Connaissez-vous l’entrepreneuriat collectif ? Au Québec, cela regroupe les coopératives et organismes à but non lucratif (OBNL) marchands, présents en grand nombre dans le secteur touristique. Ces modèles ont fait leurs preuves et ont un immense potentiel. Pourtant, ils sont encore relativement méconnus en tourisme et leurs retombées sont sous-estimées. C’est pourquoi la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ) a lancé un plan d’action pour les secteurs stratégiques tourisme et loisir. Et depuis, les projets et les résultats s’accumulent.
Dans cet article, je mets en lumière ces acteurs de changement pour nos territoires, avec un zoom sur les actions structurantes de la CDRQ et les coopératives en tourisme. N’hésitez pas à faire des parallèles avec la France ou ailleurs dans le monde en commentaire, je serais très intéressée à savoir si le contexte québécois est similaire ou non au vôtre !
Un écosystème de soutien proactif
J’ai eu la chance de m’entretenir avec Andrée Pelletier, en charge de la mise en œuvre du Plan d’action pour les secteurs stratégiques tourisme et loisir (PASTEL) à la CDRQ et véritable porte-parole de l’entrepreneuriat collectif en tourisme et loisir au Québec ! Elle m’a partagé des détails sur la genèse et l’avancement du PASTEL et m’a parlé avec passion des histoires des entrepreneurs soutenus par son organisation.
La CDRQ a pour objectif de vitaliser les territoires québécois par le développement de l’entrepreneuriat collectif. Partant du constat que l’entrepreneuriat collectif n’était pas assez connu en tourisme et loisir et que son impact économique était sous-estimé, la CDRQ a lancé en 2023 un plan d’action pour ce secteur, le PASTEL :
Le Plan d’action secteurs stratégiques tourisme et loisir vise à caractériser, mettre en réseau et consolider les entreprises collectives existantes, à développer une culture d’utilisation de l’entrepreneuriat collectif pour la mise en valeur des territoires, et à répondre aux enjeux de l’industrie par le biais de cette approche misant sur la collaboration entre de forces vives et la mise en commun d’expertises et de ressources.
Par le PASTEL, la CDRQ vise à susciter l’intérêt des entrepreneurs touristiques pour le modèle de coopérative et d’OBNL marchand. Également, l’objectif est de faire prendre conscience aux associations touristiques régionales et sectorielles de même qu’aux acteurs du développement territorial des retombées sociales et économiques pour la population.
Au total, 1,3 million de dollars canadiens (environ 870 000 euros) ont été et vont être investis pour des actions de promotion et de formation, un appel de projets pour soutenir 10 entreprises (150 000 $), le financement de missions d’apprentissage pour les entreprises collectives (50 000 $), le soutien à des projets de mutualisation et l’organisation d’un Symposium, qui a eu lieu en mai dernier. J’ai eu la chance d’assister à cet événement où j’ai été témoin des très beaux échanges entre les acteurs de l’économie sociale, du tourisme et des loisirs !
Zoom sur les coopératives, un modèle porteur pour nos territoires
Les coopératives sont des entreprises collectives qui répondent avant tout aux besoins et aux enjeux de la communauté locale, en particulier de leurs membres. Elles présentent de multiples avantages comparativement à une entreprise privée, dont le fait qu’elles offrent une plus grande longévité, comme le démontrent les chiffres (québécois) : après 5 ans, 64 % des coopératives sont toujours en activité, comparativement à 33 % des entreprises privées !
Il existe plusieurs modèles de coopératives touristiques :
- Coopératives de travailleurs (par. ex. : certaines microbrasseries);
- Coopératives de producteurs, telles que le réseau Ôrigine artisans hôteliers qui rassemble des hôteliers indépendants, ou encore le Voisinage du bout du monde qui regroupe, à l’initiative de l’auberge Le Baluchon, des entreprises locales offrant des services à leur clientèle;
- Coopératives de solidarité qui incluent au moins deux catégories de membres. Selon plusieurs études, ces coopératives participent à la cohésion sociale et semblent créer un terreau très favorable à l’innovation sociale. Voir les exemples ci-dessous.
3 exemples de coopératives de solidarité
Ce qui est particulièrement intéressant est le fait que les coopératives agissent comme un outil de développement territorial. C’est le cas des coopératives de solidarité, qui permettent de réunir une diversité d’offres touristiques au sein d’un territoire. Leur raison d’être tourne autour du rassemblement et de l’action collective. Elles sont animées par des valeurs de solidarité, de coopération, de respect de l’environnement et du bien-être de la communauté locale. Leur mission dépasse le cadre touristique comme vous allez le constater dans les exemples suivants. Les coopératives de solidarité ne peuvent laisser personne indifférent !
