Plaisir d’offrir, joie de recevoir

Publié le 21 août 2024
15 min

Ce billet a été publié sur le blog etourisme.info le 13 décembre 2023. Voici donc une republication estivale…

Vous en avez marre de courir les librairies (j’ai bien dit librairies, pas plateformes de vente en ligne…) pour trouver le cadeau idéal à déposer au pied du sapin ? Rassurez-vous, j’ai fait le travail pour vous ! Voici donc ma sélection de fin d’année, une vingtaine de livres pour tous les goûts et les couleurs.

Bandes dessinées

LOIRE (Futuropolis) par Etienne DAVODEAU

Attention, délit de favoritisme !  Mais quel talent. Avec Les ignorants (2020) et Le droit du sol (2021), Etienne Davodeau a déjà eu l’occasion d’explorer l’infime et l’intime, le « je » et l’universel. Loire est une fois encore l’histoire d’un voyage initiatique, celui qu’effectue Louis répondant à l’invitation d’Agathe. Même si elle ne lui a plus jamais donné de nouvelles jusqu’alors, il n’est pas parvenu à l’oublier. Des quelques années qu’il a passées avec elle au bord de la Loire, Louis garde un souvenir ébloui. « Ce n’est pas la destination qui compte, c’est le voyage » écrivait Jack London. Sauf que cette fois-ci, celui considéré comme le dernier fleuve sauvage d’Europe est la destination ; avec ses remous, ses tourbillons… et son courant qui peut à tout moment vous emporter !

SHIKI, 4 SAISONS AU JAPON (Virages graphiques) par Rosalie STROESSER

« Japon, tu étais ma terre promise. » Le roman graphique d’une jeune bédéiste qui retrace sa découverte de l’empire du manga où elle a vécu d’octobre 2015 à octobre 2016. Quatre saisons au pays du soleil levant. Plutôt que stupeur et tremblement, il s’agit plutôt là de surprise et consternation. Regard tendre mais lucide sur la société japonaise. Heureuses rencontres et cruelles déconvenues accompagnent ce récit au trait fin, subtilement crayonné où le noir et blanc invite à l’épure, conduit à la révélation : « Je ne déteste pas le Japon, loin de là. Mais il y a tant de choses ici qui me mettent hors de moi. Tant de choses qui m’ont déçue. » Mais si, finalement « le Japon, c’est comme l’Hôtel California : You can check out any time but you can never leave… » ?

LA REINE DE BABYLONE (Casterman) par Bastien VIVES et Martin QUENEHEN

Le 10 décembre 2021 sur ce blog, j’ai déjà eu l’occasion de saluer la mémoire de mon vieux compagnon de route Corto Maltese, « voyageur de l’inutile. » Succéder à Hugo Pratt, son créateur, serait-il crime d’orgueil ? Pas le moins du monde à mes yeux, mais plutôt un pari osé tant l’œuvre du Maître a marqué de son empreinte plusieurs générations de lecteurs. Après Océan noir (paru en 2021), le bédéiste Bastien Vivès et le scénariste Martin Quenehen ressuscitent une seconde fois ce mythe, cette fois-ci de l’Adriatique au Golfe Persique et des Balkans à Babylone. Avec Corto Maltese il n’y a jamais d’amour heureux, à l’instar de l’état du monde. Dans son épilogue (uniquement dans la version luxe de cet album), Jean Hatzfeld (écrivain et journaliste, il fut correspondant de guerre en Bosnie-Herzégovine dans les années 1990) note que « Bastien Vivès met en scène la nuit, belle, noir, anthracite. » Le choix du noir et blanc renforce cette sensation de profondeur tout en accentuant la gravité des visages des protagonistes de ce récit.

CUISINE

LA CUISINE DES CONTREES IMAGINAIRES (Actes Sud) par Alberto MANGUEL

Ecrivain, traducteur, éditeur, avant tout Alberto Manguel aime à se définir comme lecteur. Argentin cosmopolite, il s’est fait connaître du grand public il y a une vingtaine d’années avec son Histoire de la Lecture (Babel). Amoureux de la cuisine et de la bonne chère, il nous revient avec un petit livre de recettes accompagnées de croquis de sa main. Mais pas n’importe lesquelles : celles inspirées des lieux imaginaires emblématiques de la littérature mondiale. Alors régalons-nous de crevettes Nautilus du capitaine Nemo (d’après L’Île mystérieuse de Jules Verne) puis de doigts de magicien (d’après la saga Harry Potter de J.K. Rowling). En guise de dessert, ne seriez-vous pas tenté par des gâteaux Béorniens au miel (d’après Bilbo le Hobbit de J.R.R. Tolkien) ? Car oui, “la littérature ne nourrit pas seulement l’âme.”

