Si mon prof d’économie du lycée pouvait me lire, il serait sans doute à la fois fier de voir que sa matière m’intéresse toujours et horrifié de voir comment je vais tenter d’en parler, simplement, rapidement, à la façon d’un amateur comme je peux l’être en la matière. Je tiens à m’excuser également auprès de mes amis québécois, avec un tel sujet, je serais déjà en prison pour violation de la loi 101 sur l’usage de la langue française. Mon thème aujourd’hui me fait replonger dans l’ambiance d’un partiel d’économie quand on vous jette un sujet costaud à la tête et qu’il va falloir plancher 4h dessus.
Alors pour ceux qui n’auraient pas 4 heures devant eux, je vous résume le billet en mode sténo.
VERSION COURTE
Disruption > stratégie de différenciation > je pars là où les autres ne sont pas > j’invente un service, un produit > l’offre rencontre le besoin nouveau > illustration : Ipad totalement disruptif, avant le jour de sa sortie, personne ne manifestait dans la rue avec des panneaux revendiquant « On veut des ipad, on ne sait pas ce que c’est mais on veut des Ipad », aujourd’hui la tablette est un produit de masse qui détrône les ventes de pc > On fait partie des premiers > On crée une espèce de communauté autour de la marque > la marque a 10 longueurs d’avance sur les autres > Elle peut se concentrer sur sa prochaine disruption
VERSION … MOINS… COURTE
La DISRUPTION, vous connaissez ? Moi, parfaitement bilingue, malheureusement pas en anglais, mais plutôt Francais/Lorrain et Lorrain/Francais, j’ai mis un peu de temps à comprendre que c’était de l’anglais que nous avions intégré dans le vocabulaire stratégique, économique et marketing. Je suis sûr que c’est le genre de mot qui peut faire de vous la star d’un cocktail demain soir, pour le vernissage des oeuvres de Mychel Anchelo Di VinciAutouroute, célèbre soudeur sur poteries lumineuses en terre de cuivre à base de steak hachés en provenance d’un jardin bio végétarien d’un massaï naturalisé belge, traumatisé par sa mère inuite qui vendait des tongues sur les plages. Là, le Michel, s’il fait vraiment ça, il est un parfait exemple de la disruption dans la culture.
Si vous êtes arrivés jusqu’à cette partie du billet, soit vous vous demandez si vous avez bien lu et vous vous repassez le paragraphe, soit vous vous demandez si le site Etourisme.info s’est fait hacké, soit vous vous dîtes que la drogue dure fait vraiment de ravages sur les rédacteurs du blog, soit vous vous dîtes qu’on a réinventé le Kamoulox. Si j’avais encore mon prof d’économie à côté de moi, je pourrais lui demander si Kamoulox n’est pas à lui seul une création disruptive télévisuelle. Petit rappel pour les incultes disruptifs :
Je cherche surtout à ne pas vous faire fuir avec ce sujet majeur, lourd, qui demande quelques heures de lecture et d’échanges sans doute pour voir sa concrétisation.
Revenons quelques instants à une définition de la DISRUPTION plus conventionnelle, trouvée sur un des nombreux sites de marketing qui la définissent :
Approche stratégique de la communication publicitaire proposée en 1996 par Jean-Marie Dru, cofondateur de l’agence Boulet Dru Dupuis Petit (aujourd’hui intégrée au sein du groupe TBWA) aux États- Unis, puis en France, et fondée sur la rupture. L’approche disruptive doit permettre d’identifier conventions et biais culturels qui débouchent sur des approches standard peu créatives et donc peu génératrices d’impact. En prenant les grandes méthodes de création à contre-pied, Jean-Marie Dru privilégie les idées non conventionnelles et fortement créatives pour créer cette rupture (disruption) afin de permettre à la marque (et/ou au produit) de se différencier à l’aide d’une communication publicitaire originale et spécifique. À l’issue du processus, la réflexion créative doit déboucher sur une « vision » en faveur de la marque (source : e-marketing.fr)
Est ce déjà un peu plus clair pour vous ? En fait, vous l’avez compris, il s’agit de voir ici comment un manager de structure touristique peut trouver de nouvelles idées qui deviennent des projets pour finir en actions créatives et ensuite trouver également les arguments pour convaincre ses décisionnaires de partir dans une voie qui n’est pas encore explorée pour s’imposer comme incontournable sur ce marché ou cette expérience. Se prévaloir de réflexions « disruptives » est très ambitieux mais réaliste.
Par définition, rares sont ces personnes ou ces structures, mais si vous êtes convaincus que la tendance, le marché, les CLIENTS sont dans cette direction, en résumé, c’est toujours bon d’être dans les premiers à y aller, avec le risque d’erreur intégré à la stratégie. L’échec comme élément intégré à une stratégie, ça, c’est peut être le débat philosophique judéo-chrétien le plus compliqué face à la disruption. Pour être sur un modèle disruptif, il faut être le premier (ou dans les tous premiers) à ouvrir la voie. Prenons Apple, vous en connaissez beaucoup vous, qui ne dormaient plus de la nuit, se préparant à aller manifester dans la rue avant 2009 parce qu’ils ne pouvaient plus vivre sans avoir un ordinateur qui n’aurait plus de clavier, qui se glisserait dans un sac de voyage, connecté à Internet ? L’Ipad est arrivé là où personne ne le DEMANDAIT. Apple a réussi à créer un besoin qui n’existait pas. Si nous gardons uniquement le prisme marketing, nous sommes en pleine disruption. Et comme souvent dans ces modèles disruptifs, le début n’a pas été simple pour Apple, souvenez vous de tous les commentaires des 6 premiers mois, réduisant l’usage d’une tablette à un gros Iphone.
