Durant le mois d’août, la rédaction du blog Etourisme.info a le plaisir de vous proposer une sélection d’articles écrits ces derniers mois. Ce billet a été publié en avril 2021.
Quel rôle peut-on encore jouer en tant qu’OGD dans la distribution en ligne de nos prestataires ?
2020 : un vent de panique souffle sur les OTAs
Ces dernières années, au sein du secteur touristique français, on avait laissé les principaux OTAs, à savoir Booking, Expedia et Airbnb, développer une arrogance sans comparaison. Il y avait de quoi, les chiffres étaient plus que flatteurs :
Booking Holdings en 2019 :
- Chiffre d’affaires : 15,1 milliards $ (source : 2019 Annual Report)
- Bénéfice : 4,96 milliards $ (source : 2019 Annual Report)
- Nombre d’annonces : 29 millions d’hébergements ; 153 000 destinations ; 226 pays
- Nombre de voyageurs : plus de 3 milliards en 2017
Expedia Group en 2019 :
- Chiffre d’affaires : 12,067 milliards $ (source : 2019 Annual Report)
- Bénéfice : 565 millions $ (source : 2019 Annual Report)
Airbnb en 2019 :
- Chiffre d’affaires : 4,8 milliards $
- Bénéfice : perte de 674 millions $ (qui ne s’est pas arrangé en 2020 avec un déficit de 4,6 milliards de dollars).
- Nombre d’annonces : plus de 7 millions de logements
- Nombre de voyageurs : 150 millions d’utilisateurs
Oui mais cela c’était avant… Si l’année 2020 a été particulièrement terrible pour notre secteur touristique dans sa globalité (500 millions de touristes internationaux en moins en Europe, perte de recettes d’exportation estimée à 1 072 milliards d’euros (soit plus de 11 fois la perte enregistrée pendant la crise économique mondiale de 2009), mais aussi 1 milliard d’arrivées internationales en moins pour les destinations soit une chute de 74 % par rapport à 2019), elle a également été désastreuse pour nos mastodontes OTAs 🤛
La chute irrémédiable du tourisme international, associée à la mauvaise gestion tant de leur relation avec les voyageurs qu’avec leurs fournisseurs en pleine tempête Covid, ont littéralement précipité les OTAs dans une crise profonde… Une crise qui se révèle être non seulement financière (baisse de revenus de 30 % pour Airbnb atteignant 3,4 milliards de $, 63 % de baisse de CA pour Booking et 67 % pour Expedia) mais également et c’est sans doute bien plus grave, une crise de confiance.
Les réactions ne se sont pas fait attendre de la part des équipes dirigeantes. Dès fin février 2020 l’annonce de quelque 3 000 emplois supprimés, soit 12 % de ses effectifs mondiaux chez Expedia. Airbnb a dû se séparer de 25 % de ses effectifs soit 1 900 employés. Et enfin Booking, qui a annoncé cet été un plan social majeur, le 1er de son histoire, avec 25 % de ses effectifs qui ne feraient plus partie de la société, soit 4 375 personnes !
2021 : l’empire OTA contre-attaque !
On les a connus en berne sur 2020, ils reprennent donc du poil de la bête en 2021. Dans ce regain d’appétit, les 3 géants ne partent pas tous avec les mêmes arguments ni la même capacité à rebondir. Vous l’avez peut-être compris à travers les chiffres précédents, Airbnb compte bien s’échapper du peloton. D’après un article du Monde, je cite, la plateforme «(…) prévoit que ses revenus du 1er trimestre 2021 seront en hausse par rapport à 2020, mais inférieurs à 2019. » Son modèle, basé sur une extrême majorité de locations de logements entiers, combiné à sa grande notoriété même sur un marché intérieur, va lui assurer une reprise bien plus précoce que ses 2 acolytes 💪
Quelques informations clés sur l’actualité d’Airbnb
- Un nombre d’annonces en croissance et ce n’est que le début ! Selon une étude d’Airdna, de janvier à juin 2020, Airbnb a perdu 5 % de ses annonces totales mais depuis, la courbe s’est inversée et les chiffres ont augmenté de 2,5 % par rapport au niveau d’avant la pandémie. Et attention, entre février 2020 et février 2021, c’est la France qui connait la plus forte croissance à l’échelle internationale avec une hausse des annonces de 9 % ! Alors que les grosses agglomérations enregistrent des baisses de réservation (recul de 23 % du nombre total de locations à Paris par exemple), les destinations en campagne et littoral explosent, notamment autour de la Vallée de la Loire et de la Bretagne.
