Cet article a été publié pour la première fois en mars 2023.
Ce blog est né sous l’impulsion d’une communauté de professionnels passionnés de tourisme et de numérique, opérant dans le champ du tourisme dit d’agrément, ou de loisirs. D’où une prééminence de billets traitant de sujets qui y sont liés. A titre d’exemple l’expression « Office de Tourisme » est apparue 655 fois depuis la création du blog, soit dans la plupart des billets rédigés.
Parallèlement une autre forme de « tourisme » existe, le tourisme « professionnel », regroupé la plupart du temps sous le vocable de « Tourisme d’affaires ». Ce terme est apparu 26 fois depuis la création du blog, soit 25 fois moins qu’office de tourisme !
Je donc vais essayer au travers de ces quelques lignes de placer cette forme de tourisme à sa juste place, billet qui sera suivi dans quelques semaines par une contribution de Maithé Levasseur qui nous apportera une vision complémentaire et éclairée du sujet depuis la Belle Province québécoise !
LE tourisme d’affaires, de quoi s’agit-il ?
Le vocable de tourisme d’affaires est en réalité un joyeux fourre-tout, que les anglo-saxons résument sous l’acronyme de MICE pour Meetings, Incentive, Congress & Exhibitions (Réunions, Congrès, Séminaires, Foires & Salons). Il s’agit essentiellement donc de la partie « économique » de l’activité événementielle, dont les acteurs sont nombreux et protéiformes, Palais des Congrès, Parcs des expositions, lieux réceptifs, agences événementielles, hébergeurs, convention bureaux… et une très importante chaine de sous-traitance (traiteurs, standistes, spécialistes du son et de l’image, agences d’hôtesses, électriciens…).
Il est à noter que l’événementiel dit « culturel » ne fait usuellement pas partie de cette catégorie, les festivals de musique notamment. Dit autrement le Salon de l’Agriculture par exemple relève bien de la catégorie « Tourisme d’affaires », mais pas le Festival d’Avignon ou les Francofolies. Les âpres discussion sectorielles pendant la pandémie de Covid ont parfaitement illustré cette dichotomie, milieux « culturels » d’un côté, et organisateurs d’événements « économiques » de l’autre agissant en ordre dispersé, et auprès d’interlocuteurs différents, pour obtenir des aides.
En poussant le bouchon encore plus loin on se rend compte que les festivaliers qui « campent » sur place pendant un festival, dans des aires de camping aménagées et gérées par les organisateurs, ne sont pas toujours assujettis à la taxe de séjour, contrairement à leurs homologues hébergés dans des hôtels ou des campings extérieurs… Mais l’amateur de décibels et de cervoise de Garorock ou des Vieilles Charrues est-il un touriste ? Vous avez quatre heures…
Pour revenir à notre sujet, et au sens statistique du terme, sont également comptabilisées dans cette catégorie du tourisme d’affaires toutes les personnes en déplacement professionnel quelle qu’en soit la raison, ce qui fait au final beaucoup de monde. Il va de soi qu’aucune d’entre elle ne se considère comme un « touriste » !
Bref vous l’avez compris un touriste d’affaires est avant tout un voyageur dont le déplacement est pris en charge par son entreprise, ce qui change évidemment pas mal de choses quand à ses comportements.
Désolé pour cette introduction qui n’avait pour objectif que de vulgariser le sujet, d’autant que comme le disait l’excentrique Comte et pyrénéiste irlando-palois Henry Russel « Vulgariser, c’est rendre vulgaire », ce qui n’était pas du tout mon propos.
Le labeur est dans le pré !
Le cadre est posé, nous allons nous concentrer désormais sur cette fameuse industrie du MICE, pourvoyeuse selon les sources de 10 à 20% des nuitées hôtelières en France, et beaucoup plus dans les grandes agglomérations, où ce chiffre dépasse parfois les 50%.
Le tourisme d’affaires une filière spécifiquement urbaine donc ? Si les métropoles dotées d’une forte attractivité économique sont effectivement à la pointe sur le sujet (Paris, Montréal, Bruxelles, Lyon, Lille…), ainsi que certaines communes littorales depuis longtemps organisées sur ce segment (Cannes, Deauville, La Baule…) en réalité, et encore plus depuis le covid, les territoires ruraux ou de montagne ont aussi de vrais atouts à faire valoir, tant les entreprises sont maintenant en recherche de sens, de nature, de ressourcement et de proximité. D’autant que les critères RSE s’imposent aujourd’hui, et que trois jours de séminaire « bling bling » à Marrakkech ou en Algarve sont aujourd’hui plutôt mal vus, de surcroît quand le mode de transport nécessaire pour y accéder est l’avion.