ROMANS

SUR L’EPAULE DES GEANTS (Editions du Sonneur) par Laurine ROUX

Prix Alexandre Vialatte 2023 (dont je suis membre du jury, j’avoue) On y suit la saga du clan Agulhon, depuis les découvertes de Pasteur jusqu’aux attentats du World Trade Center. Où les femmes portent des noms de fleurs. Où les chats philosophent. Et où la pétulante Marguerite nous emporte, des Cévennes à Paris, dans des aventures rocambolesques. A ses côtés un éleveur de vers à soie, une conteuse-vigneronne, un zoologue obsédé par les termites albinos, un cuisinier truculent et bien d’autres figures hautes en couleur. Tour à tour roman picaresque, feuilleton littéraire, chronique familiale et polar. A noter la présence de nombreuses gravures en noir et blanc signées Hélène Bautista.

LA MAISON AUX CHIENS (Les Presses de la Cité) par Caroline HUSSAR

Lauréate du prix Jean Anglade du premier roman 2023, Caroline Hussar est avocate au Barreau de Clermont-Ferrand. Ce qui n’enlève naturellement rien, ni n’ajoute à son talent naissant d’écrivaine. S’étant spécialisée dans le droit des victimes, notamment des enfants, il est aisé de comprendre le choix qui est le sien quant au sujet de ce livre poignant. Le décor, l’Allier. Les personnages, une meute éparse de gens blessés par l’existence dont la jeune Atalante est le pivot central. Elle s’y retrouve en famille d’accueil chez Geneviève et Francis, y rencontre Roman « son grand amour d’enfance. » Nul pathos ici, plutôt une lueur d’espoir. Car « ils avaient grandi tant bien que mal, forts de leur tendresse maladroite… » Nul ne guérit de son enfance chantait Jean Ferrat !

ROSE NUIT (Grasset) par Oscar COOP-PHANE

Court précis de mondialisation qui vous fera désormais envisager chaque rose, ce symbole de romantisme, sous un autre aspect. Entre sa cueillette par Nana sous une serre dans la vallée du Rift en Ethiopie, son achat par lots entiers aux fins de revente dans un gigantesque marché aux fleurs d’Amsterdam par Jan et sa vente à la sauvette par le clandestin bangladeshi Ali aux terrasses des cafés parisiens, une seule loi s’impose : celle du marché. Avec délicatesse et sensibilité, Oscar COOP-PHANE restitue dans ce roman construit comme une enquête ces trois destins broyés aux fins d’un indécent consumérisme de la beauté. Protagonistes forcés d’un gigantesque système qui les dépasse et les exploite jusqu’à l’anéantissement, la marge reste leur unique horizon. La seule beauté qui vaille, finalement, c’est celle que renvoie la dignité de ces personnages que l’on ne souhaiterait que fictifs.

DESERTER (Actes Sud) par Mathias ENARD

Fuir sa propre violence. Résister à l’effondrement des idéologies. A travers deux récits, celui d’un soldat inconnu, déserteur d’une guerre indéterminée au cœur d’un maquis méditerranéen et celui de Paul Heudeber, un génial mathématicien est-allemand qui a fait le choix de rester de son côté du mur et dont un colloque en son hommage devait se tenir le 11 septembre 2001, Mathias ENARD dresse une fragile ligne de flottaison. Celle distinguant ses obsessions de ses angoisses. Alors qu’il entreprenait la biographie du mathématicien, ce livre est né de l’invasion russe en Ukraine. Tragédie éternelle que celle de la guerre. « La guerre, si proche, si présente et si soudaine : autant de vagues qui me poussent vers les récifs. » Ici deux histoires apparemment distinctes mais qui ne sont en somme que la conjugaison de leur recherche éperdue d’espérance.

DANS L’ŒIL DE L’ARCHANGE (Calmann-Lévy) par Olivier WEBER

Il était temps que justice soit rendue ! On a longtemps passé sous silence le rôle des femmes dans la photographie. Et enfin découvert que Lee Miller n’était pas que l’égérie de Man Ray, qu’elle avait été une valeureuse photographe durant la 2nde Guerre Mondiale.  C’est à Gerda Taro que rend ici hommage Olivier Weber, écrivain et grand reporter fidèle au Rendez-Vous International du Carnet de Voyage de Clermont. La postérité de Robert Capa, son compagnon, aura trop longtemps maintenu cette juive allemande dans l’ombre. Pourtant, « il sait qu’il lui doit beaucoup, voire tout, à commencer par son nom. » Son destin fut aussi fulgurant que tragique ; elle meurt à 26 ans, écrasée par un char russe lors de la guerre civile d’Espagne, « la main accrochée à la sangle de son Leica. » Accident, vraiment ? Ce cadre historique, qui nous renvoie au drame ukrainien, est certainement l’autre personnage principal de ce gros roman passionnant. Car c’est bien connu, l’Histoire est un éternel recommencement.