- Une opération inédite de 100 € versés pour chaque nouvelle annonce publiée dans un commune rurale. Et oui, Airbnb vient de signer en date du 14 avril 2021, un accord avec l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF) afin d’atteindre 15 000 nouveaux hébergements en zone rurale d’ici fin 2021. L’accord inclut la création du fonds à impact « Campagnes d’Avenir », pour je cite, « libérer le potentiel touristique de la France rurale », ainsi que la création d’un programme de formation des hôtes intitulé « Rural Bootcamp ». Qui se souvient en décembre 2015 de l’opération lancée avec la SNCF ? Elle avait fait un tollé puis avait rapidement été entérinée, mais cette fois, comme pour le partenariat avec le Comité International Olympique, il semble tenir sans aucun heurt… La crise aidant nécessairement celui qui doit maintenant satisfaire l’appétit de ses actionnaires, étant depuis décembre 2020 une société cotée à WallStreet …
Booking n’est pas en reste
Le rendez-vous annuel de Booking « Click. 2021 », rassemblant ses partenaires du monde entier, a eu lieu du 16 au 18 mars 2021. Les annonces y ont été nombreuses. Nous en retenons 2 :
- Accélération du paiement en ligne maitrisé par Booking grâce à son système de Carte de Crédit Virtuel (CCV). L’hébergeur peut ainsi accepter des clients qui souhaitent régler par des moyens de paiement locaux tels que PayPal, WeChat Pay et Alipay. L’objectif ? Faciliter la vie aux nombreux voyageurs qui veulent payer dès la réservation.
- La montée en puissance de leur programme Booking Genius. Pour rappel, pour celles et ceux qui ne sont pas familiers de ce dispositif, Booking proposait à tous les voyageurs, une remise de 10 % valable pour une catégorie de chambre sur simple inscription. Il mue et se renforce proposant désormais 3 niveaux d’offres par palier. Sous conditions d’un nombre minimum de séjours, le voyageur peut ainsi bénéficier de 10 % de remise au niveau 1, 15 % au niveau 2 et enfin jusqu’à 20 % de remise au niveau 3, c’est-à-dire si le voyageur a réservé 15 séjours ou plus au cours des 2 dernières années.
Tripadvisor croit en son Tripadvisor Plus
Est-ce que ce sera un coup d’épée dans l’eau ? Seul le temps nous le dira. C’est un fait, Tripadvisor se cherche depuis de nombreuses années. La plateforme d’avis vient de lancer aux États-Unis son offre payante B to C à 99 $/an. Elle propose aux clients membres de bénéficier d’un accès à des hébergements offrant minimum 10 % de discount sur leur meilleur tarif, incluant un service additionnel comme le petit-déjeuner ou un surclassement. Une sorte de Booking Genius à la sauce Tripadvisor.
Côté Europe, Leboncoin veut continuer sa percée
En 2020, Leboncoin Groupe avait déjà racheté Pilgo, une plateforme de réservation en ligne spécialisée dans la distribution hôtelière directement connectée aux systèmes de réservation des hôtels. Cela confirmait l’intention de Leboncoin de se développer dans la sphère du voyage et du tourisme depuis son rachat de Locasun en juin 2019.
