Le plan d’actions de l’ADEME

Publié le 4 octobre 2021
7 min

C’est en me connectant jeudi pour commencer à rédiger mon billet que j’ai découvert que Guillaume avait lui aussi rédigé pour vendredi qui vient de passer un long et bel article à partir du « Bilan des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France » publié par l’ADEME en avril dernier. En appliquant une règle de trois, il en déduit qu’il va nous falloir limiter à 30 millions le nombre de touristes internationaux d’ici 2030 si l’on veut respecter nos engagements… Si tu ne l’as pas lu, commence par ça et revient ici une fois que c’est fait !

Dans le même ordre d’idée, Jean Pinard, Directeur du CRTL Occitanie, sur LinkedIn, fustigeait la semaine dernière les diverses composantes de notre secteur qui parlent souvent sans agir, et avançait à la louche lui aussi une réduction drastique de moitié de cet inconscient objectif de 100 millions de visiteurs fixé il n’y a pas si longtemps. Allez hop, va le lire aussi avant de revenir ici !

Et dernière lecture sur ce sujet, le billet toujours sur LinkedIn de Sébastien Répéto qui résume sa participation aux Universités du Tourisme Durable qui se tenait au Havre la semaine dernière.

Les transports aller/retour dont l’avion, la priorité !

Ce graphe issu du bilan établi par l’ADEME a le mérite d’être clair, c’est bien d’éviter le gel douche en dosette dans les hébergements ou de mettre des pailles en bambou dans les cocktails, ou de cuisiner local, mais c’est clairement, comme le soulignent Guillaume et Jean, sur les transports qu’il va falloir fortement agir : 77% des émissions au global pour la mobilité, 41% rien que pour l’aérien, 68% pour les transports aller/retour (en voiture essentiellement pour le différentiel de 27%).

Évidemment, on peut militer pour des transports plus vertueux, comme le bus, ou le train. Le tableau ci-dessous est très clair sur l’impact des différents modes de transports !

Encore faudrait-il que la train coûte moins cher que l’avion… il y a quand même un souci là-dessus, je l’ai encore récemment expérimenté sur un Toulouse-Nantes, moins de 100€ par Easyjet aller le lundi matin et retour le mardi soir en 1h quand il m’en coûtera entre 200 et 400€ en seconde classe, avec un trajet entre 6h30 et 7h30 qui m’oblige à partir le dimanche et rentrer le mercredi ! Ne faut-il pas renverser un peu le modèle ?

Relancer un méga plaN pour le train ?

Alors on peut toujours tortiller du …, il n’y a pas 50 solutions, va falloir massivement agir là-dessus. On commence timidement à agir, l’arrêt des lignes aériennes quand on a moins de 2 ou 3h de train en étant une bonne illustration, et quand on voit les débats que cela peut susciter, c’est loin d’être gagné. À ce sujet, Réseau Action Climat a produit en juin 2021 une imposante étude sur le report air/fer pour les dessertes à moins. de 4h. La densification du réseau, y compris LGV, est-elle la solution ? Peut-on imaginer un maillage européen susceptible de damer le pion à Easyjet, Ryan Air, Volotea et consorts ? Est-ce qu’il ne faut pas mettre quelques milliards (dizaines ? centaines ?) là-dessus, ou sur de l’Hyperloop (si un jour cette technologie prometteuse fait plus que promettre) et quasi « éradiquer » l’avion court et moyen courrier ? Oui ça coûtera cher (beaucoup plus que le plan de relance de l’aéronautique et d’Air France, probablement…), mais si on ne fait rien sur ce plan, pas besoin d’avoir lu les 4000 pages du rapport du GIEC pour comprendre non ?

Pour paraphraser le rapport, « Les visiteurs étrangers sont à l’origine de la majorité des émissions GES (environ 80%) liées au transport origine/destination et représentent 32% des arrivées » !!! Un touriste français va parcourir en moyenne 630km, contre 3150km pour un étranger, plus souvent en avion. Or, l’avion est 3 fois plus émissif par passager.km que la voiture, 7 fois plus que l’autocar et 45 fois plus que le train ! Alors je me répète, même si les infrastructures et le matériel roulant coûtent cher (et l’acier pour les produire génère bien évidemment beaucoup d’émissions), qu’est-ce qu’on attend pour REmettre le paquet sur le ferroviaire, qu’on a laissé crever ces dernières décennies ?! Et mieux organiser les derniers km à partir des gares avec des navettes, des vélos, des véhicules électriques qui permettent de vraiment se déplacer sans voiture, et surtout sans avion ?

Quid de l’aéronautique et d’une partie des prestataires ?

