La France affirme depuis longtemps une position centrale, à la fois espace de passage entre le Nord et le Sud, orienté à l’Ouest. Ce qui lui a valu un ancrage touristique ancien. Alors que l’on s’interroge sur un redéploiement de la géographie touristique vers le Nord, en raison des évolutions climatiques, mais aussi au regard d’une moindre propension à voyager loin et de l’affirmation résolue des pays d’Europe centrale, la place touristique de la France peut être remise en question. Une analyse comparative européenne en révèle les imperfections via le Tableau de bord du tourisme de l’UE. Il serait urgent de sortir du bricolage ou bien d’assumer pleinement une position de bricoleur telle que développée par Claude Lévi-Strauss.
La Commission Européenne a mis en ligne un tableau de bord du tourisme au sein de l’Union Européenne, on le découvre ici à partir de l’onglet my destination. Des comparaisons sont possibles entre deux pays et avec la moyenne de l’Union Européenne. Trois grands thèmes sont proposés à l’analyse comparative :
- L’impact environnemental
- La numérisation
- La résilience socio-économique
Deux années sont disponibles : 2019 et 2021.
J’ai choisi de comparer la situation touristique de la France avec l’Espagne, son challenger historique, le tout couplé aux moyennes européennes observées à travers les trois radars proposés. Parfois, j’ai assuré des comparaisons complémentaires avec l’Italie, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Impact environnemental
La position de la France sur le thème de l’intensité des émissions de transport est favorable à la France avec une note de 34,71, pour 59,66 au niveau européen et 70,31 pour l’Espagne. Rien d’étonnant quand on sait que 80% des arrivées internationales espagnoles se font par avion. La comparaison avec l’Allemagne (44,78) et avec l’Italie (77,17) est à l’avantage de la France.
Sur la part des déplacements en train, la France est en très bonne position avec un indicateur de 19,39 quant au recours au train, contre 4,81 en Espagne et 11,97 dans l’UE. En revanche sur l’intensité des GES du tourisme, parce que leurs tourismes y sont très développés, l’Espagne et la France sont moins performantes, au-delà d’un indicateur de 80 pour une moyenne européenne à 70. Cet indicateur mesure la quantité de gaz à effet de serre produite par l’écosystème touristique (CO2, N2, O, CH4, HFC, PFC, SF6, NF3). Sur l’intensité énergétique du tourisme, tout le monde est au-delà d’un indicateur de 80.
Sur l’excellence des eaux de baignade, la France est à la traine de l’Espagne et de l’Europe avec un niveau à 77,99 pour 89,29 en Espagne et 84,78 en Europe. Dans l’ensemble, la France est proche de la moyenne européenne sur ce radar.
IMPACT en matiere de numerisation
Les ventes en ligne des entreprises françaises sont en retard face aux partenaires européens, ainsi que face à l’Espagne. Un indicateur de 37,54 est noté pour la France, de 54,14 pour l’Espagne et de 42,33 pour l’UE. Idem pour les réseaux sociaux, la France n’atteint qu’un indicateur de 36, démontrant une faible utilisation des réseaux sociaux par l’écosystème touristique français pour 53,77 en Espagne et 42,01 dans l’UE.
Même chose pour les hébergements en ligne : seulement un taux de 56,88 en France pour… 95,16 en Espagne. La dimension industrielle du tourisme espagnole se révèle dans ce résultat. Mais, là où l’atomisation du tourisme français est la plus nette c’est dans les RH : un indicateur de 3,73 pour les entreprises cherchant des spécialistes digitaux pour 10,53 en Espagne. Pour la formation des personnels au digital, on a un écart de coefficient 3 entre la France (à 5 en France pour 15 pour l’Espagne). L’ensemble des comparaisons avec l’Allemagne sur ce thème n’est pas favorable à notre pays. En revanche, l’Italie et la France se retrouvent en situations souvent proches. A titre de comparaison, on note un taux proche de 100 pour la présence des hébergements en ligne aux Pays Bas.
Resilience socio-economique
Sur la résilience socio-économique, tant soulignée en 2021 après la période covid 19, les indicateurs sont sensiblement plus en harmonie, sauf pour la dépense touristique moyenne, registre dans lequel la France fait pâle figure avec un indicateur à 8 alors que la moyenne européenne est à 20,9 et l’Espagne performe à 21,65. Rien de nouveau sur le soleil, la contribution économique du tourisme français est faible dans l’ensemble. Pour rappel, la dépense touristique moyenne observée per capita et par séjour en Espagne était de 1042 euros en mai 2023. L’analyse des sources permettant d’établir ces radars peut être contestée, on note par exemple un recours à des données de Tripadvisor qui n’est pas le reflet total de l’activité. Cependant, beaucoup de données relèvent d’Eurostat. De vrais axes de développement sur les trois thèmes existent dont le sujet du numérique, que nous aurions pensé plus engagé.