NOS MOVIDAS (L’Harmattan) par François PERROY

François Perroy, c’est un peu notre Jack Kerouac ici, sur ce blog. Donnant l’impression d’être présent tout en ayant la tête ailleurs ; ou plus précisément vers l’ailleurs, forcément là où on ne l’attend pas. Et avec lui la nostalgie sera toujours ce qu’elle était, à savoir un refuge, une ligne d’horizon vers laquelle se retourner pour y porter le regard et y tremper sa plume. Afin d’y inventer une galerie de personnages, baroques le plus souvent, qu’il promène ici des années 1980 à 2020 et du Pays basque à l’Espagne. Tel ce Neonatto Etcheveste qui se rêve Directeur conseil de l’Agence Trompette & Renommée. Celle-ci n’est pas si mal emouchée… Bref, c’est à un singulier voyage que nous invite François où une certaine forme de gravité, mâtinée d’humour, nous emporte de page en page. Et quel joli sens de la formule ! « Sur le plan de sa vie sexuelle, il était du genre cerf. Il pouvait s’accoupler huit jours de suite puis s’effacer durant une longue période dans ses chères montagnes. »

BEAUX LIVRES

PIERRE GAGNAIRE, UNE VIE EN CUISINE (Keribus éditions)

Finalement, Pierre Gagnaire est un personnage tel qu’aurait pu l’imaginer Balzac. Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous… Un demi-siècle à officier en cuisine, depuis le restaurant Le Clos Fleuri à Saint-Priest en Jarez (créé par son père) jusqu’à son succès international, ses dix-neuf restaurants et son titre de meilleur chef du monde, désigné par ses pairs. Mais entre-temps, quel parcours ! L’apprentissage dès l’âge de 14 ans puis l’armée, plus précisément dans la Marine : « J’ai appris la rigueur et j’ai trouvé une famille. » Saint-Etienne naturellement, dont on ne retient souvent que la faillite de son établissement ; il a alors 46 ans. Sans doute fallait-il qu’il quitte son département de la Loire pour exister, enfin. Dans cet ouvrage, il est autant question de biographie que de partage d’émotions, salées comme sucrées. Gagnaire se met à table et nous offre ses cahiers et carnets, ses rencontres et inspirations, et nombre de menus confirmant sa réputation : cet homme est un virtuose.

VIVA VARDA (Editions de La Martinière)

Le hasard a voulu que je me retrouve nez à nez avec Agnès Varda. C’était à la gare de Nîmes, en 1985, et elle y tournait Sans toit ni loi avec Sandrine Bonnaire. Plasticienne, photographe et cinéaste, elle a parcouru près d’un siècle en artiste intégrale, y laissant une empreinte indélébile ; à l’arrivée, plus de quarante cours et longs-métrages naviguant entre fiction et documentaire. Personnellement, j’avoue ma préférence pour son Cléo de 5 à 7 (1962). « Minute joli papillon » Viva Varda accompagne la première rétrospective la concernant, organisée à la Cinémathèque française (jusqu’au 28 janvier 2024). Nombre de proches ont tenu à témoigner ici, dont naturellement ses enfants Rosalie Varda et Mathieu Demy. Agnès Varda était moderne et libérée, tout autant pour ses choix sentimentaux que professionnels. « Qu’est-ce qui vient en premier, le film ou la réalité ? interroge Shirley Clarke dans Lions Love (…and Lies).

LEE MILLER PHOTOGRAPHIES (Delpire & Co) par Antony PENROSE

La beauté légendaire de Lee Miller, américaine née au tout début du vingtième siècle, en fit d’abord un mannequin. Muse de Man Ray, l’élève égalera bientôt le maître. Photos de mode, portraits de ses amis au rang desquels Picasso, Eluard et Cocteau puis correspondante de guerre dès 1942. Son objectif se posera alors en 1945 à Buchenwald et Dachau. L’existence de cette personnalité légendaire a été brillamment retracée par la romancière Whitney Scharer en 2019 (L’âge de la lumière, Editions de l’Observatoire). Mais également interprétée par Kate Winslet en 2023, dans le film Lee réalisé par Ellen Kuras. Saluant « cette force vive », l’actrice oscarisée offre un avant-propos personnel dans ce nouvel hommage signé Antony Penrose, fils de la photographe. On y retrouve une sélection de ses clichés et s’ouvre sur un envoutant autoportrait réalisé en 1930. Du noir et blanc, exclusivement. « Lee Miller a payé un lourd tribut pour ce dont elle avait été témoin pendant la guerre. Son cerveau était devenu comme un obturateur d’appareil photo incapable de se refermer. » Bien vu Kate !

