Impulser un nouveau souffle à l’open data touristique

Publié le 11 juin 2021
5 min

Olivier DEVILLERS, consultant et formateur pour accompagner la transformation numérique des collectivités locales nous a proposé ce billet. Nous l’avons jugé très pertinent et le publions avec plaisir. Merci Olivier pour cette contribution !

Parlez d’open data à un responsable de comité départemental ou régional du tourisme, il vous renverra au système d’information touristique (SIT) et à la diffusion en open data des points d’intérêt touristique (POI) sur la plateforme nationale Datatourisme.
Avec sans doute un enthousiasme modéré tant le chantier est souvent vu comme une obligation et non comme une opportunité pour ces organismes gestionnaires de destination (OGD). Car l’open data ne s’arrête pas à une obligation et encore moins à la seule « production de POI » dans la sphère touristique.

Capitaliser sur Data tourisme

On rappellera que Datatourisme est une plateforme initiée par l’Etat (la DGE), copilotée désormais avec ADN Tourisme, l’association des institutionnels du tourisme. Elle vise à répondre aux besoins fondamentaux des touristes : Que voir ? Que faire ? Où manger ? Où dormir ? Comment y aller ? Si la plateforme est parfois critiquée pour l’exigence d’une inscription préalable (les données sont toutefois mais en partie sur data.gouv.fr)  c’est le verre à moitié plein qu’il faut regarder. Datatourisme est un atout répond avec une plateforme qui remédie à deux écueils de l’open data.

Des données aux standards mondiaux

Le premier est celui du manque de standardisation des données qui empêche tout usage « industriel » des données, toute comparaison ou compilation nationale. Or, grâce à l’ontologie de Datatourisme, les données de Datatourisme sont décrites par un vocabulaire commun, partagé, issu de standards internationaux tels que ceux définis par schema.org  pour les POI et événements. Ces normes sont la clef d’une large diffusion des données facilitée, d’applications internationales au service de la « destination France ». Et pour les OGD, des API facilitent la connexion de leur SIT à la plateforme nationale, permettant une mise à jour quotidienne.

Le lien entre les SIT et datatourisme (source : ontologie de Datatourisme)

Un point d’accès national

Le second est de répondre à la dispersion des plateformes open data ou/et à leur absence d’interconnexion en proposant un point d’accès unique. C’est essentiel pour favoriser les réutilisations. Car comme le montre ce recueil de cas d’usage d’Open Data France, ce point unique est un immense atout. La première chose qu’une entreprise regarde (a fortiori une startup) en matière de données ouvertes est l’équation qualité des données / temps de (re)traitement / facilité de mise à jour, notamment via des API. Et au-delà de ces facilités techniques, la plateforme propose un forum d’échanges entre réutilisateurs et producteurs.

Publier toutes les données

Si cette plateforme repose sur deux jambes solides, il lui faut maintenant convaincre les OGD, et notamment les offices de tourisme, de travailler sur la quantité comme la qualité des POI, en « largeur » comme en « profondeur ». Par « largeur », il faut comprendre une exhaustivité des POI, en termes de lieux, d’événements et de services associés. La « profondeur » consiste quant à elle à enrichir les informations sur chaque POI : horaires, services, point d’accès wifi, accessibilité handicapé, ressources à proximité… Ces deux dimensions sont de nature à enrichir les applications, à favoriser leur usage dans des créneaux peu explorés par les géants du Net : randonnée, vélo, tourisme à thème, personnes âgées, handicapées… – 

Répondre aux besoins locaux

Le développement massif des réutilisations, et notamment en dehors du tourisme, passe cependant par deux conditions. Tout d’abord une publication de TOUTES les données brutes des OGD (non éditorialisées) et non pas des extraits. « Mais les Gafam vous nous les voler ! » dira-t-on. Et alors ? le but des OGD est-il que l’on utilise leurs app’ ou que les touristes viennent, consomment et génèrent de la valeur ? De plus, possédant leurs propres outils de crowdsourcing, il n’est pas certain que les Airbnb et autres Google Maps  attendent que les OGD publient leurs données. Alors que les entreprises européennes en ont, elles, vraiment besoin. La seconde condition est de mieux donner à voir le contenu de Datatourisme. Sans être inscrit et sans aller requêter un POI, difficile en effet de comprendre la richesse de la base et ses « deux dimensions ». Des cartes, graphiques et autres dataviz valorisant son contenu manquent cruellement à cette plateforme.

Quelques API du site api.gouv.fr https://api.gouv.fr/rechercher-api

Utiliser l’open data des autres

L’open data doit par ailleurs être perçu par les OGD comme un moyen d’enrichir leurs propres services. Il s’agit par exemple d’aller piocher dans les API de l’Etat sur des sujets comme la mobilité, l’accessibilité ou encore la culture. Autre gisement intéressant : la base OpenStreetMap qui contient des POI d’une granularité incroyable (on y trouve les terrains de boules, les œuvres d’art, les banc publics ou encore les arbres… ). Certaines peuvent même être extraites en quelques clics via ce site  créé par des bénévoles d’OSM France. OSM c’est aussi un outil de valorisation des données touristiques à l’échelle mondiale, utilisé par des centaines d’applications. Datatourisme gagnerait beaucoup à y reverser ses données. Enfin, OSM est une communauté qui peut aider à maintenir à jour ces « communs » comme le montre l’exemple de l’OT du Seignanx .

Sur les synergies avec OSM, on incitera du reste les OGD à participer à la consultation lancée par l’IGN sur les « géo communs ». Il y a la une opportunité de changer radicalement le rapport entre les institutions productrices de données et la plateforme qui réunit désormais plus de 5000 contributeurs réguliers.

Le site OSM data : des milliers de données touristiques https://demo.openstreetmap.fr/map

Open data des observatoires du tourisme

Enfin, dernier message : d’autres chantiers open data restent à lancer pour les OGD. On citera notamment l’observation de l’économie touristique. Aujourd’hui ces deux domaines sont cloisonnés en termes techniques (SI, logiciel) comme fonctionnels (ceux qui s’en occupent) dans les OGD. Or, ces observatoires souffrent des mêmes problèmes que les POI avant Datatourisme : manque standards, hétérogénéité des données, dispersion… Les productions des observatoires sont de qualité très inégale et le mode d’accès aux données reste majoritairement le PDF sans données brutes. Ces observatoires auraient grandement intérêt à passer à l’open data pour autoriser les comparaisons et les croisements. Et parmi ces croisements, fréquentation et POI, valeur économique et POI… Cela pourrait éviter aux OGD de financer à grands frais des études marketing dont les cabinets ne font finalement qu’exploiter des données existantes.

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Paul FABING est consultant joyeusement intermittent depuis 2022 ! Architecte de formation, ancien consultant tourisme, chef du service Tourisme de la Région Alsace, directeur de RésOT-Alsace (Réseau des offices de tourisme), directeur du pôle Qualité de l'accueil à l'Agence d'Attractivité de l'Alsace (AAA), et enfin directeur de la Mission Attractivité chez Alsace Destination Tourisme. Promis, il s’efforcera de ne pas rédiger en Alsacien, et apportera sans doute un petit vent d’est [...]
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