L’art de manier les mots pour communiquer son engagement

Publié le 11 avril 2023
7 min

« Tourisme responsable », « tourisme durable » ou encore « écotourisme », il existe aujourd’hui une telle abondance sémantique de termes pour parler d’un tourisme positif qui s’appuie sur les principes du développement durable qu’on ne sait plus où donner de la tête. Une première réflexion se pose alors : comment se positionner dans ce flot sémantique ?

© Deagreez

Et comme si ça ne suffisait pas, autour de ces concepts gravitent tout un tas d’étiquettes fourre-tout qui sont utilisées à tout bout de champ sur les réseaux sociaux : « durable », « responsable » ou encore « engagé ». Mais une chose est sûre, ce n’est pas en reprenant ces termes dans la communication touristique qu’on sera plus crédible ou qu’on donnera plus de valeur au message qu’on veut faire passer. Au contraire, pour porter des messages impactant, mieux vaut ne pas compter sur ces étiquettes. Dans un précédent article, Delphine Vinet nous donnait justement ses clés pour guider les communautés vers un tourisme responsable, du choix du sujet à la modération. De mon côté, je profite de ce billet pour aborder la sémantique et son importance pour renforcer l’engagement de nos prises de paroles. Parce qu’aujourd’hui, tout l’enjeu réside dans le fait de parler de tourisme durable sans utiliser ce terme qui semble galvaudé. Ok, mais alors on commence par quoi ? Quelques conseils pour vous faciliter la tâche 👇. 

(BIEN) CONNAÎTRE L’OFFRE DE SON TERRITOIRE

Raisonner comme Sherlock 🧐

Parce qu’il faut communiquer sur des choses concrètes, il est essentiel d’avoir connaissance de l’offre « engagée » de son territoire. Ni une ni deux, on se met dans la peau de Sherlock Holmes et on dégaine nos pouvoirs d’observation et de déduction. Ça implique de recenser et d’analyser les acteurs labellisés (hébergements, restaurateurs, prestataires de loisirs, etc.), le réseau de mobilités douces (offre de transports en commun, pistes cyclables, etc.), les dispositifs mis en place pour réduire les déchets (bacs à marée par exemple), les espaces naturels classés ou encore les événements (engagés de par leur thématique ou leur organisation). Bien entendu, la liste n’est pas exhaustive et va dépendre des spécificités de chaque territoire.

Définir son angle d’attaque ⚔️

Maintenant qu’on a un aperçu de l’offre en matière de tourisme responsable sur son territoire, on a une multitude de sujets (ou pas) sur lesquels on pourrait communiquer. Il ne reste plus qu’à définir le message qu’on veut faire passer et la manière dont on veut en parler. Admettons que l’on décide de communiquer sur un hébergement labellisé, on pourrait mettre en avant une action concrète qui lui a valu l’obtention de son label ou un effort que l’hébergement a fait qui ne rentre pas forcément dans le périmètre du label, mais qui peut être tout autant valorisé (écoconstruction, réduction des déchets, etc.). Ce n’est pas parce qu’il dispose d’un label que l’on doit obligatoirement communiquer à ce sujet-là. On pourrait également faire le choix de communiquer sur un sujet qui n’est pas « engagé » par nature, l’important est de trouver le bon angle responsable. Finalement, ces étapes nous permettent d’avoir des idées de posts qu’on pourra par la suite intégrer à notre planning éditorial.

CHOUCHOUTER SES CHAMPS LEXICAUX 

Vient le moment de communiquer. Pour ne pas utiliser ces fameuses étiquettes dont je ne citerai pas le nom, le premier conseil que j’ai à donner c’est bel et bien celui de travailler ses champs lexicaux. Cet ensemble de mots ou d’expressions qui se rapportent à un même thème ou à une même idée va nous permettre de gagner du temps au moment de la rédaction, de produire du contenu de meilleure qualité et surtout, d’être beaucoup moins redondant


Admettons que l’on veuille mettre en avant une activité à vivre dans un espace naturel, comme la randonnée. Option n°1 : on qualifie cette activité de « responsable » dans notre wording. Option n°2 : on oublie cette étiquette qui ne veut plus rien dire et on emploie des mots qui parlent à tous. Est-ce que l’on est obligé de définir de quel type de tourisme il s’agit ou est-ce que le sujet traité ne parle-t-il pas de soi ? Pour que ces formes de tourisme à impact positif soient intégrées par tous, je pense qu’il est nécessaire de ne plus (sur)employer ces termes utilisés à tort et à travers. Revenons à notre exemple avec un post de la marque Esprit parc national. Ici, elle met en avant une randonnée en jouant sur l’avantage qu’elle peut nous procurer, à savoir le fait de se déconnecter de son quotidien. Dans son vocabulaire, elle emploie des mots et des expressions liées au champ lexical de la déconnexion comme « se ressourcer », « un moment rien qu’à soi », « profiter » ou encore « farniente ». Ça aurait pu être aussi : se recentrer, s’évader, faire une pause, vivre l’instant présent, être ici et maintenant, etc. 

