Innovation territoriale : une question d’animation ?

Publié le 1 juillet 2020
5 min

Il y a un an, en juillet 2019, nous étions nombreux à Montréal pour les Francophonies de l’Innovation Touristiques. Une époque avec des échanges internationaux « pour de vrai » et des moments d’échange sans visio. Le thème, l’innovation territoriale, est lui plus que jamais présent surtout en ces périodes de crise sanitaire..
Aussi,  je vous invite à relire ce billet publié il y a un an sur le blog. 

Petit rappel : les Francophonies de l’Innovation Touristique ont été créées en 2012 à l’initiative du blog etourisme.info et de la chaire de tourisme Transat de l’Université de Québec à Montréal (UQAM). Se déroulant chaque année dans un pays francophone différent, l’évènement permet de réunir 25 experts sur une thématique particulière. Cette année, à l’occasion du start-up festival de Montréal, nous nous sommes interrogés sur les conditions qui permettent à un territoire de devenir innovant. Il y avait donc autour de la table des consultants, des territoires touristiques, des universitaires, mais aussi des start-up ou des incubateurs. Un panel fort riche pour aborder la thématique : comment favoriser l’innovation dans les territoires touristiques ?

Les participants aux #FIT2019

Vous avez déjà pu lire ces derniers jours trois articles traitant des #FIT2019. Paul Fabing a traité de la posture des territoires touristiques par rapport à l’innovation touristique. Denis Genevois s’est penché sur le rôle des start-up dans les destinations. Et enfin, Brice Duthion a dévoilé le curseur d’innovation territoriale, un outil imaginé à l’occasion des Francophonies.

Les échanges ont été extrêmement denses sur les outils d’animation permettant l’innovation. C’est sur ce thème passionnant que je souhaite écrire aujourd’hui.

La formule magique

Durant ces rencontres, les 27 experts ont élaboré une formule « magique » pour apporter l’innovation sur un territoire. Formule qui se présente comme ceci :

Explications : pour vaincre la résistance au changement (RC) , chaque territoire doit d’abord :

  • identifier les problématiques de son territoire et connaître les opportunités dont il dispose (PO)
  • Adopter une posture par rapport à l’innovation et la compléter par une vision stratégique PV).
  • Lancer des premières epxérimentations : ce sont les premiers pas (PP)

Grâce à cette démarche, il pourra obtenir une mobilisation générale autour de l’innovation (MI)

A chacune de ces étapes, les méthodes d’animation diversifiées, internes ou externes, créatives, sont absolument essentielles. J’ai relevé quelques expériences ou idées qui illustrent bien la nécessité de renouveler l’animation territoriale si l’on veut déclencher de façon durable l’innovation.

Le pitch inversé

Dans la phase PO (problématiques/opportunités), il s’agît pour un territoire de comprendre quels sont ses problèmes, ses besoins en produits ou services afin de faire appel à des entreprises innovantes. Or, en général, c’est le contraire qui se passe : une start-up qui développe un produit ou service à partir d’une idée cherche un territoire d’expérimentation.

Pour quoi ne pas inverser le processus : identifier les problèmes et partir de ceux-ci, plutôt que d’uniquement attendre la start-up qui vient proposer l’idée.

Le bon outil d’animation peut être le pitch inversé. Cette technique existe déjà dans l’industrie. Les patrons d’industrie « pitchent » devant un parterre de startupers pour exposer leurs problèmes ou besoins et ainsi convaincre les start-up de collaborer avec eux.

Evènement organisé par l’école des entrepreneurs du Québec (source Facebook)

Pourquoi ne pas réaliser cette même opération à l’échelle d’un département ou d’une région, avec des territoires qui viendraient séduire des start-ups pour qu’elles innovent chez eux…

Le design fiction pour faire de la prospective

La prospective est un exercice compliqué. Mais indispensable pour que le territoire ait une vision de son avenir. Alors, certes, on peut faire appel à un cabinet d’étude qui va projeter la destination dans cinq ou dix ans en illustrant son propos de tendances et de benchmark.

