Cinquième épisode de notre épatante série qui implique Monsieur Sauternes dans des aventures inégalées au temps du Covid19, le tout en moins de 2019 signes par épisode. Isolé dans une belle maison dont il a charge chaque printemps de la préparer en vue de la saison touristique, il organise sa vie dans un voisinage forestier, généralement silencieux. Des situations imprécises, des personnages attachants, une série chorale inoubliable ! Et des rencontres, comme la semaine dernière avec Christophe l’ami des émaux bleus qui peuple les nuits de Sauternes et une certaine scène en mémoire d’un très grand réalisateur britannique. Dans l’épisode #4, Sauternes était allé courir sans son attestation.
Lectrice, lecteur au goût sûr, si tu as manqué le début de la série, tu peux commencer ici par le premier épisode, puis le 2, le 3, le 4. Le prochain #6 sera publié jeudi 30 avril 2020 et s’il n’arrive rien d’inattendu à Monsieur Sauternes, un#7 pourrait survenir le samedi 2 mai 2020.
Sauternes sortait du bois après son jogging. Il portait des lunettes bleues et rondes. L’instant était bleu de toutes parts : le gyrophare, la voiture de gendarmerie, les trois uniformes. Le ciel tenait de l’été grec.
« – Bonjour Monsieur, Gendarmerie Nationale » salua le chef.
Sauternes n’avait pas son attestation, mais le maréchal des logis chef Chablis lui serra vigoureusement la main après la salutation formelle. Sauternes était fait du même bois que Chablis. Les deux se connaissaient de longue date. Et la venue de Chablis, pour amicale qu’elle fut, tenait aussi d’une mission propre au DSI local (Détachement de Surveillance et d’Intervention) dans lequel servait Chablis.
Pour contrer la propagation du virus il fallait le rendre asocial. Dans ce tourment qui ferait date, les relations humaines s’estompaient. Sauternes, ancien militaire, avait vécu des missions en OPEX, dont une avec Chablis en terrain difficile. Plus âgé, il avait rendu les armes depuis longtemps. Il était content de retrouver le maréchal chef des logis à chaque printemps qu’il passait ici à préparer la maison de vacances des propriétaires lointains. En temps normal les deux compères se retrouvaient pour courir et nager à l’océan avant de se régaler d’une grillade à la plancha.
Sauternes invita Chablis sur la terrasse à l’écart de ses deux coéquipiers. Pour récupérer son smartphone, Sauternes flatta le chien Médoc qui le regardait d’un oeil torve. Des lapins téméraires broutaient l’herbe vive du printemps. Sauternes n’avait pas bien évalué le fait qu’enfuis de chez sa voisine, ils allaient creuser des terriers dans le magnifique jardin.
« – Bien ton coup du mobile canin, mais on ne me la fait pas » lui glissa Chablis dans un large sourire.
« – Tu n’as rien remarqué de particulier ? »
– « Toujours ces tireurs de pigeons d’argile trop proches de la maison. Et Madame Merlot qui est à l’hosto ».
Sauternes tenait de son expérience militaire une vigilance native. Mais il fut surpris d’entendre que des trafics nocturnes s’effectuaient dans la pinède. Des escrocs en fat bike remontaient le littoral. Des masques non conformes, made in anywhere, arrivaient d’Espagne et remontaient la côte. Les montants versés étaient astronomiques et la protection…désastreuse. Des citoyens inquiets, des entrepreneurs dépourvus de solutions de protection, avaient cédé à la tentation. Le trafic était d’importance. Et des vols étaient commis dans les résidences secondaires.