Chères lectrices et chers lecteurs, nous poursuivons donc notre dossier fil rouge en 2023 visant à analyser, à décortiquer et à vous inspirer sur la filière spécifique de l’hébergement marchand… 🏠
Après vous avoir éclairés sur “ La croissance insolente des locations saisonnières de France “, je suis encore aux manettes avant de laisser la plume à Laurence sur un volet hôtelier puis mon ami François qui nous apportera ses lumières sur l’hôtellerie de plein air. On aborde aujourd’hui mon thème de cœur, celui de la chambre d’hôtes… 🔑🥰
On espère qu’en ce vendredi matin, qui plus est glissé entre 2 ponts de mai, cette lecture fera partie de votre sélection des jours à venir 🙏
À travers cet article de fond, et avec l’appui de ma collaboratrice Amélie, nous vous rappellerons ce qui définit une chambre d’hôtes d’un point de vue légal ; nous vous donnerons quelques chiffres clés sur son marché ; puis nous prendrons de la hauteur pour imaginer le futur de ce mode d’hébergement et ses enjeux situés entre l’effervescence de l’hôtellerie et des locations meublés de tourisme… 👇
qU’EST-CE QU’UNE CHAMBRE D’HÔTES POUR LE CODE DU TOURISME ?
Les caractéristiques qui la définisse :
- Chambre meublée située chez l’habitant en vue d’accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations
- Déclaration à la mairie obligatoire suivant le Cerfa 13566
- La réglementation limite la capacité maximale d’hébergement à 5 chambres et 15 personnes
- Elle comprend également la fourniture de prestations de services : le nettoyage de la chambre, la fourniture du petit-déjeuner et du linge de maison, ainsi que l’accueil de la clientèle par l’habitant.
Les 2 points clés sur lesquels nous attirons votre attention sont la fourniture du petit-déjeuner, critère obligatoire, et le seuil des 5 chambres. Si l’un de vos exploitants affiche clairement sur son site Internet un “ tarif sans petit-déjeuner “, sachez qu’il ne respecte plus la loi et ne peut plus utiliser le terme de “ chambre d’hôtes “. Idem pour celui qui affiche 7 chambres au sein de son établissement, il ne peut plus utiliser le terme de chambres d’hôtes du moins pour 2 de ses chambres. Bien qu’il n’excède peut-être pas la capacité maximale de 15 personnes (généralement 2 personnes par chambre), il enfreint ainsi la loi.
Bon, vous vous dites sûrement que je commence fort cet article, mais ces caractéristiques de base sont pourtant loin d’être toujours respectées sur le terrain ! 👀
Pour approfondir ces problématiques, nous vous préconisons le téléchargement de la fiche pratique rédigée par la DGCCRF à lire par vos soins voire à transmettre à vos porteurs de projets et prestataires 😇
Avant de basculer vers des jugements hâtifs, jetons un coup d’œil sur les chiffres.
Constatons-nous un dynamisme des ouvertures de chambres d’hôtes ? Quel est le nombre de chambres en moyenne par hébergement ? Quel est le prix moyen d’une chambre à la nuitée ? Son taux d’occupation ? Son chiffre d’affaires ? Etc.
1er amer constat : il n’existe aucune statistique officielle fiable autour de la chambre d’hôtes depuis le bon vieux Memento du Tourisme dans son édition 2018 diffusé par la DGE !
On se réfère donc à l’inoxydable Accueillir Magazine, l’unique revue professionnelle du secteur, pour identifier quelques statistiques non officielles :
Ces données reflètent le comportement du marché traditionnel de la chambre d’hôtes. Nous en parlerons par la suite, ce marché tend à s’épuiser pour laisser place à un certain “ renouveau ” de la chambre d’hôtes, un second souffle, et ceux qui s’inscrivent dans cette dynamique aujourd’hui présentent davantage les caractéristiques suivantes :
- 4 chambres d’hôtes en moyenne
- Prix moyen de la chambre d’hôtes compris entre 120 € et 130 € la nuitée
- Prix moyen de la table d’hôtes compris entre 30 et 35 € par personne
- Taux d’occupation annuel moyen de 45 % à 50 %
- Chiffres d’affaires moyen de 80 000 €
Au-delà de ces considérations légales et économiques, le produit de la chambre d’hôtes est-IL dans l’air du temps ?
