Aujourd’hui je vais vous parler de manifeste, cet écrit public traditionnellement utilisé par un parti, un gouvernement pour exposer ses positions sur un problème politique. L’outil est maintenant largement utilisé par la société civile pour exprimer des visions, alerter ou attirer l’attention sur un sujet spécifique.
Le terme peut sans doute vous rappeler l’actualité politique liée à la réforme des retraites et à la définition de la valeur donnée au temps-libre. Ce ne sera pas l’objet de cet article qui nous emmène plutôt du côté de Copenhague.
PLANET COPENHAGEN
Fin septembre, les acteurs du tourisme de la région de la capitale danoise se réunissaient autour de Wonderful Copenhagen, l’organisme de gestion de la destination, pour annoncer le lancement de leur manifeste commun : « Planet Copenhagen ». Le document est le résultat d’un travail de concertation et de workshops facilité par l’office de tourisme. Il décrit comment ses auteurs, les socio-professionnels du territoire, souhaitent agir pour que leur ville devienne « la destination la plus durable au monde pour ses habitants et ses visiteurs ».
On peut se questionner sur les raisons qui poussent de nombreuses destinations à se fixer des objectifs de « première destination au monde ». Ce qui est intéressant dans ce cas, c’est surtout la vision et les valeurs mises en avant dans le manifeste. L’idée est de rassembler autour d’un positionnement commun sur ce que signifierait le tourisme pour les visiteurs de Copenhague et ses habitants. Le manifeste déclare :
« À travers le tourisme, Copenhague peut et doit inspirer à l’action pour un monde plus durable. Nous devons développer une destination que les voyageurs d’affaires et de loisirs du monde entier vivent comme quelque chose de très spécial ; une destination où l’on serait inspiré à faire des choix plus responsables avant, pendant et après son séjour. Une destination unie dans sa prise de position pour une plus grande responsabilité envers notre planète. C’est pourquoi notre manifeste commun s’appelle « Planet Copenhagen ».
L’ambition du programme est claire : Un séjour à Copenhague devra inspirer de nouvelles et meilleures pratiques touristiques dans le monde.
5 AMBITIONS PARTAGÉES
Mais alors comment parvenir à un tel but ? Selon les auteurs, il faudra travailler simultanément sur 5 ambitions, représentant les fondements du manifeste et destinées à être portées par l’ensemble des acteurs de la filière. J’ai tenté de synthétiser chaque point en une phrase courte, mais je vous conseille de vous référer au texte en anglais ci-dessous pour davantage d’acuité.
1- Créer la destination la plus durable au monde- pour la ville de Copenhague-elle-même et pour inspirer le reste du monde.
2- Créer une destination perçue comme la première destination de voyage respectueuse de l’environnement aux yeux des visiteurs internationaux.
3- Être une destination avec un fort soutien local ; en développant un tourisme en équilibre avec les besoins des citoyens
4- Faire en sorte que le tourisme contribue encore plus à la stimulation de l’économie locale
5- Assumer une co-responsabilité à ce que Copenhague et le Danemark puissent atteindre leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2 et d’autres émissions nocives.
Pour atteindre chaque ambition, un catalogue d’exemple de mesures a été élaboré passant par la certification, la mobilité, l’observation, la communication ou encore l’accompagnement dans la création d’expériences touristiques. Ce plan d’action permet de comprendre un peu mieux comment les socio-professionnels impliqués dans la réalisation du manifeste définissent certains points pouvant être sujets à des interprétations diverses ; comme le fait « d’être la destination la plus durable au monde ». Dans ce cas précis, il semblerait que l’objectif à atteindre d’ici 2030 soit un classement en première position du Global Destination Sustainability Index.
Les acteurs signataires de Planet Copenhagen (à ce jour 55) s’engagent à porter la vision et les valeurs partagées dans le document et à élaborer des plans d’action individuels facilitant la réalisation des 5 ambitions communes. Une fois élaborés (courant 2023) ; ces documents seront publiés sur une plateforme dédiée.
MAIS POURQUOI UN MANIFESTE ?
L’objectif d’être « première destination durable au monde » n’est pas nouveau pour Copenhague. La destination travaille depuis longtemps à la transformation de son tourisme. Elle avait déjà marqué les esprits quand elle présentait en 2017 sa stratégie « The end of Tourism » – affichant clairement la centralité des relations entre habitants et visiteurs dans le développement du territoire. Puis est venue « Tourism for good » qui pose des objectifs très clairs à atteindre d’ici 2030 pour un tourisme à impact positif dans la région- avec les indicateurs qui vont avec.
Classée en 3ème position au GDS index derrière ses homologues scandinaves Göteborg et Bergen– l’OGD est active dans l’accompagnement à la certification et porte de nombreux projets en lien avec les stratégies décrites ci-dessus, à l’instar de la plateforme d’observation et d’analyse 10X Copenhagen que je vous conseille de tester.
Alors que la destination semble vraiment outillée et expérimentée pour faciliter la transformation du tourisme ; on peut se demander quelle est vraiment l’utilité de ce manifeste à part bien sûr d’attirer les projecteurs sur l’initiative.
Selon Wonderful Copenhagen, si les acteurs du territoire sont individuellement engagés dans des démarches de transformation, notamment à travers la certification, il semblerait important pour le devenir de la destination et de ses habitants de se rassembler autour de valeurs empiriques. L’outil viendrait donc mettre un coup d’accélérateur aux nombreuses mesures lancées depuis quelques années.
À la question « pourquoi avoir choisi spécifiquement cet outil ? », Catharina Cecilie Aas, responsable du développement durable me répond : Nous avons commencé par une cartographie des options existantes, dont les serments font aussi partie. Nous avons finalement décidé de rédiger un manifeste, car c’est un outil qui a le pouvoir de rassembler les acteurs du secteur autour d’une ambition commune et en même temps de créer un mouvement d’action.
Déclarations, chartes, serments, tribunes…quel outil choisir pour fédérer ou inspirer ? Le manifeste a selon moi le pouvoir de mobiliser autour d’une cause commune, de souligner le sens et les valeurs que les acteurs d’un territoire souhaitent donner à leur tourisme. Il peut être un outil puissant pour une destination à condition que la démarche initiée soit sincère et nécessaire et que les valeurs portées illustrent un vrai projet sociétal commun.