Un article récent de mars 2014, La Tribune explique, via Clayton Christensen, l’impact d’une économie disruptive sur notre société actuelle.Plusieurs éléments dans cet article m’ont interpellé car j’avais l’impression que l’auteur s’adressait aux professionnels du tourisme qui ont connu, connaissent et vont encore connaître ce qu’on appelle souvent des « révolutions » basées sur de l’innovation ou de la professionnalisation. Quasiment tous les secteurs du tourisme sont en face de modèles disruptifs qui changent totalement les règles et qui perturbent la Vieille économie qui souffre souvent d’inertie face à un nouvel acteur, frais, motivé à 200%, souvent tout petit (en termes de capital et de taille d’entreprise), donc très agile et réactif, tel un colibri… un peu de poésie dans ce monde de marketing ne fait pas de mal. Pour ouvrir des pistes de développements disruptifs dans l’industrie touristique, je retiendrai entre autres, ce passage : « Le potentiel d’émergence de nouvelles entreprises de ce type est très important. Partout où il existe des activités que l’on peut dématérialiser et « réintermédier », il y a de la place pour de nouveaux modèles économiques. » … Si avec ça, on ne parle pas de créer des solutions intermédiées avec ces socio-professionnels et des services dématérialisés de billetterie en ligne par exemple pour un touriste connecté.
Derrière le modèle disruptif se cache un changement de culture complet en marketing
Avec un sous-titre comme ça, si je ne suis pas invité aux prochains TED de San Francisco et si je ne suis pas repris dans tous les livres de marketing, je ne comprends plus rien. En fait, je n’y suis pour rien, j’ai loupé ma disruption sur les bases disruptives du modèle économique disruptif. En revanche, il y en a un qui l’explique à merveille en s’intéressant à la disruption dans l’hébergement touristique. Robert Cole nous livre ici une belle leçon d’économie actuelle. Deux mondes s’affrontent, on le voit quasiment tous les jours sur le terrain, quand l’économie collaborative vient provoquer les vieux modèles, quand un office de tourisme lance son wifi payant alors qu’autour de lui, la connexion territoriale et gratuite (ou freemium) s’est imposée, quand des hôtels incluent une relation client numérique d’un nouveau genre face à des hôtels qui en sont encore à cacher les prises électriques sous la table de chevet pour éviter de se les faire débrancher pour y placer son chargeur de tablette. On pourrait continuer longtemps les comparaisons entre deux mondes qui sont en train de prendre deux voies totalement différentes et quasi opposées. Je préfère à ce stade faire une capture d’écran d’une présentation de Robert Cole qui montre l’explosion des bases du marketing traditionnel, et là, j’imagine certains profs de marketing qui usent depuis des décennies les mêmes transparents sur la théorie des 5 P traditionnels, tout le monde n’en sortira pas vivant (professionnellement hein) s’ils n’évoluent pas.
Voici donc une nouvelle façon d’envisager le marketing en 2014, ce marketing où la différenciation, l’écoute client, l’authenticité, la conviction, les valeurs et la passion sont au coeur du développement de la marque à travers 5 nouveaux « P ».
Comment se concrétisent dans l’industrie hôtelière ces deux versions du développement et de la place du client au centre d’une plus ou moins bonne expérience ? De « vieux » secteurs touristiques sont aujourd’hui en compétition avec des nouveaux acteurs que l’on connait bien pour certains, inutile de reciter encore une fois leur nom. Mais c’est également la même chose pour les institutionnels du tourisme qui se retrouvent eux aussi avec des acteurs privés qui ont compris la force de la « donnée » touristique pour proposer des applications de voyages qui pourraient m’amener demain à ne plus faire appel aux services d’un office de tourisme s’il ne propose pas d’éléments disruptifs que je ne retrouverai pas sur une application comme Tripadvisor et consorts. Je vous laisse apprécier l’emploi du conditionnel sur le verbe « pouvoir » dans ma phrase précédente, qui permet de garder encore de l’espoir 🙂
Pour y répondre, rien de mieux de découvrir la présentation complète de l’auteur :
Du modèle disruptif à l’Experience Economy, il n’y a qu’un pas
Si vous êtes adepte de ces réflexions disruptives, ce marketing basé sur ces nouveaux 5 « P » peut nous amener gentiment à la notion d’économie expériencielle que certains d’entre vous ont pu découvrir à travers une conférence picarde de Joe Pine (février 2014), un des penseurs disruptifs de l’économie qui pose l’authenticité, des valeurs de votre marque (votre destination) à la base de votre stratégie de prospection/fidélisation pour créer des souvenirs inoubliables comme il dit si bien l’ami Joe. On aura le temps de revenir sur ces notions, le sujet de l’Experience Economy mérite bien quelques billets dédiés. En attendant, vous pourrez découvrir le concept de Joe Pine dans cette vidéo TED, une des dix plus regardées au monde dans l’univers TED :
S’il y a des puristes du marketing qui veulent intervenir dans les commentaires, ce sera avec grand plaisir. Ce billet a été rédigé par un non professionnel qui cherche surtout à trouver des concrétisations de ces disruptions dans nos métiers touristiques 🙂 . Et spécialement pour mes directeurs d’offices de tourisme réunionnais qui sont devant moi pour cette conclusion, je publie très tôt ce billet pour que eux aussi puisse avoir de la lecture à 8h (+3h par rapport à la métropole).