Mais l’on peut également apporter ces éléments de réflexion (les tendances des clients, les évolutions sociétales, etc.) aux acteurs locaux afin qu’eux-même projettent le territoire dans l’avenir. C’est le principe du Design Fiction qui reprend les codes du design de service, mais à des fins prospectives.

Théorisée par le cabinet nantais Design Friction, cette technique d’animation n’est pas loin du Muséomix dans sa forme : on passe de l’idéation au prototypage. Laurence Giuliani, présente aux #FIT2019 explique les phases : « le rôle du facilitateur est indispensable à l’animation de ce type de pratiques : c’est par une utilisation réfléchie et pertinente des outils à disposition (matrices à scénario, jeux de rôles…) qu’on va aider les contributeurs à mener leur réflexion et à la prototyper en « solutions » concrètes. « 

Pour mieux comprendre, Laurence estime « qu’il faut prendre le design fiction comme une pratique prospective quand le design thinking est une pratique pro-active qui cherche des solutions à court-terme ».

A quand le premier territoire qui souhaite organiser une séance de design fiction avec ses acteurs? Du coté des experts des #FIT on est chaud-bouillant.

Source : cfactory.co.uk

L’expérimentation, ça s’organise

Lancer les premiers pas (PP) de l’innovation sur un territoire, ça s’organise. A ce titre là, le témoignage d’Emmanuel Bobin, responsable de l’Open Tourisme Lab de Nimes a été passionnant. Une vraie méthode a été mise en place pour que des territoires accueillent des start-up en expérimentation. Connaissance du monde des start-up, définition d’objectifs communs, et surtout formalisation des besoins des territoires.

L’Open Tourisme Lab vient de lancer un premier programme d’expérimentation sur l’itinérance. Quatre partenaires qui financent le lab ont choisi les terrains et les start-up ont été sélectionnées après appel à projet. Comme vous pouvez le voir ci-dessous avec la présentation Pont du Gard, il s’agît d’une expérimentation organisée.

Un équipe d’impulsion, mixant consultants et techniciens locaux

Toujours dans ces premiers pas, il y a souvent intérêt à mixer les ressources locales avec des apports externes.

Dans les Ardennes belges, une proposition d’animation originale a été faire à un territoire : plutôt que de faire appel à un cabinet consultant qui fait une étude, pourquoi ne pas construire un équipe mixte dite « équipe d’impulsion ». Cette équipe travaille durant plusieurs mois sur le projet, et elle est coachée par les consultants. Mais les techniciens locaux participent au projet de façon active. En mixant l’apport externe, qui est dégagée des contraintes locales, qui a du temps dédié pour cela et les forces locales, le résultat peut être pertinent.

Ce qui a amené les participants aux #FIT 2019 à un constat : pour animer l’innovation sur un territoire, il faut de la ressource externe ou interne, mais de la ressource en animation. Tout au long des phases de l’innovation, on peut définir un nouveau métier : l’impulseur-facilitateur de territoire innovant. Une fonction encore à définir, construire, mais qui prend en compte les bonnes pratiques du développement local traditionnel et des incubateurs/accélérateurs de start-up. Un mélange détonnant, mais qui peut vraiment faire avancer l’innovation!

Pour conclure ce billet, voici un résumé de la méthode d’innovation présentée à Montréal.

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Jean Luc Boulin est consultant en tourisme : Intervention auprès des élus et des prestataires touristiques, coaching, accompagnement des équipes et des directions sont ses principaux champs d'intervention. Avec deux exigences : se mettre à la place du client et oser l'innovation. Directeur de l’office de tourisme de l’Entre-deux-Mers (Gironde) et du pays d’accueil touristique du même nom pendant plus de dix ans, Jean Luc Boulin a dirigé la MONA [...]
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