Pour le voyageur, osons le dire, quitte à choquer, le produit chambre d’hôtes semble quelque peu passé de mode… 🙄
Ce terme a effectivement une connotation vieillotte et désuète qui crée dans l’imaginaire de tous une sorte de “ chambre d’hôtes de mamie à la campagne ”. La chambre d’hôtes peut dorénavant, et cela depuis 4-5 ans, manquer d’attractivité pour une clientèle jeune qui se tourne principalement vers Airbnb, sans chercher un mode d’hébergement spécifique, mais davantage pour y dénicher du “ pas cher “ ou de l’insolite. La clientèle familiale, quant à elle, a tendance à privilégier les locations de vacances pour préserver leur intimité et leur budget. Enfin, la clientèle professionnelle se tourne facilement vers de l’hôtellerie plus discrète voire impersonnelle.
Les grosses plateformes mettent leur budget publicitaire qui se chiffre à quelques centaines de millions de dollars, voire milliards (380 millions pour Airbnb au 2ème trimestre 2022 et 1,7 milliard pour Booking Holdings sur cette même période) pour promouvoir les locations de vacances ou les hôtels au détriment des chambres d’hôtes. Ce produit, apparemment moins sexy également pour les distributeurs, est par ailleurs régulièrement rebaptisé à leur guise “ chambre partagée “, “ maison d’hôtes “ ou encore “ B&B “ 🆕🚀🆒
Pour le prisme de l’exploitant, les raisons sont avant tout d’ordre économique…
Est-ce rentable d’ouvrir une chambre d’hôtes ? On a dû me poser plus de 100 fois la question depuis ces dernières années tandis que la réponse, comme vous l’imaginez, n’est pas aussi simple (à moins que nous ne demandions à ChatGPT 🤗).
Néanmoins, il est évident que de par son cadre réglementaire, une chambre d’hôtes est humainement et financièrement bien plus contraignante qu’un gîte tandis qu’elle ne peut, à la différence de l’hôtellerie, miser sur une économie d’échelle pour maximiser ses revenus et atténuer ses charges…
Les banquiers sont de plus en plus difficiles à convaincre pour financer un projet de maison d’hôtes, et cela n’est pas lié uniquement aux instabilités économiques actuelles. On constate aussi que de nombreux projets se transforment en gîtes ou prennent d’autres directions… C’est notamment le cas de Philipp MAYRHOFER, propriétaire de “ Le Fleur “ anciennement une maison d’hôtes de 3 chambres. Face à un manque de rentabilité et à des problématiques personnelles de manque d’intimité, leur projet a évolué. Ils commercialisent aujourd’hui sous la marque Le Fleur des produits de décoration, et animent une chaîne Youtube en lien avec la restauration de leur bien.
Nous voyons 2 uniques scénarios qui peuvent résister à cette issue fatidique.
- Scénario 1 : Les chambres d’hôtes qui permettent de pallier à l’absence d’offre d’hébergement hôtelier sur des territoires où les capacités d’accueil sont limitées. Ici, une chambre d’hôtes “classique” peut très bien y trouver son compte.
- Scénario 2 : Les chambres d’hôtes qui affichent un vrai positionnement différenciant à l’échelle d’un territoire. Ce sont des “petits hôtels” avec une valeur ajoutée non négligeable : L’HUMAIN.
Si le scénario 1 reprend les codes de la chambre d’hôtes telle qu’on la connaît déjà, le scénario 2 lui mérite que vous y prêtiez attention car c’est un marché en réel développement.