Cette année, la plateforme française fête ses 15 ans. Une société en croissance qui compte près de 30 millions de visiteurs uniques tous les mois soit près d’1 Français sur 2. La visibilité que procure Leboncoin peut être une opportunité pour les hébergeurs. On y retrouve déjà de nombreuses marques comme Pierre & Vacances, Accor Hotels et Best Western. Créée en 2015, la rubrique « vacances » de Leboncoin s’attribue déjà…
- 6 500 hôtels
- Un record de 4,4 millions de visiteurs en juin 2020
- Le taux de réservation le plus élevé pour les hébergeurs pour les déplacements intra-régionaux
Hôteliers, gîtes ou encore chambres d’hôtes, la plateforme de réservation s’adapte à toute une diversité d’acteurs. Ils sont soutenus grâce à un taux de commission de 0 % en 2021 depuis 2020 (ce taux évoluera à 10 % pour l’hébergeur en 2022). Leboncoin souhaite également laisser la main aux hébergeurs sur leurs réservations : fixation des tarifs, choix des calendriers, échanges directs avec le client avant réservation… La priorité est donnée à la transparence et à la confiance 🤝 (Source : webinaire Normandie Tourisme, Leboncoin, avril 2021)
Nous l’avons bien compris, les agences de réservation en lignes sont clairement de retour pour cet été avec un objectif en tête : capter une clientèle davantage locale. Une cible qui ne les intéressait pas avant la crise et qui pouvait être considérée comme notre « chasse gardée »… Alors face à cette montée en puissance, comment vous, en tant qu’OGDs, pouvez-vous réagir ? Au détriment d’avoir leur puissance humaine et financière, il vous faut miser sur d’autres valeurs et champs d’action. Pour vous, je me suis prêté au jeu et ai imaginé quelques actions, non exhaustives bien sûr 🧠
Quel(s) rôle(s) peuvent jouer les Offices de tourisme dans le combat quotidien des prestataires touristiques de la vente en ligne ?
- Créer des partenariats avec des plateformes alternatives. Certains d’entre vous le font déjà, alors continuez et amplifiez cette démarche. Obtenez des avantages pour vos prestataires, que ce soit de la visibilité supplémentaire, une remise, une extension de la durée d’abonnement ou même un niveau de commission minoré (qui ne tente rien n’a rien) ! La liste n’est pas exhaustive mais on peut déjà citer :
o Les plateformes tournées vers le tourisme durable, en plein essor : Vaovert, WeGoGreenR, Greengo, Solikend, TripforTrees ;
o On peut également citer Fairbooking celle ” par les hôteliers pour les hôteliers ” qui 8 ans après sa création, va révéler un nouvel élan avec une plateforme de réservations ;
o Make Your Trip Better mais aussi La Voyageuse qui mettent en relation voyageurs et locaux ;
o Celles des hébergements dog-friendly comme Emmène ton chien ;
o Les plateformes offrant une expérience inédite et insolite telles qu’Abracadaroom, Lacabaneenlair, Hebergementinsolite.com ;
o Les plateformes inclusives : Misterb&b, Gay-sejour,
o Etc
- Croire encore à sa place de marché institutionnelle. Un sujet abordé à de nombreuses reprises par notre blog Etourisme.info, comme dans l’article “Tourisme de proximité et développement local” de Jean-Baptiste Soubaigné publié en février 2021. Nous n’avons pas aujourd’hui une réponse formelle à cette question et ne cherchons ni à vous convaincre de la revitaliser, de la lancer ou de l’abandonner. Toutefois, il y existent quelques exemples qui nous prouvent qu’une place de marché territoriale a encore une carte à jouer, et d’autant plus à travers des tendances comme le tourisme domestique ou le workation.
Pour illustrer ces propos, allons voir ce qu’il se passe dans les Hautes-Pyrénées. Là-bas, on mise sur le « sur-mesure », grâce à une agence de développement touristique innovante. Le concept est simple : on prodigue aux touristes des conseils à la fois professionnels et gratuits, pour finalement leur permettre de vivre des séjours uniques et authentiques. Pour en bénéficier, rendez-vous à la Boutique des Pyrénées. Financée par une commission auprès des prestataires du territoire, cette agence permet d’élaborer entre 5 000 et 6 000 carnets de voyages personnalisés et individuels par an.
