Le tourisme et ses futurs #ET20

Publié le 13 janvier 2025
4 min
Si vous n’avez pas assisté aux dernières Rencontres nationales du etourisme en octobre 2024 à Pau, nous revenons aujourd’hui sur une des thématiques qui a traversé cette édition, sous le signe de 3 mots-clefs : Communs, Respirations, Futurs.

Futurs et prospective

C’est ainsi que Noémie Aubron, prospectiviste qui était déjà venue co-animer une conférence du futur lors d’une précédente édition, a ouvert ce sujet des futurs lors d’une intervention en ouverture des Rencontres. Cette invitation à « [la] rejoindre dans le brouillard », Noémie l’aborde avec optimisme et enthousiasme. Si l’heure est à l’éco-anxiété et à de justes inquiétudes quant à nos avenirs géopolitiques, cette prospectiviste nous incite à changer de regard, dans un contexte de maintien et d’amplification des incertitudes (joie :/).

Dans un contexte où le changement est systémique, perpétuel et exponentiel, il convient de se doter d’outils (et de sang-froid !) pour affronter, anticiper, envisager le futur.

Ce futur, il est constitué d’inconnues, qu’on peut aborder selon deux catégories :
– les cygnes noirs, des événements peu probables mais aux conséquences lourdes (par exemple les attentats du 11 septembre ou une dissolution parlementaire),

– les éléphants noirs, événements totalement identifiés par les experts, mais qui ne rencontrent pas une adhésion suffisamment large auprès du grand public pour entrer dans le champ des possibles envisageables. Le COVID-19 en est une parfaite illustration, ce risque de pandémie mondiale ayant été clairement perçu par la communauté scientifique, mais jugée improbable par les non-initiés, c’est-à-dire la majeure partie de la population. Noémie Aubron cite également le réchauffement climatique et le vieillissement de la population, tous deux étant des phénomènes ayant un impact très important sur l’avenir de notre industrie touristique.

C’est pourquoi il est fondamental de faire entrer ces éléphants dans la pièce du tourisme, pour les amener dans le champ du possible et les traiter dans nos stratégies à moyen et long terme.

La prospective se présente comme un outil propice à nous aider à envisager les futurs possibles, qu’il ne s’agit pas de prédire, mais de considérer comme des signaux à prendre au sérieux pour mieux les anticiper et se prémunir des risques qu’ils comportent.

Le cône des futurs est un outil de prospective qui permet de sortir la pensée linéaire que l’on a habituellement de l’avenir, de l’idée qu’on va continuer sur le même modèle, dans une certaine idée du « business as usual », appelé le futur projeté. Ce futur tacite est un récit qui perdure, que l’on n’a pas fait l’effort d’expliciter et de justifier face à la concurrence d’autres possibles, spéculatifs, souhaitables, plausibles et probables.

Le cône des futurs

Pour visionner l’intervention de Noémie et décrypter les futurs, c’est ici (15 minutes).

Rentrer en empathie avec le futur

Noémie Aubron invite dans sa prise de parole à faire monter en empathie les structures au travers des personnes qui les constituent, pour être demain suffisamment nombreux à préparer nos futurs collectifs.

Préparer nos futurs en musclant notre empathie, c’est également une manière de s’interroger sur nos capacités à inventer de meilleurs vivre-ensembles, en valorisant notamment nos diversités. C’est dans cette optique que Noémie a été rejointe par Alexia Sena pour co-animer un atelier sous forme de cercle de parole, pour interroger les futurs de nos vivre-ensembles, ici à court-terme.

Alexia Sena lutte contre le racisme ordinaire dans le milieu du travail, en traquant les stéréotypes que nous véhiculons toutes et tous, en les débusquant pour mieux s’en défaire et faire preuve d’une meilleure inclusion.
L’atelier proposé dans le cadre des Rencontres pose le cadre le sujet dès son introduction :
– montrer la part non négligeable des personnes non-blanches dans l’économie touristique : Aux USA, 13% de la population est non-blanche, et elle représente 13% des dépenses touristiques. CQFD.
– montrer l’impact de la prise en compte de la diversité et a contrario la peur de subir des discriminations raciales dans le choix d’une destination : Chez les britanniques noir•es et asiatiques, c’est la première préoccupation en matière de choix de destination.

Ainsi, on comprend que l’inclusion des personnes minorisées et racisées, si elle tient d’une certaine forme d’empathie et d’humanisme, comporte également des volets économiques bien réels, raison de plus pour s’y intéresser de près.

C’est ainsi que Noémie et Alexia ont inventé deux artefacts du futur, qui pourraient trouver rapidement leur exécution réelle dans un futur à court-terme.

Offre d’emploi fictionnelle – Crédit Noémie Aubron

Une offre d’emploi cherche un•e référent•e discrimination, pour mettre en œuvre le référentiel du label « Eclat » (Engagé•es et Clairement Anti-racistes dans le Tourisme), qui comporte un certain nombre de critères permettant aux organisations de gestion de destination d’améliorer leur inclusivité.

5 questions de base de ce label inventé sont posées, pour proposer à chacun•e d’identifier ses lacunes organisationnelles :
– Dans quelle mesure le personnel de votre OGD est-il formé et compétent sur le sujet du racisme (cadre légal, mécanique des stéréotypes, racisme ordinaire) ?
– Dans quelle mesure les campagnes et supports de communication de votre OGD au cours des 12 derniers mois montrent-ils des personnes non-blanches ?
– Dans quelle mesure le personnel de votre OGD est-il outillé pour réagir en cas de plainte d’un•touriste pour discrimination raciale ?
– Dans quelle mesure votre OGD recense t’il les incidents ou plaintes liés à des situations de discriminations ou d’exclusion raciste ?
– Dans quelle mesure le personnel de votre OGD est-il représentatif de la population française d’un point de vue ethnoracial ?

L’enjeu ici est bien d’ouvrir le sujet, tel que cela a été fait lors du 15 chrono d’Alexia qui cherche à ouvrir des conversations et à sensibiliser sur nos biais et stéréotypes dans ce contexte de racisme ordinaire, et dont on ne peut que vous conseiller le visionnage tant il est rafraichissant !

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Laurence Giuliani dirige Akken, agence de production sonore pour les destinations touristiques et les lieux de culture. Anciennement responsable d'un Office de Tourisme en milieu néo-rural (ou péri-urbain, comme vous voulez), manager d'artistes, productrice en label indépendant, Laurence cultive la curiosité comme carburant du quotidien. Ses marottes : le son, le tourisme culturel et le "komorebi", cette lumière qui filtre entre les arbres, comme des fêlures de timidité entre les [...]
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