Les caractéristiques des chambres d’hôtes de demain qui seront les rockstars de vos territoires
Le temps de la maison d’hôtes de mamie est bel et bien révolu. Place aux profils plus jeunes, plus experts et passionnés des exploitants de chambres d’hôtes 💪
Que ce soit pour sauver un patrimoine familial, par amour pour sa région, ou simplement par passion pour l’hospitalité à taille humaine, ces futurs exploitants seront de réelles locomotives pour vos territoires. Ils ont besoin d’une intégration complète et transversale de leur activité dans leur écosystème local avec, par exemple, la collaboration avec un ESAT pour la gestion du linge, avec des producteurs locaux pour un volet restauration ou encore avec des prestataires d’activités pour proposer une offre packagée 🤜🤛
Voici en quelques points les caractéristiques de ces chambres d’hôtes 2.0 qui représentent sans nul doute 80 % des porteurs de projets de demain :
La montée en gamme est une étape inévitable pour déconstruire l’image vieillissante de la chambre d’hôtes et elle se se construit à plusieurs niveaux :
- Sur le bien immobilier recherché : les porteurs de projets recherchent de grandes et belles maisons, principalement à la campagne, pour 60 % d’entre eux, et qui présentent un vrai potentiel avec des biens souvent atypiques et de caractère : demeures, abbayes, manoirs, corps de ferme. C’est en tout cas ce que nous rapporte l’étude réalisée par Ancoris, et c’est ce que nous observons très largement à l’échelle de nos accompagnements. Les caractéristiques du bien sélectionné seront un critère primordial, afin de pouvoir maximiser ses capacités d’accueil en visant 5 chambres d’hôtes, mais aussi afin de proposer d’autres typologies d’hébergements au-delà de la maison d’hôtes, avec souvent 1 ou 2 gîtes complémentaires, voire de l’hébergement insolite sur le terrain 🛖🏕
- Sur le positionnement ciblé : avec un standing allant du moyen de gamme + au haut de gamme associé à des prestations taillées sur-mesure incluant la qualité de la literie, de l’accueil, de la décoration de goût, des services à la carte ou encore de la restauration, etc. Cela, afin de viser une cohérence globale de l’offre et ainsi tirer ses tarifs vers le haut 👆
L’envie d’aller au-delà de sa qualification propre d’hébergement :
- Les porteurs de projets sont de plus en plus passionnés, animés par leur projet de maison d’hôtes et vont rechercher un vrai partage humain avec leurs hôtes. Cette passion pour l’hospitalité et le partage sont très appréciés par leurs voyageurs.
- Les chambres d’hôtes de demain recherchent une différenciation profonde et identitaire sur laquelle positionner l’ensemble des services et produits proposés au cours du séjour, afin de sortir du lot.
- Cette envie de proposer une expérience unique à leurs voyageurs, se couple à la nécessité, parfois vitale, de diversifier ses sources de revenus pour accroître son chiffre d’affaires.
- Les exploitants cherchent à pouvoir dégager des revenus sur l’activité pure d’hébergement, certes, afin de pouvoir absorber à minima leurs charges. Mais leurs ambitions vont au-delà, en se visant une certaine marge sur des services et des prestations complémentaires à forte valeur ajoutée :
- Prestations et équipements de bien-être : sauna, jacuzzi, massages, tisanerie, solarium…
- Diversité de la restauration : tables d’hôtes, paniers gourmands, planches apéros, bocaux prêts à cuisiner…
- Activités sur place : ateliers thématiques en tout genre, prêt de vélo…
- Accueil d’une clientèle professionnelle : équipements adaptés, espaces modulables, offres clé-en-main et sur-mesure…
- Accueil événementiel : pour des shooting ou des mariages, des séminaires ou des team building d’entreprise…
- La chambres d’hôtes se transforment même en gîte avec des formules de privatisation
Bien sûr, ces nouvelles aspirations de la chambre d’hôtes de demain impliquent des complexités nouvelles :
- Sur la gestion du site : les besoins en ressources humaines sont plus importants qu’une chambres d’hôtes classique, à l’image d’un “petit hôtel”. Cela demande de réelles qualités de manager, de chef d’entreprise, de comptable… 👩💻👩🌾👷♀️
- Sur les limites réglementaires : vouloir aller au-delà de sa fonction première d’hébergement implique souvent une nécessité de passer à l’immatriculation en tant qu’opérateurs de voyage et de séjours auprès d’Atout France, et toutes les contraintes qui y sont liées 👩⚖️
Si la chambre d’hôte possède un réel avenir sur ce scénario, elle permet aussi de casser les codes en allant sur des modèles hybrides d’hébergement, empruntant les caractéristiques de l’hôtellerie, de l’événementiel, et de la location de meublés.
