Le monde d’après se bâtit aujourd’hui

Publié le 13 janvier 2021
7 min

2021, année du rebond ?

2020 a été marquée par quelques mots singuliers, que nous ignorions en grande partie il y a à peine douze mois. Coronavirus, asymptomatique, confinement, hydroxychloroquine, distanciation sociale, déconfinement, reconfinement. 2020 a popularisé également d’autres mots (le télétravail, la glottophobie ou le séparatisme), a inventé la notion d’activité essentielle (donc de fait la notion contraire de ce qui n’est pas essentiel), a diffusé des idées et provoqué de nombreux débats et écrits, du fameux monde d’après à la résilience.  

2021 portera sans doute la marque sémantique du « rebond ». Rebond d’abord du virus qui plonge la planète depuis une année dans un clair-obscur permanent et dont les variants annoncés depuis plusieurs semaines, qu’ils soient anglais, brésilien, japonais ou sud-africain, inquiètent au moment où les premières campagnes vaccinales s’organisent. Rebond ensuite des faillites d’entreprises lorsque les dispositifs de prêts garantis par l’Etat (PGE) et de chômage partiel seront réduits. Rebond des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui passeront par différentes mesures d’accompagnement des salariés grâce à des dispositifs d’accompagnement à la recherche d’emploi, de soutien à la création d’entreprise, d’aide à la formation ou à la conversion. Rebond des plans de départ, volontaires ou non, dans de nombreuses entreprises qui auront un impact sur le taux de chômage avec des prévisions de la Banque de France allant jusqu’à plus de 11% à la fin du premier semestre. Rebond des inégalités, je pense notamment aux étudiants et aux jeunes dont on commence à entendre la souffrance psychologique et dont les perspectives d’insertion professionnelle se sont assombries. Rebond enfin, souhaité, de l’économie et de la croissance avec des perspectives de l’ordre de +5 à +6% du PIB à la fin de l’année, avec l’enjeu de réinjecter l’épargne des Français dont le surcroît atteindrait 130 milliards d’euros fin 2020, vers l’économie. Un rebond de l’économie par un rebond de l’investissement et de la consommation, dont on espère qu’elle sera plus juste, plus écologique et plus solidaire et dont on pense qu’elle sera profitable notamment aux loisirs, à la culture et au tourisme.

2021, l’année du rebond ?

 

L’art du rebond, une idéologie managériale ?

On prête à Confucius de nombreuses pensées. L’un d’elles, « la plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute », accompagne de nombreux parcours personnels et professionnels. Je l’ai lue à de nombreuses reprises l’année dernière, dans des forums consacrés notamment à la question de la « résilience ». Nos vies seraient à l’image d’une balle de tennis, qui après une chute rapide et un choc violent avec le sol rebondirait d’autant et plus fort et d’autant plus haut. La parabole est sans doute facile, mais elle signifie que la préparation au rebond est nécessaire.

L’un des éléments clefs du rebond réside dans l’adaptation des organisations, entreprises ou institutions, aux modèles qui s’inventent et s’écrivent chaque jour. Cette adaptation passe par plusieurs éléments stratégiques. Les défis contemporains sont nombreux et parfois anxiogènes. Gary Hamel, dans son célèbre ouvrage éponyme paru en France en 2012, proposait d’appliquer cinq principes de management nécessaires aux organisations du futur : les valeurs organisationnelles, l’innovation continue, l’adaptabilité rapide, la passion, l’idéologie managériale. Si les premiers principes semblent évidents, « l’idéologie managériale » mérite peut-être d’être explicitée. Elle consiste à remettre l’humain au cœur de la vie de l’organisation, à la fois en matière de pratiques mais aussi de principes, visant un juste équilibre entre une gestion de contrôle et une culture d’autonomie et de créativité, entre l’efficacité et les besoins de liberté et de confiance.

L’actualité des derniers mois montre combien le facteur « humain » en est le point central. Cette évidence est encore plus vraie pour le secteur du tourisme, une économie de services, une activité ouverte sur le monde qui finira bien par reprendre le fil de son histoire et de son voyage. Le tourisme repose en grande partie sur les femmes et les hommes qui l’incarnent et qui le vivent, des femmes et des hommes aux qualités intrinsèques d’empathie, de bienveillance mais également aux compétences professionnelles précises et solides.

L’humain au coeur de l’idéologie managériale

 

Un Campus pour préparer le rebond du tourisme

Pour accompagner ce rebond du tourisme, et anticiper la reprise qui viendra sans doute de nouvelles formes à compter de 2022, il convient de disposer d’outils performants et innovants. J’ai la chance d’accompagner depuis quelques mois désormais ce qui me semble être un tel projet. Dans un territoire, la Côte d’Azur, où le tourisme représentait jusqu’à 2019 près de 15% du PIB territorial, la crise actuelle sévit avec rudesse et fracas.  Dans le cadre d’un projet exceptionnel dans la plaine du Var, la filière tourisme du Campus Sud des Métiers de la CCI de Nice Côte d’Azur prépare l’avenir du secteur. Son ambition est de « former les managers et les dirigeants du tourisme de demain », celles et ceux qui vivront le tourisme de l’après-Covid, d’un secteur qui repartira forcément différent après sa première grande structurelle après des décennies de croissance continue. Le modèle de l’OMT d’une croissance mondiale de +4% par an n’a plus cours. Il faut repenser le modèle. Il convient d’anticiper le rebond.