MARK ROTHKO (Citadelles & Mazenod)

« Je ne m’intéresse qu’à l’expression des émotions humaines fondamentales. » La Fondation Louis Vuitton présente, jusqu’au 2 avril 2024, une brillante rétrospective consacrée à Mark Rothko (1903-1970) ; quelque 115 œuvres provenant de grands musées internationaux et de collections privées dont beaucoup figurent dans cet imposant ouvrage. Des formes simples en apparence, des couleurs familières mais savamment élaborées composent cette œuvre singulière. Pourquoi de cette abstraction naît-elle une si bienfaisante sensation de chaleur ? De complicité même. Ce catalogue est à la hauteur de l’immense talent de Rothko. On y retrouvera de nombreuses contributions éclairant, chacune à leur manière, le parcours de l’artiste.

ICÔNES DU MOBILIER URBAIN (Editions de La Martinière) par Dominic BRADBURY

Le plus sûr moyen d’accéder à la beauté intérieure consiste certainement à s’intéresser au mobilier. L’époque allant du milieu des années 1940 au début des années 1970 est sans conteste l’une des plus prolifiques, novatrices et passionnantes, au dire de Dominic Bradbury. Du fauteuil à la chaise longue, en passant par le meuble de rangement et la table de chevet, cet ouvrage de référence richement illustré présente un vaste panorama du mobilier moderne de cette époque. A noter que, du fait de leur popularité durable, certaines pièces présentées dans ces pages sont toujours fabriquées de nos jours ou de nouveau commercialisées.

Récits de voyage

ALPINISTE DE MAO (Stock) par Cédric GRAS

Dans la Chine de Mao (les années 60) Cédric Gras retrace le destin de deux prolétaires qui ne connaissaient absolument rien à la montagne, utilisés pour escalader l’Everest à des fins de propagande. Un récit vivant de cette ascension, des propos très documentés au service d’une reconstruction historique qui nous plonge dans l’univers terrifiant de cette période. Ce livre nous fait partager cette aventure tout en nous plongeant dans les coulisses d’une implacable dictature.  « Si l’on qualifie souvent l’alpinisme de folie égotique, au mieux mystique, de quelques êtres en peine de sens, il est cette fois question de souveraineté. » 

LE CONTINENT BLANC (Robert Laffont) par Matthieu TORDEUR

Matthieu Tordeur réalise son rêve, atteindre le pôle Sud. Au cours d’une véritable épopée de 51 jours, en autonomie complète puisqu’il transporte à ski ses tentes, son matériel, ce qu’il faut pour d’éventuelles réparations, ses vêtements, ses médicaments, sa nourriture …dans un énorme traîneau attaché à ses hanches. Au cœur d’une nature particulièrement difficile, parfois hostile, mais aussi d’une beauté indescriptible. Nous partageons ses efforts, ses doutes, ses peurs mais aussi ses moments de joie intenses. Comme lui, nous sommes dérangés par deux rencontres improbables qui risquent de détruire l’équilibre fragile qu’il a pu atteindre. Mais quel bonheur d’arriver au pôle Sud, d’avoir réussi ce rêve et cet immense défi.

ECRIVAINS VOYAGEURS, CES VAGABONDS QUI DISENT LE MONDE (Arthaud) par Laurent MARECHAUX

On ne compte plus le nombre d’ouvrages retraçant le parcours de nos plus illustres écrivains voyageurs. Celui proposé par Laurent Maréchaux (également disponible en format poche) est doté d’une riche iconographie accompagnée de textes généreux rendant un hommage cultivé à tous ces êtres épris de liberté. « Écrire est mon boulot… Alors il faut que je bouge ! » proclamait Jack Kerouac. Il est ici accompagné par Nicolas Bouvier, Joseph Kessel, Robert Louis Stevenson et Bruce Chatwin notamment. Un seul regret ; sur les dix-neuf écrivains voyageurs retenus ne figure qu’une seule femme : Alexandra David-Néel. Si nous ne devions retenir qu’une devise de la lecture de cette sorte de dictionnaire amoureux, sans doute reviendrait-elle à Wilfred Thesiger : « Ce n’est pas le but qui importe, mais le chemin que l’on accomplit pour l’atteindre, et, plus le parcours est difficile, plus le voyage a de prix. »