En conclusion
Nous le constatons à notre échelle, la chambre d’hôtes est sur un réel tournant. Les enjeux et intérêts de cette typologie d’hébergement se constatent aussi sur vos territoires, comme en témoigne Alexandra BRISSON, la passionnante et passionnée Directrice de l’office de tourisme de l’Anjou Bleu. Nous terminons sur ses mots qui reflètent parfaitement le bouleversement du marché…
« Et si le concept même de la chambre d’hôtes était désuet ?
Nous pourrions invoquer l’évolution des attentes des clientèles en recherche de plus d’autonomie, de tranquillité, de confidentialité… Qui aurait envie encore aujourd’hui de devoir absolument « taper la causette » à des propriétaires en mal de contacts et de relations humaines ?
Nous pourrions aussi invoquer la perte de vocation et d’envie d’accueillir au sein de sa propre demeure, à l’heure d’une société individualiste dans laquelle on se méfie parfois de l’autre. Qui aurait envie d’attendre des clients qui ne viennent pas à l’heure indiquée ou qui finalement annulent leur réservation en dernière minute alors que le délicieux coq au vin a mijoté toute la journée pour la table d’hôtes du soir ?
Nous vivons en effet une crise : une crise sociétale, une crise des modèles… tout en observant toutefois un ardent désir d’authenticité, de partage, de retour aux choses simples et à la relation humaine sincère… Et si finalement la chambre d’hôtes pouvait répondre à cette attente ? A nous, acteurs du tourisme, de revisiter une image peut-être un peu trop poussiéreuse de la maison d’hôtes. A nous de rendre sexy cette offre qui s’est pourtant complètement transformée et qui a développé des trésors d’inventivité pour proposer de nouvelles expériences aux voyageurs. A nous de défendre nos identités locales et nos personnalités d’ici, tout en préservant un écosystème touristique local viable et équilibré. Vaste question c’est vrai…
Intéressons-nous à la campagne française et notamment à cette campagne nord angevine baptisée « l’Anjou bleu » en raison de ses nombreuses rivières navigables et sa tradition d’extraction ardoisière. Posons la même question : le modèle de la chambre d’hôte est-il en recul ? ou au contraire connait-il un regain d’intérêt ? Je répondrai les 2, mon capitaine !
Force est de constater – et les chiffres le disent mieux que moi – une diminution progressive du nombre d’établissement au fil des années… Les raisons sont multiples : nos propriétaires vieillissent progressivement et ne trouvent pas repreneurs ; leurs belles bâtisses retombent alors dans le domaine purement privé. Ils n’ont pour certains n’ont plus la flamme et revendiquent eux aussi de pouvoir profiter de temps libres et de vacances. D’autres se disent « dépassés » par la gestion d’une activité qui devient de plus en plus technique, pointue et juridiquement complexe. Autre cas de figure qui se multiplie : « d’ambitieux » repreneurs ne trouvent plus de soutiens auprès des banques pour accompagner leurs projets… Et oui difficile aujourd’hui de défendre un projet de maison d’hôtes en pleine campagne… Bref, les obstacles sont nombreux et ouvrir une maison d’hôtes demeure aujourd’hui une vraie vocation et suppose une solide détermination doublée d’une stratégie d’entreprise aiguisée.
Pourtant les projets sont bien là dans notre campagne de l’Anjou bleu et lorsqu’une nouvelle activité de chambres d’hôtes se créée, il ne faut pas attendre bien longtemps pour que les premières réservations s’annoncent… et d’autant plus si la table d’hôtes est proposée à la carte. Et oui, dans nos territoires où l’offre hôtelière traditionnelle est faible et où la restauration reste limitée la semaine, c’est le jackpot pour nos logeurs qui ont bien compris qu’il fallait multiplier les services proposés aux voyageurs de tous horizons. La maison d’hôtes devient alors lieu hybride entre lieu d’accueil, lieu de villégiature, lieu de services, lieu de travail, lieu de ressourcement, lieu de retrouvailles… Bref, la maison d’hôtes est devenue le « tiers-lieu » de nos campagnes, à la croisée des modèles et où toutes les innovations sont possibles… »