Ce billet a été publié une première fois en mai 2022.
Bon allez, j’aurais pu être encore plus click bait et coiffer cet article par La mort des médias sociaux, mais je ne voulais pas être (trop) dramatique. Entendons-nous: les médias sociaux demeurent importants et occupent une place névralgique dans la sphère du marketing touristique. Je vous incite d’ailleurs à (re)lire cet article paru ici-même en 2021: Quelle utilité pour les médias sociaux en tourisme? ou encore cette pépite parue un peu plus tôt cette année par Lucy Pereira: Le social media en 2023: en route vers de nouveaux algorithmes.
Mais alors pourquoi parler de la fin des médias sociaux? En fait, je devrais plutôt parler de la croisée des chemins, voire de la fin d’une époque plus glorieuse, si on peut ainsi dire. Il suffit de lire un peu les nouvelles pour constater que le déclin est bel et bien entamé.
TikTok en eaux troubles
La plateforme qui a le vent dans les voiles depuis maintenant plus de trois ans affronte de véritables bourrasques de front ces temps-ci. Aux États-Unis, ce sont près de la moitié des états qui ont banni l’application populaire. La France, le Canada et près d’une quinzaine de pays ont également officiellement demandé à leurs employés publics de retirer l’application des appareils fournis par l’employeur, le tout par crainte de collecte d’informations privées par ByteDance, l’entreprise chinoise à qui appartient TikTok.
Il y a évidemment beaucoup d’esbroufe derrière tout ce scandale, comme je l’expliquais dans une chronique récente sur le sujet. Le fait demeure toutefois que devant cette désaffection et toute cette publicité négative, plusieurs organisations remettent en question leur investissement et leurs efforts sur cette plateforme. Dommage, car les utilisateurs – surtout les plus jeunes – y demeurent très actifs. Mais voilà, le mal est fait et ce sera difficile de faire comme si de rien n’était. (Je persiste à penser que pour une marque touristique, une destination ou un prestataire, la plateforme demeure pertinente pour votre storytelling auprès de consommateurs de moins de 40 ans)
Twitter, une farce plus ou moins drôle
Puis il faut aller regarder du côté de Twitter, la plateforme acquise par le fantasque Elon Musk au prix de 44 milliards US$ à l’automne dernier… et qui en vaudrait aujourd’hui moins de la moitié! Il a certes coupé dans le gras, avec une force de 7,200 employés qui est passée aujourd’hui à un peu moins de 2,000. Des coupures qui ne sont pas sans conséquence dans le monitoring des faux comptes, des trolls ou autres problèmes que vivaient déjà la plateforme populaire.
Enfin, populaire… depuis quelques années déjà on a constaté que Twitter pouvait certes avoir une utilité pour les grandes entreprises (SNCF, aérien, croisières, hôtels) mais s’avère beaucoup trop chronophage pour la petite ou moyenne entreprise qui galère déjà avec son site web et un compte Facebook, par exemple. Je constate ainsi que Twitter demeure populaire aux États-Unis avec les grandes marques, mais plutôt inutilisée en tourisme au Québec et en France, où la communauté francophone semble moins encline à l’utiliser que lors de ses débuts.
Et maintenant que Musk veut faire la guerre aux grands médias comme le New York Times, PBS ou la chaine NPR aux États-Unis, ou CBC/Radio-Canada chez nous, on peut s’attendre à d’autres grands médias qui quitteront également le navire, avec les dollars publicitaires tant convoités pour ce type de plateforme. Bref, ça regarde mal!
Meta continue de se chercher
Pendant que la compétition s’écroule, ce n’est pas plus la fête chez Meta avec Facebook et Instagram. Déjà, rappelez-vous que Facebook a changé le nom de l’entreprise-mère pour META il y a un peu moins de deux ans, en lien avec le métavers qui serait l’avenir de l’entreprise. Ça vous dit quelque chose? Or, le métavers semble se dégonfler aussi rapidement qu’il a surgi sur la scène principale – même si son potentiel demeure intéressant, son exécution au quotidien tarde à décoller… et générer du revenu, ce qui est le nerf de la guerre!
Et puis les recours collectifs se succèdent et s’accumulent, accusant Facebook de ciblage publicitaire discriminatoire, sans parler des scandales sur son influence dans le cours de plusieurs campagnes électorales, aux États-Unis comme à l’international.
