Sur le web, dans la presse, les articles sur la situation de l’hôtellerie sont nombreux. On y mentionne la montée en gamme du secteur, les difficultés de recrutement de personnel et de saisonniers en cette année 2023, le développement du lifestyle notamment avec de l’arrivée de nouveaux concepts hôteliers tels que Eklo, Hôtel Nomad…
Souvent les illustrations choisies sont des hôtels de chaînes ou des hôtels situés en milieu urbain. Mais quand est-il de l’hôtellerie indépendante située en milieu rural ? Au travers d’exemples, je vous propose de voir que cette dernière n’est pas en reste et est tout aussi créative que l’hôtellerie urbaine.
L’hôtellerie en France, une histoire d’indépendants
Selon l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), la France compte 16.981 hôtels. 82% de ces établissements sont des indépendants et ne dépendant donc pas de chaînes telles que Ibis, Mercure, B&B Hôtels…
En moyenne l’hôtellerie indépendante propose 26 chambres. La majorité de l’offre française est donc composée de petits établissements. Cette différence par rapport aux hôtels de chaînes, avec leur capacité d’accueil nettement supérieure, se marque au niveau du taux d’occupation avec 3,1 % de moins que dans celle de chaînes. En effet, plus un établissement est grand, plus il sera en capacité de capter des clientèles complémentaires.
L’hôtellerie en milieu rural
Dans son « panorama de l’hôtellerie en France », Coach Omnium précise que « plus on se tourne vers le milieu rural, plus les hôtels sont encore de plus petite capacité avec 19 chambres en moyenne par établissement ».
Quand on sait que le seuil de rentabilité hôtelier est souvent estimé à plus de 35 chambres, on constate qu’avec une capacité moyenne intérieure à 20 chambres, l’hôtellerie en milieu rural fait face à des difficultés financières de plus en plus importantes.
Cette situation n’est pas neuve, en 2014 déjà, un rapport publié par le Syndicat de l’hôtellerie tirait la sonnette d’alarme sur la situation des hôtels indépendants en milieu rural et rappelait qu’au-delà de leur fonction d’hébergement touristique, ces hôtels jouent un rôle important d’animation locale et de maintien de l’activité.
À la lecture de ces données, on pourrait conclure que la petite hôtellerie en milieu rural vit ses derniers jours. Certes la situation est (très) compliquée mais force est de constater que de nombreux hôtels ont compris les menaces qui se présentent à eux et ont réussi à saisir de nouvelles opportunités afin de mieux positionner leur établissement sur des créneaux spécifiques ou de les intégrer encore davantage dans leur environnement socio-économique.
Pour illustrer ces changements, je vous propose d’aller à la rencontre quelques établissements.
Un hôtel pour vous !
En Wallonie (Belgique), dans une petite localité rurale, Walcourt, depuis 1971, la Maison Dispa, de 10 chambres et d’une capacité de 28 lits, est gérée par la même famille. Au départ projet de Gérard et Claudine, la Maison Dispa est aujourd’hui la passion de leurs enfants Julien et Thibaut.
2021, aurait du être une année de fête pour l’hôtel et ses 50 années d’existence. Mais comme partout ailleurs, ce fût surtout une année de remise en question, de « menu spécial en terrasse et dans le chapiteau du jardin, repas dans les chambres ».
En 2023, l’hôtel prend un nouveau positionnement. La crise est bien présente, il faut donc faire des choix pour continuer à faire vivre cette belle aventure familiale. La famille décide de réduire ses heures d’ouverture et de renforcer son activité sur les demandes de séjours et de restauration des groupes.
Ainsi, aujourd’hui, l’hôtel peut se louer d’une manière différente. Aux offres classiques de chambres accompagnées d’une offre de restauration, une offre plus surprenante a vu le jour : louer tout l’hôtel ! Le temps d’un séjour, les groupes qui le souhaitent peuvent ainsi profiter de l’hôtel en toute autonomie. Un espace privatisé tout entier à leur disposition !
Cette nouvelle offre permet d’une part à l’établissement de se positionner sur un créneau qui était très peu présent dans sa clientèle originale et d’autre part d’avoir une nouvelle approche économique.
100% vélo
Direction, l’Italie et plus particulièrement les Alpes du nord où l’hôtel Funivia met tout en œuvre pour proposer aux fous de la petite reine des séjours 100% vélo.
