Les « autres » habitants avec qui coopérer

Publié le 23 septembre 2024
3 min

Lorsque l’on parle d’habitants on pense naturellement aux personnes qui résident sur le territoire. C’est une définition pragmatique et rationnelle qui nous permet de nous mettre au travail en sollicitant leurs participations, leurs avis, leurs contributions, etc. Mais est-ce bien le plus pertinent ?  Lorsque l’on souhaite associer les habitants à des projets de développements touristique, est-ce que le critère de résider sur le territoire est celui qui va apporter le plus de valeur aux contributions ? On peut se demander si dans le cadre d’un projet de développement touristique ce qui nous intéresse le plus c’est le statut de résident ou bien le lien au territoire, la relation qu’on lui porte et les interactions que l’on y a créé. Ce questionnement peut nous permettre d’inclure toutes les personnes qui vivent et qui pratiquent notre territoire. Les travailleurs par exemple, ou ceux qui viennent pratiquer une activité sportive ou artistique, les étudiants, etc. Dans l’outil Flux Vision il y a ces catégories un peu fourre-tout appelé « Habituellement présent » et « Excursionniste récurrent ». Pour celles et ceux qui ont accès à cette solution, il y a énormément à apprendre sur les singularités et les spécificités de votre territoire en regardant de plus près ces catégories.

En fait dans la notion d’habitant ce qui nous intéresse réellement ce sont les personnes qui ont une relation a temporalité longue avec le territoire, que ce soit continue ou par fréquence. Ce qui nous intéresse c’est de travailler avec et en considérant celle et ceux qui ont un lien durable avec le territoire. Quand nous parlons d’habitant il nous semble également pertinent de nous référer au concept d’habiter. Habiter se réfère à « un processus de construction des individus et des sociétés par l’espace et de l’espace par l’individu, dans un rapport d’interaction voire un rapport ontologique qui les relie : nous habitons l’espace et c’est pour cela qu’il nous habite » (source géoconfluences). Ce concept d’habiter ouvre plus de perspectives que celui de résidant, il permet d’élargir le spectre et de reconnaitre la légitimité d’autres profils pour participer ou coopérer sur des projets. Il y a donc les résidents et désormais nous pouvons également associer celles et ceux qui sont habités par le territoire sans forcément y résider.

Jusqu’à présent nous parlons de personne mais depuis quelques années nous avons introduits de nouveaux profils avec lesquels coopérer dans les projets que nous accompagnons. Ils sont un peu particuliers, certains ne peuvent pas se déplacer, d’autres sont imprévisibles et quelques-uns sont même invisible ! Ce sont ceux qui se font appeler les non-humains : la faune, la flore, les éléments naturels, des éléments culturels, des personnages, des mythes, etc. Eux aussi construisent une relation avec le territoire et le territoire les construits. Ils ont un lien durable indéniable et ils façonnent l’identité locale autant que l’identité locale les façonnes. Ils ont des récits, des productions et activités à faire découvrir. Ils peuvent les proposer par eux-mêmes ou bien en coopération avec des humains qui rendent l’expérience possible. Ils ont un potentiel de récit fantastique, une sensibilité par nature et une capacité de suscité la relation hors du commun.

Les non-humains c’est une notion développée par les sociologues Bruno Latour et Michel Callon à partir des années 80 dans le cadre de la théorie de l’acteur-réseau, qui consiste à analyser des associations et des relations au sein d’un réseau, incluant les non-humains car étant estimé par les chercheurs comme étant essentielles à la compréhension des systèmes. On est bien d’accord avec eux ! L’intérêt que nous voyons à cette approche est qu’elle permet de mettre en lumière des éléments de valeurs auxquelles nous n’avions pas pensé via les méthodologies précédentes. Elle permet également une autre implication des personnes car en introduisant les non-humains on décentre les individus et on alimente le « commun ». Le commun, cette chose flou, aléatoire mais si précieuse car essentielle aux processus participatifs et coopératifs.

Dans le fond, la question de l’implication des habitants dans le développement touristique n’est-elle pas avant tout une question de relation entre des éléments qui sont de passage et des éléments qui sont durablement présent ? Une relation entre le durable et l’éphémère.

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