Les #ET abordait le sujet des communs pour la première fois concrètement cette année. Ce sujet n’est pas nouveau pour autant. Nous ne sommes donc pas tous sur la même ligne de départ sur le sujet en 2024. Et ce n’est pas grave. Stéphane Branquart de Teritorio a justement retracé dans l’atelier « Les communs, posons les bases » (video) quelques éléments historiques, mais surtout expliqué des principes clés qui font les communs. L’occasion de voir avec lui comment ils ont été bannis des imaginaires du web pour les communs numériques, prendre connaissance de ce qu’ils produisent concrètement comme résultat ou encore identifier leur utilité pour les organismes de tourisme. Un travail pédagogique entre j’ai besoin de comprendre, j’ai besoin d’explorer, j’ai besoin de me rassurer, j’ai besoin de partager ce que je fais déjà.
Posons les bases des communs, ça passe aussi par une relecture de l’article de Cédric Chabry du 25 octobre 2024 « Communs du (e)tourisme : et si on construisait ensemble ? » .
Les communs ont été expulsés des imaginaires
En 2001, c’est la bulle internet qui explose et qui rebat les cartes des leaders du marché. C’est aussi la fin de l’utopie libertaire d’internet. Les communs, malgré leur rôle essentiel sur les territoires physiques et numériques, seront quasiment invisibles. Pourquoi ? Parce qu’ils renvoient aux biens communs, loin des outils propriétaires qui ont inondés le marché et dont nous sommes cruellement dépendants.
Les communs n’ont donc pas fait partie des récits et des imaginaires de la transition numérique des années 2000, ni des années 2010, ni du boom que nous connaissons aujourd’hui avec l’IA.
Les communs résonnent pourtant avec ce qui fait sens commun, avec les sacro-saints sujets de mutualisation, de coopération. Ils illustrent les actions qui se mettent en mouvement par convictions profondes, pour le bien du plus grand. Les communs pourraient aussi se mettre en mouvement par des réglementations, par la nécessité, par des impératifs de survie et de maintien de ressources que nos systèmes d’exploitation mettent en péril inexorablement. Mais ils peuvent aussi se mettre en mouvement en réponse aux contraintes budgétaires face à la dépendance au trop grand nombre d’outils propriétaires coûteux.
Comme contrainte réglementaire et contrainte budgétaire ne vont pas toujours de pair avec le bon sens et la conviction, je vous propose juste de résumé en une phrase : « les communs, c’est le bon sens sur le temps long »
Le bon sens ne veut pas dire qu’il faut en faire n’importe quoi.
Wikipedia, vous connaissez ? Oui, évidemment. C’est un commun justement. Ça date de 2001. OpenStreetMap, vous connaissez ? Oui, à peu près. Les données mondiales utilisées sont des communs. Ça date de 2004.
Deux exemples de communs numériques qui ont 20 ans, et qui sont toujours là, et qui sont pourtant des jeunots pour illustrer les communs et leurs principes clés que Stéphane Branquart a pu partager :
- Les communs ont une très longue histoire et ont une définition
- Un commun, c’est bien structuré.
C’est une ressource à préserver, une communauté, des règles, une gouvernance. La communauté est un groupe de personnes qui se déclarent ou se considèrent solidaires, c’est à dire liés par une responsabilité commune, des intérêts communs… Les règles d’utilisation, de gestion, de protection, de contribution et d’accès à un commun sont définies par la communauté. La communauté choisit son mode de gouvernance. A l’image de la communauté, les communs ne se décrètent pas, elles s’activent, s’animent, se pratiquent autour de la ressource à préserver.
- Les communs créent des résultats tangibles, utiles, utilisables, utilisés
Je ne peux que vous inviter à prendre 5 min pour tout comprendre des communs et des résultats produits avec cette vidéo de le Prud’homie de Méditerranée à retrouver sur cette page.