- l’Affluent, pour un lieu vivant et rassembleur
Le tout récent projet de coopérative de solidarité l’Affluent vise à mettre en valeur et gérer un site patrimonial, le domaine historique à Liguori, situé dans la région de Charlevoix, par l’entremise, entre autres, d’une auberge de jeunesse, d’un café culturel, d’un camping, d’un marché public, d’une érablière et d’activités écotouristiques.
Extrait de sa mission :
Par une approche inclusive, elle cherche à favoriser les initiatives communautaires, culturelles et environnementales vouées à tisser des liens de solidarité intergénérationnels et interculturels qui rassemblent la communauté locale et qui célèbre les échanges avec les visiteurs de passage.
La notion de « cœur de village » semble résonner parmi ses membres et guider le choix de leurs projets. De plus, la conversion du site en lieu touristique permet de valoriser un élément du patrimoine régional et également de maintenir en vie une des dernières érablières de Charlevoix. L’offre touristique devient ainsi un prétexte à la préservation de la culture et des savoir-faire.
- Vallée Bras-du-Nord, conciliateur des divers usages sur un territoire
Depuis plus de 20 ans, Vallée Bras-du-Nord propose des activités de plein air et des hébergements sur 4 saisons dans la région de Québec. La coopérative est née d’un besoin de structuration des réseaux de sentiers dans la municipalité. Dès le départ, elle avait l’objectif de favoriser la cohabitation entre les résidents, les travailleurs et les producteurs (prestataires d’activités). Une de leurs priorités était de coordonner les droits de passage, leur territoire étant constitué de terres publiques et privées. Ainsi, parmi les membres de soutien, la coopérative compte des propriétaires qui offrent un droit de passage. Aujourd’hui, elle est reconnue pour sa capacité à concilier les différents usages de son territoire. Voici son modèle :
Je ne pourrais passer sous silence leur implication sociale et leurs retombées dans la communauté, grâce à leurs nombreux projets, dont :
- Projet de réinsertion socioprofessionnelle : accueil annuel de 10 jeunes adultes en difficulté qui travaillent sur le réseau de sentiers
- Développement d’un programme d’éducation par l’aventure et la nature avec une école secondaire
- Parc Aventures Cap Jaseux, diversification 4 saisons
Ce site sur la rive nord du fjord du Saguenay appartient à la municipalité de Saint-Fulgence et est géré, entretenu et développé depuis près de 25 ans par la coopérative de solidarité du Cap Jaseux. Ce qui distingue cette coopérative est sa capacité, au fil des années, à réinventer son offre et innover.
Elle est un des rares attraits touristiques de la région à offrir une si grande variété d’activités de plein air et d’écotourisme sur 4 saisons : kayak de mer, via ferrata, parcours d’hébertisme, cueillette de champignons, massothérapie, pêche, randonnée pédestre, fatbike, pêche sur glace, offre d’hébergements (cabanes dans les arbres, dômes vitrés, sphères suspendues, cabines équipées en bois rond, camping rustique, etc.), etc.
Selon elle, cette diversification fut possible grâce à son modèle de coopérative. Notamment, cela lui a permis d’aller chercher 10,6 millions de dollars (7,1 millions d’euros) de financement en 2022 pour améliorer ses infrastructures d’accueil et ajouter une offre hivernale.
Dans ces trois exemples, le modèle de coopérative correspondait aux besoins initiaux des projets et fut un puissant levier de développement. Cela dit, il ne faut pas perdre de vue que leur succès provient également d’un travail de longue haleine et que le modèle présente son lot de défis.
L’entrepreneuriat collectif est une façon de penser et d’agir au-delà de la seule santé de son entreprise. Chaque coopérative ou OBNL marchand fait bénéficier à toute une communauté des fruits de leurs efforts. Pour ainsi dire, il s’inscrit dans la lignée de l’approche régénératrice, qui signifie prendre soin de la destination en posant des actions qui auront pour effet de régénérer la vitalité des lieux, des populations, des entreprises, des communautés, des systèmes écologiques et d’enrichir les visiteurs.
Quoi de plus inspirant?
Remerciement à Andrée Pelletier de la CDRQ pour ses généreux partages d’informations.
Source de l’image à la une : Facebook/Vallée Bras-du-Nord