Nous retrouvons le reclus Sauternes, tenancier d’une maison d’hôtes sans hôtes, complaisant voisin d’un élevage de lapins livrés à eux-mêmes, ami des bestiaux de la forêt, en tension nocturne avec un trafic cycliste remontant d’Espagne. Sauternes est confiné à Bourrindays. La solitude donne du relief à l’actualité de la nature. Suite de notre feuilleton du samedi, toujours en 2019 signes, au temps du Covid19. Les droits pour le cinéma sont à négocier directement auprès de mon agent. Dans l’improbable cas où tu aurais raté le début, consulte mon profil et tu auras l’historique. Un feuilleton se commence généralement à l’épisode 1.
Episode #8
Sauternes binait, parlait aux taupes et cirait tel un serviable laquais. Son projet de devenir écrivain avait surgi pour meubler le vide créé par le départ de Rachida Chasselas, son amie. Désarmé, il avait découvert dans son retour à la vie civile que l’intendance ne suivait pas. Apprendre à se prendre en charge l’avait occupé à plein temps. Sa relation avec la belle Rachida avait réduit son inadaptation civile.
Le temps avait passé. Les boulots saisonniers complétaient sa pension. La brocante, conciliant une autonomie et une confraternité à la frontière lointaine des contraintes administratives, lui était apparue comme un refuge. Sous le manteau des brocantes s’échangeaient des produits interdits, tels d’anciens masques des armées. Au regard des manifestations sociales et des casses du siècle, la possession de ces protections militaires était sanctionnée. Sauternes s’était constitué une réputation dans le milieu des passionnés les plus secrets. Activant des réseaux d’anciens militaires, il pouvait dénicher de rares objets. Il s’était aussi spécialisé dans les dentiers et prothèses dentaires. Une communauté d’amateurs de restaurations buccales attendait ses propositions les plus artistiques. Un dentier comportant l’insertion d’une pierre précieuse s’arrachait à prix d’or.
Son amie, l’intrépide Rachida Chasselas, l’avait quitté pour s’installer au Pérou. Son projet tenait du château de cartes soufflé. Sa reconversion portait sur la gestion d’un surf-camp alimentaire doublée d’une activité d’orfèvre. Elle évoluait vers Punta Sal à la recherche du spot de surf le plus prisé. Rachida Chasselas occupait l’esprit de Sauternes lors de ses soirées solitaires rythmées par les vols supersoniques des chauve-souris. Elle surgissait également dans les matins secoués du tintamarre des oiseaux. Car si la vie sociale perdait en consistance, la nature s’épanouissait dans le silence tonitruant de la pandémie. Mais pour tout l’or du Pérou, Sauternes ne l’aurait pas suivie en terre inca.
Sauternes aurait des facilités pour écouler des bijoux home-made. De conserve avec Rachida Chasselas, il était convenu qu’il revendrait en France une partie des créations de son ex péruvienne. La question de l’acheminement se poserait bientôt. D’autant que les transports transatlantiques avaient fondu. En échange, mission avait été confiée à la belle de dénicher des dentitions artistiques en mal de citoyens. Ou des masques militaires.