Une autre illustration des résultats tangibles des communs se trouve du côté d’OpenStreetMap. La ressource ce n’est pas la cartographie, la ressource de ce commun, c’est la base de données géolocalisées mondiale de + de 9 milliards de données. C’est cette base de données la ressource à préserver. Plus de 9 milliards de données aujourd’hui et plus de 2,5 millions modifications quotidiennes, ça donne des résultats tangibles et vertigineux et jetez un coup d’œil entre 2008 et maintenant. Cette illustration, c’est sans parler des milliers d’usages de ce fond de carte dans tous les supports de mobilité dans le monde.
Un autre exemple, c’est Wikipédia. Créé en 2001, Wikipédia existe aujourd’hui en près de 300 langues et compte plus de 58 millions d’articles. 300000 contributeurs chaque mois. La ressource à préserver c’est le contenu. La licence Creative Commons définit les droits et les obligations. Un contributeur peut être exclu s’il ne respecte pas les règles d’éditions. A côté de wikipédia, c’est tout un univers de projets
Il ne s’agit donc pas d’utiliser la notion de communs à toutes les sauces. Ce n’est pas juste « mettre en commun ». Le risque est de dévoyer la notion et de pervertir voire détourner ce que cela revêt.
Quelle utilité de communs numériques pour les organismes de tourisme ?
Du côté d’OpenStreetMap, il s’agit d’améliorer une donnée déjà largement ré-utilisée en gérant la donnée du territoire et sa qualité. Ensuite, pourquoi refaire ce qui existe déjà ? Autant l’améliorer en utilisant la donnée OSM en complément de celle des SIT. C’est aussi un vecteur puissant de collaboration locale pour entretenir la donnée entre OT, collectivités territoriales, associations, habitants, visiteurs notamment avec les Cartopartie. L’utilité, c’est aussi réduire les silos de données gérés par des diffuseurs différents avec chacun ses bases de données et des droits de partage différents.
OSM pour les Organismes de tourisme ? Le Seignanx.com est une référence et retrouvez un article de 2020 (déjà)
Du côté Wikipedia, il s’agit de contribuer concrètement à la rédaction de contenus. C’est impliquant tout en ayant une rédaction “neutre” sur Wikipédia versus les approches rédactionnelles de marques et de “marketing territorial”. Il s’agit aussi de se donner la possibilité d’interroger le contenu Wikipedia et de l’intégrer comme des contenus complémentaires aux descriptifs des SIT par exemple. C’est aussi l’écosystème wiki avec l’utilisation et l’enrichissement de la médiathèque Wiki Commons forte de ses 110 600 000 fichiers librement réutilisables et que chacun peut enrichir.
Le bonus : saviez-vous qu’il est possible d’accueillir un Wikipédien en résidence ?
Pour conclure
A l’heure de la question sur la souveraineté de nos données, de la question de l’utilité des organismes de tourisme auprès de leur écosystème local et partenarial, de la question des financements, de la question des mutualisations et des principes de subsidiarité, les communs sont toujours là, besogneux, sur le temps long, rassembleur, produisant des résultats et de la valeur collective.
Des ressources
Les Communs
https://www.les-communs-dabord.org
http://notesondesign.org/biens-communs-definitions/
OpenStreetMap
https://www.opentourismelab.com/teritorio-openstreetmap-et-les-systemes-dinformation-touristique/
https://www.teritorio.fr/support/aide/osm/osm-introduction/
https://fposm.fr/wp-content/uploads/2024/09/Guide-pratique-licence-ODbL.pdf
Ouvrages
“ELINOR OSTROM, Le gouvernement des communs”, Edouard Jourdain – 2022 – Edition le bien commun / Michalon.
“Les communs, Un autre récit pour la coopération territoriale”, Collectif – 2022, Edition QUAE.
“Les communs de proximité”, Collectif, 2024, Edition Science et biens communs.
Uniquement en version électronique : https://www.editionscienceetbiencommun.org/les-communs-de-proximite/