Lorsque l’on pense aux impacts négatifs du tourisme, les images de plages bondées, de monuments historiques dégradés et de villes congestionnées par des foules de touristes viennent souvent à l’esprit. Cependant, il est crucial de ne pas sous-estimer les effets négatifs du tourisme dans des territoires à faible potentiel touristique, où l’environnement fragile et les ressources limitées peuvent subir des dommages significatifs même avec un faible afflux de visiteurs. Dans cet article, nous allons explorer les inconvénients et les impacts négatifs de ce type de tourisme, en insistant sur l’importance de la réflexion avant de promouvoir de telles destinations. On se souvient notamment, lors de la crise de la COVID, de ces sentiers pris d’assaut par des usagers qui, il est vrai, n’avaient pas grand choix de possibilités d’activités mais dont l’impact sur la nature a été indéniable. Le pire, c’est que dans cette période, les retombées économiques ont été très faibles pour ne pas dire négatives si on prend en compte les frais d’entretien qu’ont occasionné cette surfréquentation des espaces naturels.
OK mais c’est quoi le sous-tourisme ?
Le terme n’est pas très souvent utilisé et lorsqu’il l’est, il peut prendre différentes significations. Dans le contexte de cet article, je désigne par sous-tourisme ces territoires dont le potentiel touristique est finalement très faible et repose essentiellement sur une offre de randonnées certes récréative mais peu attractive et que l’on tente souvent de compléter avec une présentation d’un « petit patrimoine » qui fait la fierté des historiens (très) locaux mais qui peine à mobiliser les foules.
Bref, le sous-tourisme est souvent le fruit d’une volonté politique qui confine à l’obstination : celle de vouloir à tout prix « être une destination ». Mais faut-il du tourisme partout ? Poser la question, c’est y répondre.
les impacts négatifs du sous-tourisme
On ne peut bien entendu pas empêcher la pratique de la randonnée. D’autant plus que de nombreux promeneurs ont une pratique respectueuse de l’environnement. La promenade du dimanche, souvent à proximité du domicile, est un incontournable des familles. Mais faut-il pour autant systématiquement ajouter à ces locaux des touristes qui, s’ils trouveront peut-être un certain plaisir à jouir de vos paysages locaux, généreront peu, voire pas de tout de retombées économiques positives du territoire, particulièrement si celui-ci ne dispose que d’une offre très faible en restauration, en commerces ou encore en artisanat. Je rencontre régulièrement dans mes missions des propriétaires de gîtes ou de chambre d’hôtes (particulièrement dans les zones où l’offre touristique est très limitée) qui me parlent de clients, de plus en plus nombreux, qui ne consomment rien durant leur séjour (souvent du court-séjour, ce qui est logique dans ce type de territoire). On est loin du cercle vertueux du tourisme durable, les retombées positives locales étant absentes.
Le tourisme pratiqué et « promu » dans ces territoires qui feraient mieux de se consacrer aux locaux qu’aux touristes a des impacts négatifs évidents:
1. Dégradation de l’environnement naturel
Même dans des régions moins touristiques, l’augmentation des visiteurs peut avoir des effets dévastateurs sur les écosystèmes locaux. Par exemple, la pratique de la randonnée dans des zones naturelles fragiles peut entraîner :
- Érosion des sentiers : La fréquentation des chemins de randonnée, souvent non préparés à un trafic intensif, peut provoquer une érosion rapide du sol. Cela est particulièrement problématique dans les zones montagneuses ou sur des terrains sensibles.
- Perturbation de la faune : La présence humaine, même en petit nombre, peut perturber les habitats naturels des animaux. Des espèces sensibles peuvent être effrayées, modifier leurs comportements ou être forcées de quitter leurs habitats naturels.
- Destruction de la flore : Les plantes rares et les écosystèmes fragiles peuvent être piétinés ou cueillis par les touristes, menant à une perte de biodiversité.
2. Pression sur les ressources locales
Les petites communautés et les régions à faible potentiel touristique ont souvent des ressources limitées :
- Eau : L’augmentation du nombre de visiteurs peut entraîner une consommation excessive d’eau, une ressource souvent précieuse et limitée dans certaines régions.
- Déchets : La gestion des déchets peut devenir un problème majeur. Les infrastructures locales peuvent ne pas être équipées pour gérer une quantité accrue de déchets, ce qui peut entraîner des problèmes de pollution et des impacts sur la santé publique. (ex.: les sentiers jonchés de masques sanitaires durant la COVID.)
3. Impact culturel et social
Les petites communautés peuvent être profondément affectées par l’arrivée de touristes :
- Changement de mode de vie : Les habitants peuvent être contraints de changer leur mode de vie pour s’adapter aux attentes des touristes, ce qui peut mener à une perte d’identité culturelle et de traditions locales.
- Inflation des prix : L’afflux de visiteurs peut provoquer une augmentation des prix locaux, rendant la vie quotidienne plus coûteuse pour les résidents.
Un nécessaire courage politique
Soyons clairs: je n’appelle absolument pas à la fermeture des offices touristiques mais plutôt à une réflexion profonde sur ce que l’on propose et à qui on le propose. Je salue d’ailleurs le virage pris par Evreux avec son comptoir des loisirs, évoqué par Jean-Luc boulin dans ce billet. En effet, se concentrer sur les habitants et leurs attentes récréatives sans pour autant promettre la lune aux touristes potentiels est tout à fait louable.
Mais je pense surtout aux éventuels projets futurs d’élus qui rêveraient à tort de faire d’un territoire au potentiel touristique très faible une destination courue à tout prix. Dans la majorité des cas et en l’absence d’une réelle et forcément coûteuse stratégie de développement touristique, on sait ce que cela donne. « Oui mais nos habitants trouvent qu’il y aie très belles promenades chez nous. Sans parler de notre magnifique église romane (fermée au public) reconnue comme un exemple du genre ! ». Je caricature un tout petit peu mais les consultants savent qu’on entend ce genre de phrase qui tentent naïvement de justifier un « positionnement » touristique qui ne repose au final sur rien de concret et surtout avec une balance impacts positifs/négatifs qui penche du mauvais côté.
Cette saillie de Jean Mistler est en fait la définition idéale pour le sous-tourisme: laissons certains territoires vierges d’activités touristiques et préservons-les pour le seul plaisir récréatif de leurs habitants.