La France a peur ! Peur de la crise, peur des évolutions sociales, de ses voisins… Et la France du tourisme verse tout autant dans le syndrome. Les plus gros craignent l’arrivée de Google et consorts (au point d’en appeler au secours le législateur et les pouvoirs publics), les petits sont effrayés par les avis clients, la « booking dépendance » qui les étranglent, et les institutionnels semblent tétanisés par le prochain acte de la décentralisation.
Et pour couronner le tout, Internet, le média qui allait permettre de désintermédier et de toucher le client en direct devient de plus en plus abscons et ne fait qu’accentuer la main-mise des leaders.
Alors qu’est-ce qu’on fait ? On baisse les bras, on attend de se faire manger tout cru en espérant que la fin du monde n’arrive pas avant que l’on ait coulé quelques jours heureux de retraite bien mérités ?
Encore une fois, l’innovation, l’anticipation et la créativité restent bel et bien les seuls recours, dont il va falloir s’emparer pour continuer à s’épanouir dans ce contexte morose.
Le secteur hôtelier, pourtant peu vanté pour ses capacités à se regrouper, est en train de faire sa mue pour s’émanciper de sa dépendance des grands distributeurs. En témoigne cette action d’un collectif d’hôteliers indépendants nantais, dénommée « On marche sur la tête ! », qui a donné lieu à la mise en place d’une démarche sur la réservation en direct portée par les hôteliers eux-mêmes et suggérant des actions pour s’extraire un tant soit peu du carcan des commissions.
Et dans l’institutionnel, cette décentralisation annoncée et de récents articles qui taillent des croupières aux organismes en charge de la promotion des destinations ne pourraient-ils pas être davantage considérés comme des prétextes à une meilleure organisation plutôt que les prémisses du vent du boulet à venir ?
Décentralisation = Destination ?
On a envie d’y croire en tout cas, et cela ne pourra être possible que par la volonté des acteurs de terrains, élus, techniciens et socioprofessionnels. On nous le ressasse, on en est tous conscient, l’on consacre trop d’énergie et d’argent à promouvoir des territoires, généralement administratifs, et inconnus de nos clientèles, au détriment des véritables destinations et espaces de déambulation vécus par nos touristes.
La raison voudrait donc que l’on cesse de se faire peur en attendant de savoir à quelle sauce nos structures seront avalées, digérées, fusionnées d’ici quelques mois ou années, pour enfin travailler à des échelles de cohérences et pertinence adaptées aux seuls et vrais clients, ceux qui viennent dépenser leur argent et leur temps dans nos diverses contrées.
Quelle Région, Département ou intercommunalité se prépare aujourd’hui à délaisser son appellation administrative pour se joindre à ses voisins et collègues, mettre en commun ses ressources humaines et financières au service d’un véritable projet de développement ?
Le thème est évidemment un peu éculé, mais tellement d’actualité !
Certes, de nombreuses initiatives ont déjà vu le jour et mérite d’être saluée : les deux Régions Normandie ont depuis longtemps compris que Basse et Haute ne rencontraient guère d’écho, même s’il reste encore du chemin à parcourir, le Cher et l’Indre se sont solidarisés derrière la marque Berry, plus porteuse et identifiée, le haut et le bas Rhin s’effacent pour mettre l’Alsace en avant, les deux Savoies ont fait de même il y a quelques années. La démarche prend du temps, ne se fait pas sans heurts, mais permet incontestablement d’étoffer les ressources humaines et financières au bénéfice de tous.
Avant de rentrer dans le dur, le douloureux, l’administratif, il convient probablement avant tout de travailler en commun autour de projets, de mutualiser entre structures, organismes, des ressources humaines et financières pour mieux travailler à l’échelle de destination cohérente. Sait-on jamais, des expériences réussies de travail en commun pourrait donner des idées au moment de trancher dans le vif, voire consolider des démarches initiées qui feront de la décentralisation à venir un heureux événement pour l’avènement de véritables Pôles de Destinations !
Encore faudra-t-il que tous les acteurs, y compris les premiers concernés, comprennent qu’il n’est clairement plus envisageable de travailler efficacement avec des équipes et des budgets réduites à leur plus simple expression… Quelqu’un peut nous rappeler ici le nombre moyen d’ETP dans un Office de Tourisme ?…
Allez, on vous souhaite un bon début de semaine, plein de réflexions si vous pouvez prendre le temps de lever le nez du guidon, et on revient prochainement sur ce sujet pour un billet à quatre mains avec Jean-Luc, qui on l’espère, vous donnera quelques pistes concrètes complémentaires !