Mais où va le monde ?

Publié le 1 juin 2017
6 min

On parlait le mois dernier de Copenhague et de son Office de Tourisme qui « disparaissait » derrière les habitants, voilà qu’aujourd’hui, c’est la Suède qui se « vend » à Airbnb.

Allez, une belle occasion de lire la suite en musique, avec les bayonnais de La Femme et leur morceau éponyme du titre de ce billet… A retrouver cet été dans les meilleurs festivals de France et de Navarre, et notamment Lyon Fourvière, Sète, Marmande, Arras, Montreux, Belfort, Carhaix, Saint-Brieuc, Liège, Thonon, …

Avant de revenir à nos scandinaves qui nous mettent le bazar, regardons-nous un peu le nombril. Il y a quinze jours, je vous avouerai avoir été un peu surpris par l’engagement suscité par un banal post dont l’objectif n’était que de susciter quelques haussements d’épaules au pire, de zygomatiques au mieux.

Etant de moins en moins porté sur le partage systématique de mes humeurs et déplacements, peu enclin aux envolées susceptibles d’emballer mon lectorat, les quelques 249 réactions, un résultat bien supérieur à ce que je peux obtenir, même en changeant ma photo de profil par une … (complète au choix), je me suis questionné !

Bien sûr que la France jacobiniste, du tourisme comme d’ailleurs, se sent dépossédée de ne pas avoir de Ministre ou au moins de Secrétaire d’Etat de tutelle ! Bien sûr que tout le monde sait que cela n’aurait pas changé grand chose malgré tout d’en avoir un à part entière. Bien sûr que les législatives vont peut-être changé la donne, et dans l’intervalle, un décret est venu préciser le rattachement au Quai d’Orsay. C’est bien d’ailleurs sous Fabius aux Affaires Etrangères que l’on a eu un peu d’action/réaction pour la première fois depuis longtemps… Bon là, dans l’immédiat, on parle davantage « serrages de main » et « âge du capitaine », ou encore « moralisation de la vie publique », ce qui me donne envie de dire : Mais où va le monde ? (normalement, si tu as déclenché le morceau au bon moment et que tu as lu au rythme normal d’un individu normal, ça tombait pile au bon moment ! Non ? Bon ben tant pis…c’est raté !).

Il n’empêche qu’en attendant, de Loi Notre en fusion de région, de stations classées en réorganisation ministérielle, de potentielles disparitions des uns en définitives fermetures des autres, le tourisme institutionnel français, à quelque échelle que soit, est en train de se perdre dans les arcanes de ses multiples (r)évolutions, pas toujours les bonnes, perd aussi du temps, de l’argent, et surtout beaucoup de l’énergie et de la motivation de ses forces vives !

Alors évidemment, on en a un petit peu moins, de l’énergie, pour penser différemment, pour imposer des partis-pris, des convictions, des orientations qui iraient davantage dans le sens des clients, qui pourraient les séduire. D’autant que cela peut déplaire aux partenaires classiques, et qu’il est sûrement plus aisé de rester maître dans l’ancien monde que de chercher à en conquérir de nouveaux.

L’une des illustrations que je voulais partager avec vous ce matin, c’est donc ce « deal » entre Airbnb et l’organisme de promotion de la Suède. Je l’ai déjà partagé sur Facebook, mais vous avez été cinq fois moins nombreux à y réagir qu’à celui d’au-dessus 😉

Derrière le slogan « Sweden on Airbnb – Explore Freedom to Roam » et l’url https://sweden.withairbnb.com/, on retrouve l’assertion du fait que les espaces naturels de la Suède appartiennent à tous, que l’on peut s’y promener, y dormir la belle étoile, y faire la cueillette, librement. Et la Suède nous affirme tranquillement avoir, du coup, « listé », référencé, le pays dans son entier pour le mettre sur Airbnb ?!

On essaye alors habilement de nous orienter vers le site de la destination, ou plutôt la rubrique dédiée à cette « Liberté de se promener », décrite comme le monument national de la Suède, en comparaison des Tour Eiffel, Chutes du Niagara ou Sphinx que possèdent les concurrents.