@Instagram @espritparcnational

TROUVER LES MOTS JUSTES

Devenir expert en langage crypté 🔍

Avant de poser ses premiers mots sur le papier, il est nécessaire d’en étudier leur sens. Par exemple, si on devait absolument les nommer, on pourrait préférer le terme « tourisme responsable » à celui de « tourisme durable » car le mot « responsable » a une forte signification étymologique. Du latin « responsus », est responsable celui qui est capable de répondre de ses actes. L’individu responsable, c’est donc celui qui a conscience de ce qu’il fait et qui peut en rendre compte aux autres. Ce terme pose donc la question de l’action morale : si « être responsable », c’est « être capable » de répondre de son action, alors ça implique aussi une prise de conscience allant avec une potentielle moralisation de l’individu. C’est un mot fort et porteur de sens qui doit être utilisé à bon escient. 

Être plus précis qu’une montre suisse ✍🏻 

Porter un message impactant, ça passe aussi par la précision des mots que l’on emploie. Ce n’est pas la même chose si on écrit « voiture » plutôt que « véhicule », « maritime » plutôt que « marine » ou « croisière » plutôt que « voyage ». Une seule règle d’or : le mot d’usage courant compris de tous, est le bon. Dans le milieu du tourisme, on va par exemple écrire que l’on « vient en train » plutôt que l’on va « utiliser les mobilités douces » ou que l’on va « savourer une fondue savoyarde » plutôt que « manger local ». J’ajouterai que la précision des mots doit tenir compte de notre cible. Si on doit, faute d’alternative, utiliser du jargon professionnel, alors on donne sa définition immédiatement ou on emploie un ton plus didactique. 

Faire vibrer la corde sensible 💚

Message engagé ou pas, on va privilégier des mots qui font appel aux sensations. J’entends par là des mots qui font appel aux 5 sens : le toucher, le goût, la vue, l’ouïe et l’odorat. Utiliser ce type de vocabulaire créera des émotions chez notre lecteur. Et qui dit émotions, dit identification, mais aussi mémorisation. En plus de se projeter, notre discours le marquera davantage et il se souviendra plus aisément du message que l’on veut faire passer. Dans le post ci-dessous, la Vallée de la Dordogne nous partage les bons gestes à adopter lorsque l’on se rend au pied des cascades. Pour l’introduire, elle emploie des verbes de perception liés à la vue (« observer », « s’émerveiller » et « admirer ») et nomme les sensations grâce à des adjectifs de perception (« vertigineuse », « majestueuse ») qui nous rappellent finalement que l’on est tout petit face à l’immensité de la nature. Encore une fois, on peut enrichir son vocabulaire des sensations en travaillant nos champs lexicaux.

@Facebook @Vallée de la Dordogne

METTRE EN AVANT LES BÉNÉFICES CLIENTS

Selon le professeur Xavier Font, expert en marketing du tourisme durable, la plupart des voyageurs se demanderaient « Qu’est-ce que j’y gagne ? » si on leur proposait de voyager responsable. Aujourd’hui, il est donc essentiel de démontrer que la « durabilité » est un gage de qualité et qu’elle permet de vivre une meilleure expérience. Tout l’enjeu est donc d’oublier ces termes « durables » et « responsables » et de parler des bénéfices clients. Bien évidemment, il faut le faire honnêtement et sans exagération pour ne pas tomber dans le greenwashing. Si on intègre des écogestes dans nos wordings, il peut être plus facile d’accentuer les bénéfices clients. Par exemple :

  • Attendre d’avoir la wifi pour poster une photo car la 4G consomme beaucoup plus d’énergie → Profiter de l’instant présent et se déconnecter ✅.
  • Séjourner dans de petites chambres d’hôtes plutôt que dans des grandes chaînes hôtelières → Partager des moments authentiques avec les propriétaires et bénéficier de conseils éclairés ✅.

Parler des bénéfices clients, ça peut être aussi de montrer qu’on va vivre une expérience exclusive, sans forcément le dire. Exemple avec ce réel de Voyage Occitanie qui nous embarque dans les Pyrénées-Orientales pour un voyage en train. À aucun moment il n’est précisé que voyager en train permet de réduire son empreinte carbone. Dans le wording, on nous débriefe rapidement l’itinéraire en nous montrant tout ce que l’on peut découvrir durant notre périple. 

@Instagram @voyageoccitanie

EN CONCLUSION

Comme on vient de le voir, il n’est pas forcément évident de ne plus parler de « tourisme durable » ou de « tourisme responsable », mais on peut éviter de citer ces termes dans chacune de nos phrases. Lorsque l’on arrivera à se passer de ces notions définitivement, cela voudra certainement dire qu’elles seront intégrées par tous et qu’elles feront partie de la norme. N’est-ce pas ce que l’on souhaite ?

Si vous avez d’autres tips qui n’ont pas été cités dans cet article, faites-en part en commentaire ou n’hésitez pas à venir échanger avec moi sur le sujet.

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Après plusieurs expériences en communication et tourisme durable au sein d’OGD, j’ai intégré l’agence my destination en 2022. En tant que Consultante social media, j’interviens principalement dans la gestion de projet, l’élaboration de stratégies social media, la création de concepts de campagnes créatifs ou encore l’animation d’ateliers thématiques et de formations.
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