Face à la montée en puissance de Booking ou encore d’Airbnb dans leur région, les Hautes-Pyrénées ont innové en se positionnant sur du conseil gratuit et personnalisé avec des ventes de packages. Preuve en chiffres que le digital peut aussi servir à l’humain : “Nous avons vendu deux fois plus de road trip en 2020 qu’en 2019”. Au final, c’est la centrale départemental qui vend le plus de séjours packagés en France grâce à sa plateforme en ligne 🥇
- Développer sa connaissance des plateformes. Il apparait comme indispensable que les responsables du pôle de la relation prestataires s’approprient au mieux le fonctionnement des OTAs cités précédemment. On ne parle pas ici de la face visible de l’iceberg, à savoir l’expérience voyageur, mais bel et bien de l’interface hébergeur. Vous identifiez ainsi comment le prestataire peut utiliser telle OTA sans tomber dans sa dépendance la plus totale. De nombreuses astuces existent pour maîtriser ces fonctionnalités et connaître les paramétrages à déployer par l’hébergeur dans son interface « partner ». A vous de les découvrir pour ensuite bien conseiller votre professionnel 🎯
- Sensibilisation des clients. Les offices de tourisme ont aussi une influence auprès des touristes. Il est de votre devoir de jouer leur rôle d’intermédiaire entre eux et les prestataires afin de valoriser la vente en direct. Que ce soit via le site internet de l’office, au téléphone, ou à l’accueil, le conseil doit être entièrement maîtrisé et spécifique à chaque demande client. Vous pourrez ainsi les rediriger vers l’accommodation de leur choix et les inciter à contacter vos prestataires pour une réservation directe. Un numéro de téléphone, un lien vers l’outil de réservation en ligne du site internet, une adresse mail, un QR code… Tous les moyens sont bons pour éviter que le client termine sur un intermédiaire comme Booking.
- Renforcer l’expérience client de vos prestataires touristiques. Aidez-les à mieux définir et positionner leur expérience voyageur. Nous le constatons depuis plus de 11 ans au sein de notre agence, plus l’expérience sera différenciante et moins la dépendance aux OTAs sera importante ! Et au-delà même du sujet de l’accroissement des réservations directes, une clientèle locale sera bien plus exigeante que celle de l’hexagone, sans parler de la clientèle étrangère. Il va falloir lui donner envie, la capter, l’émouvoir mais avant tout la surprendre en faisant preuve d’originalité 👩🎨
Certains prestataires ont su adapter leur offre pendant cette période de crise sanitaire, et Bien Loin d’Ici est un des exemples que l’on peut citer. Cette maison d’hôtes a diversifié son offre pour répondre aux nouvelles demandes : privatisation du domaine, ou encore collaboration avec une cheffe 1 fois / semaine pour proposer aux clients la restauration à domicile. - Aider vos prestataires dans leur GRC. On a beau le répéter encore et encore, un client fidèle coûte en moyenne entre 5 et 10 fois moins cher qu’un nouveau client ! Soyez un booster de fidélisation pour vos socios-professionnels en leur donnant quelques précieux conseils opérationnels à mettre en place dans leur structure autour des 3 temps du voyage 🤩
- Fédérer vos acteurs locaux pour les inciter à travailler main dans la main en cette saison 2021. Vous le savez mieux que personne, vos prestataires se connaissent finalement peu à l’échelle de votre destination. Ils ont la tête dans le guidon depuis des années, sont bien souvent seuls et isolés dans leur gestion d’activité et ne prennent pas le temps de rencontrer leurs « voisins ». Nous en sommes convaincus, votre rôle est selon nous de plus en plus de mettre en réseau vos prestataires et de les faire monter en compétences ensemble voire même travailler ensemble pour du gain de business. Je suis, à titre d’illustration, l’heureux parrain du club ULICE. Il s’agit d’une initiative portée par Charentes Tourisme en étroit lien avec les OTs et autres réseaux d’acteurs du territoire qui a comme objectif de fédérer les chambres d’hôtes et meublés de tourisme de la destination 🔝
Conclusion : 2021, le moment clé pour se différencier des OTAs en tant qu’oGDs !
Les OTAs vont revenir en force en se spécialisant sur les thématiques du tourisme de proximité et les démarches de développement durable. Il n’empêche que les prestataires touristiques ont aussi leur carte à jouer pour contrer cette domination, s’ils sont bien accompagnés dans leur réflexion. Les offices de tourisme possèdent donc ce rôle pilier auprès de leurs socio-pros, afin de d’abord leur donner les clés du marché touristique en amont, et pour ensuite les aider à optimiser leur commercialisation en ligne 🤝