs d’un véhicule neuf en France était de 44 ans, il est aujourd’hui de 55 ans nous dit le Cetelem. Par ailleurs, près de 40% de ceux qui étaient propriétaires d’un véhicule dans le passé ne le sont plus aujourd’hui, la raison financière en étant majoritairement la cause. En résumé, nous tendons vers un tourisme urbain marqué par les mobilités collectives (trains, autocars, trams, métros) et par le vélo, plutôt dédié aux plus jeunes. Et à l’inverse vers un tourisme rural plus orienté vers les seniors. Cela doit signifier des positionnements de destinations à affiner.
Tenez et pour quand même comprendre que c’était pas si mieux avant qu’on pourrait l’imaginer, je vous recommande de lire cet bel article étayé de photos et de descriptions aigre-douces sur les années 80 qui ont marqué la jeunesse de quelques sémillants auteurs de ce blog chéri : https://unodieuxconnard.com/2020/03/02/dites-non-au-retour-des-annees-80/
En conséquence, vous pourriez agir comme suit pour vous adapter (ou vieillir) :
- Commencer à recruter des seniors pour écouter vos clients seniors (entre vieux on se comprend)
- Doter votre boutique de produits de première nécessité : sonotones, protections pour incontinence, bâtons de marche, du Viandox, toujours apprécié par ce public, téléphones et smartphones à grosses touches….
- Dans votre SIT, vous pourriez inclure les dentistes, un accident de dentier est si vite arrivé
- De même que les boutiques de fringues extra-confort, les clubs des aînés…
Et bien d’autres choses qui sortiront d’un atelier impliquant les habitants, comme vous savez si bien les conduire, comme par exemple recruter de vieilles et vieux journalistes pour assurer la production de vos contenus, comme l’aimable dame guillerette qui a ouvert cet article.
Je vous souhaite une réjouissante journée d’hiver.