Si l’on décide néanmoins de rester sur le site https://sweden.withairbnb.com/ (un petit tour sur Who.is nous apprend que le nom de domaine a bien été déposé par Airbnb, laissant l’ouverture à d’autres destinations pour initier un partenariat et un sous-domaine du type), l’on s’aperçoit finalement que seules 9 « offres » sont pour l’instant disponibles sur toute la Suède, illustrant la diversité des richesses naturelles du Pays.

Chaque fiche se présente à la façon d’une offre Airbnb classique, avec quelques caractéristiques particulières et traits d’humour comme vous pourrez le repérer sur cette copie d’écran.

Mais bien sûr, Airbnb ne se contente pas de bénéficier de cette belle opération de comm’ menée par son partenaire destination, chaque fiche se concluant par un bel appel à réserver de « vraies » offres sur son site, pour tous ceux qui préfèrent dormir sous un toit.

Par contre, sur le site de la Suède, Airbnb se fait beaucoup moins présent… et ne contient qu’une mention, dans la rubrique « Auberge de Jeunesse », aux côtés de Bedycasa, sans le moindre lien html dessus, contrairement aux partenaires plus institutionnels qui sont présentés sur la page hébergement. Un signe que les « vieux » partenaires comptent aussi là-bas et qu’il convenait de ne pas trop les froisser au sein du site officiel ? Il n’empêche, pour un coût relativement restreint (Airbnb n’aurait rein facturé à la Suède), la Suède a opéré une belle opération de communication, dont les journalistes internationaux ne retiennent que les points-clés, du style « le listing de la Suède TOUTE entière sur Airbnb »… comme le démontre une recherche sur Google en anglais, avec des occurrences vers Forbes, Business Insider, London Economics, Lonely Planet, le Telegraph, Fortune… (essentiellement des journaux à vocation éco par ailleurs).

On évoquait la réinvestissement des destinations par les acteurs privés dans ce billet qui date déjà un peu, et que complétait Jean-Luc quelques mois après, tandis que Mathieu revenait fin 2015 sur le partenariat avorté entre Voyages-sncf.com et Airbnb sous la pression des hôteliers dans ce premier billet d’une série de trois.

Nulle doute que cette bronca a mis un sérieux coup de frein à de nombreuses initiatives qui commençaient à poindre dans l’esprit de quelques marketeurs et directeurs. S’il est concevable de mener une opération conjointe de grande ampleur avec des transporteurs, ferroviaire(s) ou aériens, cela devient plus complexe sur les autres secteurs.

Au-delà des aspects réglementaires, légaux, sociétaux voire éthiques qu’il convient de régler (et c’est là le rôle de la prochaine assemblée et du gouvernement d’y travailler), il reste dommageable que l’institutionnel français se prive des moyens et des idées de partenaires naturels, d’acteurs touristiques à part entière, dans l’hébergement, les activités, l’expérience globale, au contraire de ses concurrents qui pourraient suivre la Suède. D’autant qu’Airbnb, en terme de visibilité… c’est quand même pas mal non ?

J’avais donc interpellé dans mon partage Facebook Nicolas Jabaudon, qui travaille depuis maintenant plusieurs années au sein d’Offices de Tourisme de France au dialogue constructif avec ses différents acteurs du monde collaboratif… mais on aimerait vraiment, à défaut d’un france.withairbnb.com, que ce soit une destination française qui soit le prochain sous-domaine à lancer ce type de communication ! Non pas pour agacer les uns ou les autres, non pas pour faire la pub des uns plutôt que des autres, mais pour se persuader que l’on peut évoluer au-delà de certaines fourches caudines réductrices de têtes et d’idées.

Que les candidats se déclarent en commentaire, qu’il s’agisse d’ailleurs de destinations, ou de partenaires privés potentiels !!! Et on en parle aux prochaines Rencontres Nationales du etourisme à Pau !

 

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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