Les irréductibles picards et les avocats de marque

Publié le 5 mars 2015
6 min

« Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ. Toute la Gaule est occupée par les Romains… Toute ? Non ! Un petit village d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie n’est pas facile pour les garnisons de légionnaires romains des camps retranchés de Babaorum, Aquarium, Laudanum et Petitbonum. »

Nous sommes maintenant en 26 après l’ouverture du Parc Astérix, qui ouvre grand ses portes aux envahisseurs venus de tous horizons ! La guerre est finie, les légions de combattants sont devenues des légions de touristes (parfois aussi barbare ?!), et la diplomatie a remplacé la potion magique… Car des ambassadeurs, le Parc Astérix en a un certain nombre ! Avec plus de 19000 commentaires « authentiques affichés » et un taux de recommandation de 94% affichés sur son site Internet, la Compagnie des Alpes, qui exploite ce parc d’attraction, pouvait presque s’endormir sur ses lauriers (bien que cela pouvait sembler iconoclaste pour des gaulois).

Le Parc Astérix a donc décidé de franchir un pas supplémentaire dans la gestion de sa relation et de la satisfaction client en recrutant des « avocats de marque ». Plus de 1500 clients se tiennent aujourd’hui à la disposition des futurs clients pour répondre à leurs questions dans le cadre de la préparation de leur séjour. Wooow, c’est bon ça, se dit-on, je décide donc d’aller faire un tour sur le site du Parc en question pour voir comment se présente le bazar !

Petite déception, je m’attendais à une mise en avant plus prégnante du dispositif… Si les réseaux sociaux, l’inscription à la newsletter ou les n° de téléphone surtaxés pour joindre un conseiller sont pratiquement toujours présents, l’appel aux avocats de marque reste bien discret (y compris dans les rubriques FAQ ou Astuces où cela semblait logique), et il me faudra finalement rejoindre la sous-rubrique « avis de visiteurs » intégrée dans « À propos du Parc » elle-même dans « Préparez votre séjour ». C’est d’ailleurs une url spécifique et indépendante du site principal (comme en atteste la présente du bouton « Retourner sur le site ») qui héberge ces avis, la solution étant fournie par un prestataire extérieur.

Astérix  

Les avis sont bien là, tout en haut, une rubrique dialogue, et en bas à droite, une fenêtre incitant à dialoguer avec 1539 clients enthousiastes prêts à me répondre, qui ressemble fortement à un chat en ligne comme l’on prend l’habitude de les voir !!! Non, ne me dites pas que je vais pouvoir chatter avec des clients ??? Ah ben non, quand même, faut pas délirer non plus, ces avocats là ne sont pas rémunérés, mais sont mis en relation selon leur affinités (mère de famille, tribus d’amis, …) avec les prospects posant une question..

Astérix2

Seulement dix conversations sont annoncés, bon nombre d’avocats n’ont donc pas encore reçu un mail de demande d’informations de la part d’un prospect préparant, puisque c’est le mode de mise en relation choisi par le Parc Astérix. à ce stade, plusieurs questions me viennent donc à l’esprit :

  • la dispositif est-il encore en phase hyper expérimentale, ce qui explique son manque de visibilité sur le site, et donc d’usages ? Marilyne Lacaze, Responsable Digitale de la Compagnie des Alpes en faisait pourtant un des fers de lance de la stratégie déployée dans ce papier, expliquant même « Ce dispositif nous a permis d’obtenir de très bons résultats en termes de référencement, d’améliorer notre note sur Tripadvisor et d’augmenter la valeur du panier moyen car les clients et prospects s’échangent des bons plans en ligne. » C’est dans l’immédiat davantage avec les nombreux avis déposés qu’avec le système de dialogue que ces objectifs peuvent être atteint.
  • est-il encore complexe de faire passer au premier plan ce type d’échanges, alors que l’on dispose d’un pool de téléconseillers payés pour le faire et rapportant 0,15€TTC/mn ? Et dans ce cas, la communication consiste-t-elle autant à faire passer le message en interne qu’en externe ?
  • les premières sollicitations adressées aux avocats de marque n’ont-elles pas été suffisamment concluantes ? Peut-on mobiliser efficacement et durablement un pool aussi important, et avec quels éléments de motivation autre que la satisfaction d’avoir rendu service ?

