Après un premier article publié en octobre dernier sur la manière dont les destinations peuvent faciliter les vacances des personnes en situation de handicap mental, je suis restée attentive aux initiatives en ce sens. C’est près de chez moi, que j’ai découvert les séances de cinéma « relax », des projections où chacun, avec ou sans handicap, est accueilli et respecté tel qu’il est.
Ces séances représentent un exemple concret d’inclusion, intégrant des personnes en situation de handicap mental dans des évènement ouverts à tous.
L’objectif de cet article est d’aller explorer ce concept, d’expliquer pourquoi il a été créé, d’en analyser les implications nécessaires et d’envisager comment , en tant que destination, nous pourrions nous en inspirer pour l’étendre à d’autres domaines.
pourquoi CES SEANCES ?
Lorsqu’on n’est pas familier du sujet, on pourrait croire que les personnes en situation de handicap (surtout le handicap mental) sont naturellement les bienvenues dans les activités culturelles (spectacles, théâtre, cinéma…) et que rien ne les exclue. Tout semble, en effet, en apparence avoir été fait pour leur en faciliter l’accès : tarifs réduits, coupe-files pour réduire l’attente, places de parking à proximité, toilettes adaptées…
Mais quand on porte un regard plus attentif à ces prestations, on se rend compte qu’on a intégré malgré nous des normes comportementales : rester silencieux, ne pas bouger, rester à sa place toute la séance… Il n’y a même plus besoin de les rappeler, elles sont considérées comme évidentes, sauf que pour des personnes en situation de handicap mental, c’est parfois difficile de les respecter.
C’est pour répondre à cette problématique qu’un collectif « culture relax » a imaginé les séances relax (cinéma, concert, spectacle) afin de permettre aux personnes concernées, à leur famille et à leurs accompagnants de se sentir véritablement les bienvenues.
le principe des seances relax
Les séances « relax » permettent aux personnes avec un handicap complexe de partager sereinement des séances de cinéma aux côtés du public habituel.
Concrètement, lors d’une séance de cinéma relax, “chacun peut exprimer ses émotions sans crainte ni contrainte. Les éventuelles manifestations vocales, gestes, voire déplacements pendant la séance sont accueillis avec bienveillance. Des espaces-détente sont prévus pour ceux et celles qui auraient besoin de faire une pause face à une surcharge émotionnelle. Les niveaux sonores et lumineux sont parfois ajustés pour réduire les effets de surprise.
L’idée est d’offrir un dispositif inclusif permettant d’accueillir, avec le public habituel, ceux que leur handicap en exclurait. Le principe d’accueillir tout le monde en est un des points essentiels.
LES TROIS PILIERS D’UNE SEANCE « RELAX »
. Un assouplissement des codes avec notamment, quand c’est nécessaire, une réduction du volume sonore et une extinction progressive des lumières. Il ne s’agit pas de proposer une prestation différente en modifiant le contenu mais de la rendre accessible. Et, c’est surtout l’acceptation des comportements atypiques, des déplacements dans la salle, des entrées et sorties en cours de séance, autant de comportements qui vont parfois à l’encontre de ce qui est attendu de la part d’un spectateur.
. Un personnel formé et renforcé, avec la présence de personnes référentes, reconnaissables pour accompagner le public tout au long de la séance, et pas simplement uniquement au moment de l’accueil. Cette équipe renforcée, parfois composée de bénévoles, est un point de repère rassurant pour dénouer toutes les situations qui nécessitent une aide. Cela nécessite donc une formation particulière pour ne pas se sentir démuni le jour J.
. Une communication adaptée avec une information claire adressée au public avant la séance, pour garantir que chacun en comprenne les principes et un Mot de bienvenue au début de l’évènement rappelant les règles et invitant à la bienveillance.