Bref, le Beaufortain plutôt que Berlin, le Labourd plutôt qu’Edinbourg, Mont-de-Marsan plutôt que Milan.
Et la profession a bien compris qu’une fois énoncée l’incantation magique « tourisme des quatre saisons », la meilleure solution pour emplir les hébergements hors saison, et en plus à un tarif qui ne soit pas bradé, c’est de proposer des produits destinés aux entreprises, séminaires, incentive, ou encore de créer des événements… Encore faut-il que toute la chaine suive, et que le territoire soit en capacité de proposer une offre, notamment de restauration, ouverte toute l’année…
Des établissements de toutes catégories, de toutes tailles et de tous emplacement l’ont bien compris, et valorisent désormais dans leur offre des propositions adaptées, je pense par exemple à Défiplanet dans la Vienne, aux Chalets d’Iraty en Pays Basque, au leader du « glamping » Huttopia ou encore au Château Royal de Cazeneuve, aux confins de la Gironde, des Landes et du Lot et Garonne.
Et pour évoquer un autre type de stucture le Puy du Fou a beaucoup investi ces dernières années pour proposer un complexe et une offre en matière de congrès, ouverte toute l’année, même quand le parc d’attractions est fermé, avec des résultats très prometteurs !
Bref le labeur est dans le pré, et pour l’avoir expérimenté avec mes équipes successives les lieux les plus « enracinés » dans un terroir et une culture sont aussi les plus inspirants et stimulants.
Et les OGD’s dans tout ça ?
Cette filière du tourisme d’affaires vit de manière parallèle à celle du tourisme de loisirs, avec ses propres instances, France Congrès, UNIMEV, des associations professionnels, Coésio, Congrès Cités, qui côtoient très ponctuellement Atout France et notre Fédération Nationale ADN, mais avec très peu d’échanges au final.
Beaucoup de professionnels en revanche vont naviguer et « tirer des bords » entre ces deux univers proches, je pense notamment à des groupes comme Accor, Lucien Barrière, Air France, Pierre & Vacances… qui ont bien compris la complémentarité de ces différentes clientèles, et sont organisées commercialiser, et aussi pour faire du lobbying au plus haut niveau!
Ensuite la plupart des CRT et quelques CDT/ADT interviennent ponctuellement sur ce segment, mais souvent jusqu’à présent de manière « symbolique » sans y affecter beaucoup de moyens, sauf exceptions, dans les Hauts de France par exemple.
Pour ce qui concerne les Offices de Tourisme la situation est extrêmement disparate. Beaucoup n’ont pas la taille critique et les ressources pour travailler ce segment, quand d’autres, peu nombreux, sont également exploitants d’infrastructures de congrès et/ou de parcs d’expositions. C’est le cas par exemple à Nancy, Angers, Rennes, Biarritz ou encore La Rochelle, où j’ai l’honneur de travailler aujourd’hui. Cette situation n’est pas l’apanage de villes importantes, mes collègues de Royan par exemple vont d’ici quelques semaines exploiter dans le cadre d’une délégation de service public le Palais des Congrès rénové de la ville.
Enfin un autre acteur et non des moindres sur ce segment, les Conventions bureaux, qui assurent la promotion et le développement de la destination affaires en fédérant les professionnels. Associatifs à l’origne, et pour encore nombre d’entre eux, ils sont désormais souvent intégrés à un office de Tourisme, comme à Bordeaux, ou au sein d’une agence d’attractivité beaucoup plus large (Toulouse), voire sont partie prenante au sein d’un CRT (Hauts de France Meetings).
Et même si ce n’est pas la matière première de ce blog dédié au tourisme « institutionnel » il ne faut pas oublier les très nombreux acteurs privés qui opèrent dans ce secteur, des mastodontes comme GL Events ou Viparis jusqu’aux innombrables sous traitants, parfois eux aussi regroupés, comme les Traiteurs de France.
Bref dans le tourisme d’affaire comme dans le tourisme de loisirs il n’y a pas de configuration type, ni de bonne ou de mauvaise option, chaque territoire quelle que soit sa taille peut trouver sa propre voie.
Pour ce premier billet sur le sujet, qui en mérite beaucoup d’autre tant la matière est vaste, et tant je n’ai fait que l’effleurer, je conclurai que le tourisme d’affaires c’est comme le tourisme de loisirs une affaire de rencontres.