Nul doute pourtant que l’initiative est louable, apporte sans conteste une réponse adéquate aux attentes de la clientèle, et que les vertus annoncées par Marilyne Lacaze sont irréfutables d’un point de vue théorique. On attend donc avec impatience de voir quel sort et quel avenir sera réservé à ce dispositif durant la saison à venir…

Et les destinations, au-delà de s’en remettre à Tripadvisor et consorts, de laisser les uns et les autres dialoguer sur moults forums, blogs et réseaux sociaux, pourraient-elles s’inspirer de ce type de dispositif ? La réponse est bien entendu positive, et certaines n’ont pas attendu pour l’adapter à leurs préoccupations et moyens.

C’est d’ailleurs la région d’accueil du Parc Astérix, la Picardie, qui s’y est attelé avec la mise en ligne toute récente de sa nouvelle plate-forme Week-end Esprit de Picardie. Après de nombreux mois de travail en coopération avec les acteurs locaux, les socioprofessionnels et partenaires pour mettre en application les concepts d’Economy Experience, de Customisation de l’Offre et autres Facteurs Clés de Succès que vous avez peut-être eu le loisir d’entendre lors d’une des interventions de Jean-Philippe Gold, c’est donc une plate-forme de commercialisation hyper sélective, correspondant à la charte Esprit de Picardie qui a vu le jour.

Comme on peut le voir sur la copie d’écran ci-dessous, chaque offre est « humanisée » par la présence et le contact potentiel auprès de l’hôte, mais aussi d’un expert, pour l’instant issu du sérail institutionnel. L’engagement est ici particulièrement important puisque cette mise en relation est l’argument prioritaire mis en avant sur la droite de la page d’accueil. En bas de page, un appel aux candidats experts est explicitement mis en oeuvre afin de densifier l’offre de relationnel, après un rodage en phase de lancement. Ici, pas encore d’avocats de marque, mais c’est la prochaine étape et donc le troisième interlocuteur qu’il sera proposé, en plus de l’expert et de l’hôte, de contacter afin de valider définitivement son envie.

We Picardie

La plate-forme mériterait bien entendu un billet complet (je laisse un collègue de blog s’y atteler prochainement…), mais on remarquera, au-delà des aspects cités ultérieurement les points suivants :

  • l’hypersélection de l’offre permet une organisation simple et extrêmement accessible : 9 thématiques déclinées qui correspondent aux personae et activités identifiées,
  • un choix de destination simplifié : pas la liste des 2292 communes picardes ou des xx pays touristiques dont je n’ai jamais entendu parlés, mais simplement le choix entre le bord de mer, la campagne, la forêt ou la ville.
  • des engagements forts, marqués à plusieurs reprises, découlant des travaux menés sur la marque Esprit de Picardie, avec notamment cette citation pleine page : « En Picardie, nous considérons que notre métier est de faire vivre aux visiteurs des expériences personnalisées qui permettent le ressourcement moral et l’enrichissement des liens, et créent des moments inoubliables. », mais aussi une charte d’engagement, un manifesto, une conception des offres par « les artisans du tourisme de notre région », …
  • la prise en compte de comportements clientèles spécifiques, comme le fait pour une clientèle essentiellement parisienne d’être sans voiture,
  • et bien entendu, un travail de fond sur les textes et descriptifs ciselés, photos, offres complémentaires sur chacune des offres présentées sur le site.

Bref, une promesse forte, celle d’une expérience dont vous ne serez pas déçus, qui ne peut s’appuyer que sur une offre qualitative, triée sur le volet par le gestionnaire de destination. Une nouvelle orientation pour les DMO, à l’opposé de l’exhaustivité/neutralité qui constituait hier encore le fonds de commerce, et en définitive, l’objectif final qui est de faire consommer la destination ne sera-t-il pas mieux atteint via ce type d’outil, autrement plus intéressant à travailler et mettre en oeuvre, que nos sites fourre-tout où tout le monde se perd ? L’abandon de la visibilité de l’ensemble des prestataires locaux à travers le site de destination est-elle si dommageable que cela ? N’hésitez pas à alimenter le débat en commentaires 😉

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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