Alors oui, il y a des secteurs qui vont morfler : toute l’industrie aéronautique, qui communique à fond sur l’hydrogène, mais pas avant 2035, et quand j’entends ce qu’en dit Jean-Marc Jancovici lors d’une récente conférence, est-ce vraiment une solution ? Même si on remplace une bonne partie de l’avion et de la voiture par du train, même si on peut envisager de séduire une clientèle européenne avec un modèle de déplacement plus vertueux, de permettre à une clientèle nationale qui ne voyage pas de pouvoir le faire davantage, l’idée reste de s’orienter vers une baisse du nombre de voyageurs reste inévitable.

Et cela signifie indéniablement une baisse des recettes liées au tourisme, et donc une destruction d’établissements et d’emplois qu’il faudrait anticiper et accompagner, on repassera pour les lendemains qui chantent… Et je ne parlent même pas des commerçants, de nos boutiques de luxe et de certaines villes qui vivent grassement du tourisme international.

On ne fait pas d’omelette sans casser d’oeufs paraît-il, et si on veut continuer de manger (plutôt végétarien a priori), il va bien falloir agir !

LIMITER LES ENTRÉES INTERNATIONALES À NOTRE SEUL PAYS NE SUFFIRA PAS

Je suis admiratif des calculs opérés par Guillaume, qui est allé jusqu’à donner des projections régionales (je le répète, mais si tu n’as toujours pas lu son billet de vendredi dernier malgré l’injonction du début d’article, vas-y !), mais si c’est beau (selon le point de vue) sur le papier, je crains que cela ne suffise pas.

OK, on réduit la promotion vers les marchés lointains pour qu’ils viennent moins chez nous, et même, on met en place des quotas comme cela existe déjà sur certains sites touristiques à forte affluence, bref, on fait notre part du job, soyons un poil utopistes en ce qui concerne la volonté d’action au niveau national ! Reste que sur les 118MtCO2e décomptés par l’ADEME, seuls 50Mt sont émis sur notre territoire. Peut-on réellement envisager que les chinois, indiens, australiens, brésiliens, américains ou canadiens vont se dire « Ah ben zut, on ne peut pas aller en France, tant pis, restons chez nous ! » ??? Si on leur « bloque » la route, de façon plus ou moins incitative, mais qu’à la place ils se rendent en Italie ou en Espagne, on pourra peut-être se réjouir d’une moindre émission au niveau national, mais ça changera peanuts sur les émissions mondiales !

Réduire l’accueil de touristes internationaux à notre seul niveau ne sert à (presque) rien si le nombre de départs reste le même, et c’est donc bien à ce niveau qu’il faut agir, ce qui devient beaucoup plus compliqué. Va donc expliquer à un chinois qui a enfin les moyens de se faire un tour d’Europe que lui, non, c’est trop tard, il n’y a pas droit. Va compter sur le gouvernement chinois pour réduire les départs afin de limiter les émissions GES…

On fait quoi alors ?

Ben déjà, à défaut de faire le Canadair, on continue de faire le colibri, au niveau local ! L’ADEME conclue son document par des pistes d’actions, mettant en parallèle offres et demandes, et cela ressemble furieusement à un plan d’actions pour une destination qui aurait décider de s’engager sur ce sujet !

On y trouve à peu près tout ce qui peut nous faire grappiller quelques tonnes dans les plus faibles pourcentages hors mobilité du camembert initial, et qu’une Région, un Département, une Communauté de Communes, d’Agglomération ou Métropole peut tout à fait mettre en place avec son bras armé touristique, et encore mieux, de concert sur ses différentes strates territoriales. Allez, volons en escadrilles petits colibris !

Quant à l’avion, son remplacement par le train, si l’on veut réduire les 41%, voire les 68% liés aux aller/retour, ça ne pourrait se jouer qu’à l’échelle européenne : on limite les entrées, on bascule sur du train entre nos pays. D’ailleurs, le levier le plus efficace serait sûrement le prix : taxons à tout va l’aérien si on veut le faire baisser, mais encore une fois, au moins sur tout l’espace européen, et même plus largement ! Et cela produit un autre biais, seuls les plus riches, déjà les plus pollueurs, pourront se permettre ce luxe de polluer encore davantage…

À défaut d’entente internationale, ou au moins européenne, on peut tout à fait se lancer dans la bataille les premiers, espérer que donner l’exemple pourra entraîner le reste de nos partenaires, ça a bien marché avec le siècle des Lumières non ? Sauf que cela a pris un peu de temps avant de se répandre, et du temps… on n’en a pas beaucoup.

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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