Le thème des dernières Francophonies de l’innovation touristique (#FIT2019) organisées à Montréal au début de ce mois sous la houlette magistrale de Pierre Bellerose et Paul Arseneault, « innovation et territoire », a permis à 27 experts venus de Belgique, Canada, France et Suisse de réfléchir, proposer, argumenter et présenter quelques concepts et idées permettant de sortir des sentiers battus en la matière. Paul Fabing (Territoires et innovation : une question de postures[1]) et Denis Genevois (Destinations et start-up; vers une compréhension mutuelle[2]) ont exposé dans des posts récents une partie des travaux tenus. Amélie Racine propose également dans un billet publié sur Réseau veille Canada la synthèse d’une « formule pour rendre les territoires touristiques innovants[3] ». Retour aujourd’hui sur le curseur d’innovation territoriale, outil de mesure proposé lors de ces journées pour mesurer les potentialités d’innovation touristique de chaque territoire.
Une formule et des coefficients
RC < PO x PV x PP = MI, La formule n’est certes pas magique. Quoique… Proposée lors des ateliers préparatoires à l’état brut par Christelle Taillardat (directrice CDT de l’Aube & Slow Tourisme Lab – Troyes, France), elle a mobilisé par la suite l’attention des experts venus à Montréal pendant de nombreuses heures qui l’ont triturée dans tous les sens pour faire émerger une version présentée en séance plénière par Jean-Marc Lecouturier dont la finalité est de guider les acteurs touristiques dans leur volonté d’innover sur leur territoire.
RC < PO x PV x PP = MI, c’est-à-dire vaincre, sans relâche, les Résistances au Changement (RC)
et identifier des Problématiques et des Opportunités (PO) au sein du territoire intégrées à une Posture envers l’innovation et une Vision (PV) de la destination qui nécessite des Premiers Pas (PP) vers l’action et faire émerger la Mobilisation autour de l’Innovation (MI).
Innover dans un territoire touristique, c’est d’abord une question de posture et de vision (PV)
On a beaucoup écrit et débattu sur le sujet de l’innovation touristique depuis de nombreuses années. De nombreux articles ont été publiés sur ce blog. Vous vous amuserez à les rechercher à la suite de cette lecture matinale.
Les échanges montréalais entre experts francophones ont vite débouché sur une cartographie (ou typologie) des prédispositions territoriales à l’innovation touristique qui ont été présentées en plénière comme les 4 Postures territoriales (P) :
- Volontaire et provocateur (volonté collective du territoire de développer une démarche d’innovation des acteurs)
- Connecteur – expérimentateur (entre clients et service innovant par l’expérimentation, rôle d’un facilitateur)
- Opportuniste (un contexte particulier crée l’opportunité et provoque la rencontre entre territoire et acteurs innovants)
- Onaniste (intime conviction d’être dans un processus d’innovation alors qu’il n’innove pas forcément).
Puis il a été question de visions des territoires.
Quatre éléments (ou conditions) clefs ont été décortiqués par un groupe de travail, auquel je participais avec Nadine Gelly (directrice générale Alliance numérique – Montréal, Québec), Denis Genevois(consultant Un Tour d’Avance – Bureau de conseil en innovation/blog etourisme.info – Namur, Belgique), Blaise Larpin (responsable Axe développement Régional HESO Valais – Sierre, Suisse), Emmanuelle Legault(VP Marketing Tourisme Montréal – Montréal, Québec) et Christelle Taillardat (directrice CDT de l’Aube & Slow Tourisme Lab – Troyes, France) : la vision du tourisme, la vision prospective, l’inventaire de ce qui fait vision, le plan de développement.
La vision du tourisme, analysée en cohérence avec autres visions de l’écosystème du territoire, met en jeu 6 critères : économique, industriel, social et sociologique (discours adaptés aux visiteurs), académique et recherche, environnemental, liens internationaux.
La vision prospective a été synthétisée autour de 7 items. Elle doit d’abord exprimer les logiques et les solutions quotidiennes puis en sortir pour imaginer en se projetant collectivement à long-terme, un nouveau récit du territoire. Elle fait du territoire un co-producteur d’innovations, c’est la vision de la destination et de tous ses acteurs, la vision du territoire qui aide à faire grandir le produit – le service. Pour que cela fonctionne, quel que soit le territoire considéré (il a été rappelé la caractère protéiforme des différents types de territoires), le tourisme doit être intégré à une structure plus globale de l’innovation en charge du développement d’un territoire (l’exemple de Norvège a été proposé, avec l’intégration de Visit Norway à Innovation Norway). Il a été question également de présence de structure R&D dans le territoire (comme pour l’industrie), d’outils (diagnostic, tendances, veille, financement) et d’identification d’Externalités (vision qui n’est pas uniquement économique : habitants, désertification, patrimoine, altérité, etc.).
L’inventaire de ce qui fait vision a été également proposé autour de 6 conditions nécessaires : une incarnation physique et une leadership (politique, entreprise, réseau, etc.) ; la présence de personne(s) qui porte(nt) le projet (véritable(s) chef(s) de projet) et qui le rende(nt) possible ; des données statistiques et data territoriales fiables et utilisables ; un processus de veille engagé et pertinent ; un appui sur la recherche avec notamment des financements dédiés (exemple du fonds d’innovation en Suisse : Etat finance partie R&D) ; des grandes tendances (macro, micro) favorables.
Le plan de développement est essentiel pour une mise en œuvre rationnelle et performante. Il nécessite une vision et un positionnement stratégique (innovation), a des impacts sur de nombreuses activités touristiques (orientations et développement d’offres ; communication et marketing ; développement des marchés ; expériences ; mobilisation des acteurs). Ce plan doit être élargi à l’attractivité territoriale (marketing territorial, développement socio-économique du territoire).
Le curseur d’innovation territoriale : une proposition d’outil diagnostic
Pour mesurer l’ensemble de ces postures et vision de façon opérationnelle, nous avons souhaité proposer un outil pour que chaque territoire puisse identifier son potentiel d’innovation touristique. Nous l’avons appelé le curseur d’innovation territoriale, permettant de comprendre toute démarche vis-à-vis de l’innovation, toute approche de développement et de positionnement de la destination en fonction des valeurs et des enjeux.
Ce curseur repose sur 5 indicateurs :
- Ecosystème favorable à l’innovation (existant, notoriété, combien d’acteurs, organisation ou fédération, etc.)
- Offres et expériences (segments ou secteurs considérés, dynamique entrepreneuriale, etc.)
- Investissement (fonds dédié à l’innovation, % CA – budget d’investissement – budget marketing territorial)
- Ressources Humaines (qualification, compétences, capacité au changement)
- Vision territoriale (contexte et méthodologie ne sont valables que si vision présente).
Bien entendu, chaque critère peut être noté de 0 à 1, ou évalué (négativement ou positivement). Le mix de 5 critères permet d’identifier les conditions favorables ou pas de l’innovation touristique sur chaque territoire. Il peut être un outil d’aide aux différents acteurs d’un territoire avant toute création d’un incubateur, d’une plateforme d’innovation ou toute expérimentation.
[1]https://www.etourisme.info/fit2019-territoires-et-innovation-une-question-de-postures/
[2]https://www.etourisme.info/destinations-et-start-up-vers-une-comprehension-mutuelle/
[3]https://veilletourisme.ca/2019/07/24/territoires-touristiques-innovants/