Le locatourisme comme solution au dérèglement climatique et (surtout) à la morosité…

Publié le 13 mai 2019
4 min

Je viens de découvrir les thèses de Joël Henry, alsacien moustachu, ancien journaliste et créateur du Laboratoire de Tourisme Expérimental.
A une époque de recentrage des activités touristiques dans son environnement immédiat, ses écrits (pas si récents) prennent une consonance particulière. Et on se demande si derrière son coté loufoque, il n’a pas raison?

L’opus majeur de l’oeuvre de Joël Henry est ce document au format PDF accessible en ligne sous l’intitulé « Du Locatourisme« . Je vous propose de découvrir ce disciple de l’humour absurde.

Tracez un cercle de 169 km autour de vous

Si le locavorisme prône la consommation de nourriture produite dans un rayon allant de 100 à 250 kilomètres maximum autour de son domicile, le locatourisme s’appuie un cercle de 161 km de rayon autour de votre maison pour aller expérimenter des vacances de proximité. Cela tombe bien, cela représente la taille de l’Autriche, et comme le dit Joël Henry « chaque année, des millions de touristes rentrent enchantés de leurs vacances en Autriche ».

Vous avez donc au-dessus de votre bureau ou de votre lit la carte représentant l’aire de vos futures pérégrinations : 160 km autour de votre domicile, représentant votre AP (Autriche Personnelle). Evidemment, si vous habitez à la Pointe du Raz, cette Autriche sera assez maritime…

Mais si vous êtes à Clermont Ferrand, votre terrain de jeu va donc jusqu’à la Souterraine, Bourges, Le Creusot, Rodez ou Sarlat La Canéda. Il y a donc fort à faire…

Le guide pratique du Locatourisme est construit autour de cinq rubriques aussi hilarantes les unes que les autres : « se déplacer, se nourrir, s’héberger, quoi faire en vacances, shopping : que rapporter, et financer son voyage ».

Je vous propose quelques perles de cet ouvrage.

Propositions de marche expérimentale

On l’aurait parié, « les déplacements des locatouristes se feront de préférence par des modes de transport doux« . La marche y tient une place importante. Nous aurons relevé la marche nuptiale, qui se dit « d’un voyage de noces quand il est effectué à pied (et en tenue de marié·e) » et surtout l’excellente marche de Noé qui consiste à « se promener dans un zoo par une pluie battante ».

Mais le locatourisme est propice à de nombreuses expériences que les offices de tourisme pourraient recycler en produits facilement . Ainsi la marche apéritive qui consiste « à prendre, seul ou à plusieurs, l’apéritif en marchant« .

L’expédition polaire est plus connectée : il suffit de taper « pôle » suivi du nom de sa destination sur Google. L’auteur a trouvé, pour la ville de Charvilles-Mézières le Pôle Emploi, le Pôle hippique et un pôle médical…

Enfin, pour initier les élus de la commission tourisme aux méandres de la loi NOTRe, je vous enjoins de leur proposer un Péripatétour. Qu’est-ce donc? Il s’agît de faire le tour d’une ville ou d’une intercommunalité en suivant exactement ses limites administratives. Un joli moyen de faire de la pédagogie géoraphico-institutionnelle….

AirBnB de proximité

A la rubrique « s »héberger », l’auteur propose une technique innovante, intitulée le flat crossing. « Il s’agît d’échanger son appartement avec des amis résidant dans la même ville : une façon économique de se dépayser sans partir très loin. »

Et pourquoi pas le bivouac urbain? Avec prémonition sans doute, Joël Henry avait tenté de promouvoir le « vrombivouac » qui consiste à dormir sur un rond-point ou un noeud autoroutier. On notera (mais uniquement pour le week-end de Paques) l’idée du « Urbi et Orbivouac » où le pratiquant s’astreint à camper sur une place Saint-Pierre (et un rapide recensement montre que des places ainsi dénommées sont relativement nombreuses).

Activités de loisir : rester simple!

C’est ce que préconise Joël Henry à l’attention des Locatouristes. Il existe nombre activités peu onéreuses et abordables. C’est l’exemple du « Bronzing, car selon l’auteur « Cette activité gratuite au bilan carbone excellent peut se pratiquer partout, même dans la Meuse« . Connaissant assez peu la Lorraine, et ne voulant pas froisser les lecteurs messins de ce blog, je ne renchérirai pas sur cette affirmation d’alsacien. Par contre, je confirme, on peut faire du Bronzing même en Lot-et-Garonne…

Mais fondamentalement, le Locatourisme permet de visiter les sites touristiques qui sont sis à 160 km autour de son domicile. L’auteur conçoit que dans certaines régions (il sait de quoi il parle, il est alsacien…), ce rayon de découverte soit assez pauvre en sites de renommée internationale. Aussi Joël Henry suggère de pratiquer le similitourisme. Il s’agît de définir dans son Autriche Personnelle des équivalents (même approximatifs !) des plus grands sites. Ainsi on trouvera partout une Tour Eiffel, un Grand Canyon, un Corcovado, un Taj Mahal, etc.

Pourquoi ne pas pratiquer le tourisme du futur qui consiste à découvrir avant tout le monde ce qui sera le site incontournable du siècle prochain. il est peut-être à dix kilomètres de chez vous….

La dernière partie de l’opuscule n’est pas la moins savoureuse : comment financer son voyage, quand l’adepte du locatourisme partira explorer son Autriche Personnelle, sans un sou en poche, façon aventurier décroissant

Afin de gagner quelques subsides pour son voyage, Joël Henry déconseille la mendicité (assez mal vue), mais propose d’être peintre de rue ou poète de rue. Le métier de montreur d’ours est en perte de vitesse, car assez mal aisé en voyage. Mais pourquoi ne pas tenter l’aléatourisme? Une technique simple consistant à acheter un billet gagnant de loterie pour financer ses vacances de proximité!

Comme il n’y a pas de mal à se faire du bien, jetez-vous sur ce léger opuscule, et prenez autant de plaisir que moi à parcourir ces bons mots du tourisme que Pierre Desproges himself aurait facilement repris à son compte.

Vive le locatourisme !

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Jean Luc Boulin est consultant en tourisme : Intervention auprès des élus et des prestataires touristiques, coaching, accompagnement des équipes et des directions sont ses principaux champs d'intervention. Avec deux exigences : se mettre à la place du client et oser l'innovation. Directeur de l’office de tourisme de l’Entre-deux-Mers (Gironde) et du pays d’accueil touristique du même nom pendant plus de dix ans, Jean Luc Boulin a dirigé la MONA [...]
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