Enfin, c’est le volet publicitaire qui fait le plus mal, notamment avec le reciblage qui devient difficile, voire bientôt impossible. Il y a eu Apple qui a resserré l’étau dès avril 2021 en ne permettant plus le traçage (cookies) sur ses périphériques comme le navigateur Safari ou les plateformes d’exploitation iOS. Voilà que Google doit faire de même sur Chrome, à une date qui continue d’être repoussée mais qui arrivera tôt ou tard (début 2024, selon les dernières annonces).
Le point de saturation
Toutes ces explications savantes occultent peut-être le plus important: on ne passe plus autant de temps qu’avant sur les médias sociaux! On en passe encore beaucoup, remarquez! Mais la dernière étude We Are Social et Meltwater nous apprend que, pour la première fois depuis l’avènement des médias sociaux et leur croissance exponentielle des dernières années, on observe dorénavant un plateau généralisé.
On constate ainsi que 2022 aura marqué la plus faible progression des 10 dernières années, ce qui laisse croire que nous avons atteint un taux de pénétration qui n’augmentera que très peu dorénavant.
La bonne nouvelle, bien sûr, est que l’on retrouve ainsi près de 60% de la population adulte, à l’échelle mondiale, ayant accès aux médias sociaux! La moins bonne nouvelle est que ces utilisateurs sont maintenant plus fragmentés que jamais, utilisant en moyenne 7.2 plateformes sur une base mensuelle. L’hégémonie de Facebook laisse ainsi place aux plateformes de niche, de gaming ou de divertissement en ligne. Ce sera donc un plus grand défi pour les organisations touristiques d’aller les rejoindre et de les faire interagir.
On fait quoi alors?
Désolé pour la douche froide, hein? Devant cet état de fait, il importe néanmoins de prendre les choses avec quelques pincettes et surtout ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Voici donc quelques recommandations utiles dans le contexte:
Questionner votre présence sur les plateformes: le moment est propice pour vous demander si vous avez encore besoin de ce compte sur Pinterest, cette page Linkedin ou encore ce compte Twitter si votre dernière publication ou interaction remonte à 2019, par exemple. À qui voulez-vous communiquer sur les médias sociaux où vous êtes présents? Votre stratégie et vos objectifs ont probablement évolué depuis le moment de créer vos comptes, il serait donc tout à fait justifié de vous remettre en question à ce sujet.
Maintenir, augmenter la cadence ou supprimer des comptes: dans la foulée de l’exercice précédent, à vous de déterminer si vous maintenez le statu quo avec votre présence actuelle. Ou au contraire, si vous allez augmenter le rythme sur une ou des plateformes en particulier, peut-être même ouvrir un nouveau compte… ou supprimer certains comptes qui n’ont plus lieu d’être!
Miser sur vos bases de données: je m’évertue de prôner cette stratégie depuis des années mais elle devient encore plus pertinente aujourd’hui. Je parle bien sûr de miser sur les données de premier niveau (first-party data) plutôt que de toujours dépendre des données tierces comme celles que procurent les médias sociaux, notamment via le reciblage publicitaire. On voudra ainsi communiquer régulièrement avec notre clientèle actuelle et passée, que ce soit via une infolettre régulière, ponctuelle ou des communications automatisées.
Travailler votre présence web: eh oui, le bon vieux site web demeure névralgique et au coeur d’une démarche de marketing de contenu. Ayant identifié les mots-clés qui vous distinguent de la concurrence, vous pouvez alors publier des articles, brèves ou nouvelles sur votre site web ou dans une section blogue dédiée. Des éléments qui contribuent à un meilleur référencement naturel (SEO) tout en répondant aux requêtes effectuées par les consommateurs en recherche de leur prochain séjour ou forfait voyage.
Comme dans toute chose, on dit souvent qu’il ne faut pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. C’est aussi vrai pour votre marketing numérique. Les médias sociaux sont certainement en perte de vitesse, mais ils sont encore là pour rester un certain temps, pour ne pas dire un temps certain. Mais il importe de constater l’état des lieux actuels, et de travailler votre autres outils de communication marketing afin de ne pas trop dépendre de ces plateformes, aussi populaires soient-elles.