ZOOM SUR LA COMMUNICATION ET LA RESERVATION
Au moment de la réservation, il est essentiel que le public sache qu’il est en train de réserver une séance relax. L’enjeu est qu’aucun spectateur n’assiste à une représentation Relax sans l’avoir choisi ni sans en connaître le principe et les règles. Pour le public en situation de handicap, certains lieux prévoient des outils rassurants comme une adresse mail dédiée, un courriel de confirmation détaillé après la réservation ou encore des guides en Facile à lire et à Comprendre. Ces supports aident à préparer la venue et à réduire les appréhensions.
Au début de la séance, c’est un mot de bienvenue qui rappelle les principe à tous les spectateurs. “Un seul spectateur qui n’aurait pas eu l’information et se retournerait pour demander le silence, faire une remarque désagréable ou lancer un regard courroucé compromettrait l’atmosphère particulière de l’événement et risquerait de décourager définitivement une famille qui avait pris le risque du regard des autres. «
Les RESISTANCES
L’enjeu est de réussir à être suffisamment convaincant en amont et totalement opérationnel le jour J, pour encourager les familles et les proches des personnes en situation de handicap à oser participer à ces séances. Il s’agit de leur garantir que tout a été anticipé (même l’imprévisible) pour que l’expérience se déroule dans les meilleures conditions. Se mettre à la place de l’autre n’est jamais simple, mais subir sans cesse, en tant qu’accompagnant ou personne en situation de handicap, ce regard de décalage, ce sentiment de ne pas être à sa place, est profondément traumatisant. Cela finit, peu à peu, par dissuader toute participation à ce type d’activités. Notre rôle, en tant que destination, est de rassurer et de prouver qu’on peut être à la hauteur de la promesse faîte.
Il est tout aussi essentiel de persévérer, et de ne pas se décourager face à un faible nombre de participants lors des premières tentatives. Reconquérir la confiance d’un public, trop longtemps exclu de ce type d’activités, va nécessiter du temps et de la constance.
Des perspectives a explorer
Si les séances relax ont vu le jour dans le domaine culturel, leur concept pourrait s’étendre à d’autres activités dans le domaine touristique, où des normes comportementales admises de tous, conduisent de fait à l’exclusion de certaines personnes
Si on prend l’exemple des transports : Imaginez un instant les réactions des passagers dans un train face à des comportements perçus comme atypiques de la part d’une personne en situation de handicap, tels que parler fort, bouger sans cesse, interpeler son voisin….. Quelle serait leur attitude ?
Et dans un hôtel classique, comment les clients accepteraient-ils de partager l’espace du petit déjeuner avec d’autres clients qui pourraient les interpeller, s’assoir trop près d’eux…Quelle serait leur réaction ?
Ces questionnement peuvent s’appliquer également aux restaurants.
En ayant accompagné un groupe de personnes en situation de handicap mental, j’ai pu observer que des solutions pour éviter ces situations étaient prises. Le transport était prévu en mini-bus privatisé. L’hébergement avait été choisi parce que le personnel avait l’habitude de recevoir ce public et aucun repas n’était programmé dans un restaurant….Mais est-ce une solution acceptable ? Ou bien devons-nous repenser certains aspects de l’offre pour la rendre réellement inclusive et en faire un projet de développement enthousiasmant avec les partenaires ?
pour terminer
A la suite de mon précédent article sur le sujet, Samantha Bertrand, coordinatrice tourisme durable et accessibilité pour la communauté d’agglomération Rochefort Océan, a pris le temps de laisser un commentaire, que je repartage ici. Elle rappelle que « tout ce qui est fait pour les personnes en situation de handicap mental peut être réutilisé pour d’autres publics, par exemple ceux qui ont du mal avec le français (illettrisme, voyageurs étrangers, enfants…). » Elle conseille également de contacter l’UNAPEI la plus proche pour bénéficier de leur expertise.
Ce partage rappelle qu’il est essentiel de co-construire ces initiatives avec les personnes concernées. Comme le souligne l’enseignement relayé par les structures, on pourrait retenir « Jamais pour nous sans nous. »
Pour aller plus loin :
https://culture-relax.org/