ESSAIS

ELOGE DE LA PLAGE (Rivages) par Grégory LE FLOCH

Laisser la plage aux seuls romantiques ? Grégory Le Floch a d’autres ambitions. Cet espace, paradis estival et symbole des vacances par excellence, est également celui de l’imaginaire. Eloge érudit proposé par la bien nommée maison d’édition Rivages, ce journal intime déguisé tient lieu d’illustre carnet d’adresses.  On y croise ainsi Paul Morand qui se prétend précurseur balnéaire en littérature ; Eugène Boudin qui affirme qu’il sera toujours « le peintre des plages » ; Eric Rohmer menant Pauline à la plage, film où « on ne se baigne pas, on ne s’allonge pas sur sa serviette mais on se tient debout… » Etrange paradoxe car si on faisait salon sur les plages au 19ème siècle, spectacle vertical, on s’y allonge aujourd’hui, comme en chambre pour une contemplation horizontale. L’auteur catalogue ces paysages mouvants, désormais menacés par la crise climatique : la plage-mirage, les plages sentimentales, la plage aux fous… Et cette question : pourquoi choisir les plages de sable ? Grégory Le Floch leur préfère les éboulis et les pieds de falaise. Mais toutes ont pour point commun d’offrir une sorte d’horizon infini, la mer. Enfin, un excipit poétique : « Quand on quitte la plage, on ne se souvient de rien. Les souvenirs sont brouillés, les pensées confuses. Mais on sourit, car la vie tout à coup est devenue plus éclatante. ».

UNE BELLE GREVE DE FEMMES (Libertalia) par Anne CRIGNON

Les Penn sardin, ce sont les sardinières de Douarnenez qui, à l’hiver 1924, déclenchèrent une « grève de la misère » historique soutenue par les marins-pêcheurs (souvent leurs maris à l’état-civil). Six semaines de lutte avec au bout la victoire, inespérée face à la violence de la réaction patronale. Comme en écho au mouvement des gilets jaunes qu’elle a suivi pour le compte de l’hebdomadaire L’Obs, Anne Crignon nous restitue cette révolte populaire qui ébranlera jusqu’à la 3ème République alors dirigée par Gaston Doumergue. Mais plus que le récit du combat du petit peuple breton pour le respect de ses droits et la fin du mépris de classe, l’autrice se livre à une belle série de portraits, généreux et documentés : Lucie Colliard, pacifiste et féministe qui « expliquera qu’il faut demander d’être payé comme les hommes » ; Daniel Le Flanchec, le maire communiste de ce petit port breton qui finira ses jours au camp de Buchenwald ; Charles Tillon, fondateur en 1942 des Francs-tireurs et partisans (FTP), venu aider les grévistes dans ses jeunes années. Et bien sûr ces femmes, dignes et rebelles, Joséphine Pencalet, Joséphine Deudé, et toutes ces anonymes qui irradient de leur courage cet ouvrage nécessaire. Bretonne d’origine, la journaliste Anne Crignon s’inscrit dans leur prestigieuse lignée.

LA TYRANNIE DU DIVERTISSEMENT (Buchet-Chastel) par Olivier BARBEAU

L’auteur part d’un constat : « Jamais, depuis le début de la civilisation, l’être humain n’a eu autant de temps libre. Que faisons-nous de cet océan de liberté ? Il est essentiellement perdu en divertissement. » Le mauvais usage du temps libre amplifierait les inégalités entre ceux qui en tirent profit et ceux qui n’en tirent rien. Le sacerdoce d’Olivier Barbeau est de réfléchir à la place de l’être humain dans le monde technologique qu’est devenu le nôtre. En cela, il rejoint Bruno Patino (Submersion aux éditions Grasset, paru en octobre 2023). La Tyrannie du divertissement décrit combien nous sommes passés du loisir qui nous enrichit (culture, sociabilisation…) au loisir qui nous appauvrit et nous isole. Avec également, au passage, quelques belles pages sur le tourisme de masse, « antithèse de la démocratisation culturelle. »

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Vincent Garnier est actuellement Directeur général de Clermont Auvergne Tourisme après une expérience de près de trente ans dans le domaine du tourisme institutionnel. Passionné de littérature et de voyage, il est notamment le fondateur des « Cafés littéraires de Montélimar » ; il a également assuré pendant de nombreuses années l’animation de rencontres littéraires : Les Correspondances de Manosque, le Festival de la biographie de Nîmes…
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