Bien entendu, l’accueil des cyclistes dans les hôtels n’est pas neuf. La marque Accueil vélo en France met en avant les établissements qui proposent un accueil et des services adaptés. Mais, entre accueillir des cyclistes et se positionner de manière forte et assumée sur ce public, il y a un pas que l’hôtel Funivia a franchi.
Eux-mêmes fervents cyclistes, les propriétaires ont choisi d’accueillir prioritairement les détenteurs de deux roues, durant la période d’été : « Nous aussi nous sommes des cyclistes et la passion qui nous distingue a servi à préparer un grand nombre de services exclusifs, des itinéraires passionnants, des itinéraires uniques liés à de nombreuses offres diversifiées. ».
La communication est claire, en logeant dans cet établissement indépendant, situé dans une commune de moins de 5000 habitants, les clients font parler, faire, découvrir, manger…100% vélo !
Outre l’indispensable parking à vélo hyper sécurisé, l’offre de restauration s’est également adaptée avec une alimentation plus saine, des propositions, des collations au retour de la « sortie vélo », des repas qui entrent dans les poches des maillots.
Un spécialiste vélo est même présent pour répondre aux questions et aider en cas de problème.
En tant que fille de la rédaction, je voudrais particulièrement souligner la proposition « Funivia Pink », un événement cycliste de cinq jours, organisé par l’hôtel et destiné uniquement aux femmes.
L’hôtel Funivia a également compris qu’il ne suffit pas de travailler seul dans son coin. Aussi, il a développé avec 5 autres hôtels le projet Bici Amore Mio (Mon amour de vélo), soit la possibilité de découvrir l’Italie à vélo, de loger dans des hôtels où on prend soin des cyclistes et de bénéficier de tous les services adaptés.
Du local sous toutes ses formes
Retour en Belgique pour découvrir l’hôtel Le Sorbiers.
Précisons tout de suite, qu’ici, on s éloigne quelque peu de la notion d’hôtel familial. En effet, les Sorbiers est un des trois établissements d’un petit groupe belge qui possède les Tourelles en Baie de Somme et l’hôtel Plein Ciel en Suisse. Mais dans ce cas, c’est surtout la localisation de l’hôtel qui a retenu mon attention. En effet, l’hôtel les Sorbiers est situé dans la commune d’Hastière qui compte 6000 habitants et qui est une des communes où le revenu moyen par habitant est le plus faible en Wallonie. C’est dans ce contexte social et économique complexe que l’hôtel a vu le jour en 2020. Cependant, à côté de ce constat socio-économique, Hastière est aussi une jolie commune en bord de Meuse, à la frontière française ; Givet n’est qu’à quelques kilomètres.
Dès le début, le projet se veut durable tant dans ses aménagements que dans ses services. Plus de 150 critères en la matière ont été définis. Vous allez certainement penser qu’il y a de très nombreux hôtels durables ; que cela n’a rien de neuf. Certes. Mais souvent si la durabilité intègre l’environnement et l’économie locale, les établissements zappent le pilier social.
C’est ici que l’exemple des Sorbiers prend du sens. En effet, l’hôtel s’est pensé comme un acteur local et social, comme un élément de la dynamique de la bourgade où il se trouve. L’établissement va donc plus loin que sa fonction d’hébergement et de restauration et déploie sa fonction d’accueil de manière beaucoup plus large en proposant aux enfants des environs des activités durant les vacances scolaires. Durant les vacances de mai 2023, chaque jour, des activités encadrées sont proposées au sein du domaine de 17 ha. Cela va de la chasse aux trésors, en passant par des ateliers pâtisserie, la découverte de la nature avec un guide… Les adultes ne sont pas oubliés et sont conviés à des apéros concerts. Bref, une belle manière de s’intégrer dans la vie locale et de proposer aux voisins de l’hôtel de profiter, eux aussi, de ce bel endroit et de devenir des ambassadeurs de LEUR hôtel.
Ces exemples nous démontrent qu’en faisant preuve de créativité, l’hôtellerie rurale peut renforcer son rôle d’acteur économique et touristique, et renforcer son attractivité.
Innover la « petite » hôtelier, c’est faire preuve d’inventivité, c’est chercher à mieux se positionner dans son environnement ou en envisageant une nouvelle segmentation de ses clientèles.
Ces cas pratiques nous montrent qu’une offre centrée sur « le tout pour tout le monde » a fait son temps même dans l’hôtellerie.