Dans un lieu magnifique, tout en lumière et transparence, imaginé par l’architecte Corinne Vezzoni, un ensemble de bâtiments de 22 000 m² en cours de construction verra le jour en deux temps, entre septembre 2021 et le printemps 2022. Un investissement de 80 millions € pour accompagner les mutations actuelles et former aux métiers et aux compétences de demain. Un Campus qui sera ouvert sur la ville et sur le territoire, un Campus qui sera un lieu de formation et un laboratoire d’innovation. Un Campus qui sera un centre de vie en lien direct avec les entreprises et les habitants de la Côte d’Azur.

L’idéologie managériale structure le projet. « Former les managers et les dirigeants du tourisme de demain » nécessite de travailler avec les entreprises du territoire, de les faire s’exprimer et anticiper leurs besoins futurs au niveau managérial. Trois niveaux de management sont identifiés : management stratégique de direction, management hiérarchique opérationnel, management de projet et d’innovation. Les programmes du Campus viseront ces niveaux, ciblant expressément le middle management et le management, via un travail très poussé et précis avec les partenaires professionnels de quatre filières métiers : l’hospitality, l’évènementiel, les cultures (y compris les loisirs) et le développement territorial.

La Campus Sud des Métiers tourisme, vue d’architecte

 

Une méthode pour accompagner le rebond des entreprises       

La méthode du Campus est articulé autour de trois axes majeurs : Strategy, Academy, Creative factory.  Le premier permet de travailler dans le fond avec les entreprises du territoires et de cibler leurs enjeux managériaux, cruciaux en période de crise et dans la perspective de la reprise de l’activité : les futurs salariés seront en première ligne pour redonner confiance aux clients et pour participer à la nouvelle histoire de la destination. Le deuxième vise à déployer des programmes de formation selon différents formats (alternance, formation continue, Summer school), soit opérés directement par le Campus, soit en    partenariat avec des écoles de notoriété nationale ou internationale. Le troisième proposera des dispositifs innovants d’accompagnement à des porteurs projets, individuels ou collectifs, pour tester et développer de nouvelles solutions. Ces projets pourront être ceux d’entreprises ou des territoires. La reconstruction touristique du haut-pays niçois pourrait faire l’objet de la première session de la Creative Factory.

Pour tester la méthode, un premier programme de formation, « Hospitality middle manager » (H2M), voit le jour en partenariat avec les syndicats professionnels hôteliers des principales villes touristiques de la Côte d’Azur (Antibes – Juan-les-Pins, Cannes, Menton et Nice). Ce programme est destiné à accompagner des demandeurs d’emploi en mobilité professionnelle est tout à fait original, tant dans le programme (3 phases : 3 mois de formation action – contextualisée « l’hôtel virtuel » ; 6 mois de formation en situation de travail « au coeur de l’hospitality » ; 1 mois de valorisation et validation des compétences « acteur de l’hospitalité »), dans son financement via un dispositif spécifique de Pôle Emploi et que dans l’engagement des entreprises partenaires à proposer un CDD de 6 mois minimum aux stagiaires dès la saison 2022.

Un Campus ouvert sur la ville et le territoire

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A ce jour, dix hôtels 4 étoiles et plus se sont déjà engagées (Belles Rives et Les Strelitzias à Antibes – Juan-les-Pins ; Le Cavendish, Croisette Beach Hôtel, Grand Hôtel, Le Martinez et le Radisson Blu à Cannes ; Marriott et Le Négresco à Nice ; le Royal Riviera à Saint-Jean-Cap Ferrat). Dix autres doivent s’engager dans les prochains jours, témoignant ainsi d’un fort engagement des professionnels et d’une mobilisation pour préparer le monde d’après.

L’art du rebond ne peut s’entendre que d’un point de vue collectif et la mobilisation de tous les acteurs. C’est là tout l’enjeu, le vaste et magnifique défi porté par le Campus Sud des Métiers Tourisme, alors que la crise que traverse le secteur est sans précédent et semble pour certains presque sans fin. Mais il faut savoir se projeter, préparer l’avenir, qui s’écrira forcément autour de nouvelles histoires individuelles et collectives. Parce que demain commence aujourd’hui.

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Brice Duthion est président - fondateur de la société "Les nouveaux voyages extraordinaires", agence spécialisée en conseil, conférences et communication. Il intervient auprès de nombreux acteurs publics et privés dans ses domaines d'expertise : le tourisme, la culture et le développement territorial. Acteur engagé et passionné, membre du comité d'experts tourisme et développement territorial du CNFPT et de l'INSET de Dunkerque, il fait partie de l'équipe des blogueurs du site [...]
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