Un grand merci à Pierre Croizet d’avoir osé le premier article sur les SIT, qui a démontré l’acuité et la sensibilité du sujet…
J’ai été stupéfait de constater qu’on avait encore du mal aujourd’hui à faire le simple recensement des solutions mises en oeuvre dans les régions et départements… Cela dit, et sans que cela puisse nous “consoler”, nos voisins ne sont pas forcément mieux armés. En Allemagne, le Land de Bade-Würtenberg par exemple, n’a pas mis en place de SIT global et exhaustif…
Dans l’article de Pierre, on a bien vu, le besoin d’expression de tous les acteurs :
- les gestionnaires et animateurs de SIT et leurs problématiques d’organisation et de quête de sens (Qui suis-je ? Quelle est ma légitimité ? Quels services rendre et à qui ?)
- les « saisisseurs – utilisateurs » tels que les offices de tourisme et leurs récriminations quant aux obligations et contraintes posées par l’échelon d’administration du SIT (eh oui ma destination n’est pas le centre du monde, et oui se fédérer impose certains « abandons » de souveraineté…)
- les « clients professionnels » des SIT que sont les prestataires par exemple et leurs soucis pour exploiter des données mal ficelées et difficilement agrégeables (soit dit en passant cette complexité leur a apporté un chiffre d’affaires non négligeable depuis 10 ans avec un “marché de la moulinette” en plein boum !…)
On a peu entendu, et pour cause, les touristes, même si chacun des acteurs croit pouvoir en être le porte parole légitime… J’y reviendrai en fin de billet.
Personnellement et comme l’a rappelé Claude Bannwarth dans son long commentaire, je fais partie de ces gestionnaires de SIT tellement vieux qu’ils ont connu les débats houleux et passionnés autour de la naissance de TourinFrance en 1998 😉 … et qu’ils pourraient vous en parler des heures…
Au vu des commentaires nombreux (36) il me semble toutefois qu’on n’avancera pas dans le débat si on ne distingue pas le fond de la forme. Et si on peut tous s’entendre pour dire que la technique et l’organisation doivent servir l’objectif politique et non l’inverse, vous comprendrez qu’il paraît d’abord nécessaire de s’intéresser à la nature et au sens du projet que le SIT doit servir.
En France, la compétence tourisme est allègrement et joyeusement partagée par tous les échelons territoriaux : État, Régions, Départements et communes (ou leurs regroupements)… c’est comme ça, c’est la loi. Et pour exercer quelque mission que ce soit dans ce domaine, chaque collectivité doit nécessairement disposer d’une matière première : l’information touristique. Ce recensement de l’info était fait sur papier, l’informatique a permis d’organiser et de structurer ces informations pour en démultiplier les usages : renseignement, éditions papiers, Internet, réseaux sociaux, observation, etc.
Et comment fait-on pour obtenir les informations ? Pardi, on demande à tous les acteurs de terrain de donner les informations pour les traiter et les rendre cohérentes entre elles. Google ne fait rien d’autre en demandant à chaque opérateur de renseigner sa fiche dans Google Adresses ! Mais Google ne fait qu’ensiler de l’info sans s’assurer de son exhaustivité et sans mise en cohérence.
Ce contenu “utilisateurs” peut-il suffire à rendre compte d’une destination ? À l’évidence non, car l’attractivité touristique se construit autour de bien d’autres éléments : manifestations, sites naturels, curiosités, spécifités culturelles locales, etc.
De plus, on imagine aisément que les opérateurs privés s’intéressent davantage, voire exclusivement aux destinations à fort potentiel et délaissent les territoire moins attractifs.
L’organisme local de tourisme (OT, CDT ou CRT), lui a en charge de mettre en oeuvre une volonté politique pour un territoire et doit nécessairement mettre en place un SIT qualifié pour rationnaliser ses missions. Et c’est là toute sa légitimité.
Mais est-il nécessaire que chaque échelon dispose de son propre SIT bien à lui et bien étanche à tout échange ?… Bien sûr que non, et vous m’autoriserez d’affirmer, avec le léger sourire de celui qui en a vu passer des vertes et des pas mûres, qu’un peu d’intelligence collective ne peut pas nuire…
À l’évidence, l’office de tourisme se situe au plus près du terrain. La parfaite connaisance de l’offre touristique de son secteur est dans ses gènes ! À l’évidence il doit être le fournisseur principal (et officiel) du SIT de la destination. Dans les territoires où cela ne se passe pas comme ça (il doit bien y en avoir quelques uns, non ?…), on pourrait d’ailleurs interpeller les CDT ou CRT quant à savoir quelle est l’utilité de leur travail de promotion et de communication pour faire venir des touristes s’ils sont persuadés que les offices de tourisme ne seront même pas en capacité de les accueillir et de les renseigner…
À l’échelon de la destination d’utiliser efficacement l’information pour la présentation et la promotion du territoire. Cela passe par un travail de sélection et de hiérarchisation… car comme aime à le rappeler Philippe Fabry, quel est l’intérêt du petit lavoir perdu dans la campagne pour vendre son territoire ?…
Mais si la légitimité du SIT apparaît clairement, est-il pour autant utile pour les touristes ?
Aïe, voilà la vraie question qui fait mal… Et en effet on peut distinguer au moins 2 défauts pour nos SIT :
- Le SIT dit la vérité et ne décrit pas assez la réalité ! (voir ce vieil article)
Alors qu’Internet, grâce aux réseaux sociaux, marque le triomphe de l’opinion sur la raison, les SIT peinent à intégrer les contenus « subjectifs » (avis des consommateurs, photos des internautes, retours d’expériences, etc.). Ils sont encore plus pensés comme des annuaires que comme des guides… - Le SIT a des frontières infranchissables
Dans mon dernier article « Le nouveau site de la Charente : thèse et antithèse… » je constatais que l’utilisation du SIT était bien faite mais ne répondait pas à la préoccupation des visiteurs lointains pour qui les frontières d’un département n’existent pas…
Les voies d’amélioration sont connues : intégrer les avis de consommateurs et les liens de réservation (même s’il faut pour ça reconsidérer la notion de service public d’information…), et décloisonner les SIT en les interfaçant intelligemment (vaste programme s’il en est !).
Pour ces 2 points, le débat est à mon sens moins technique que politique ! « Là où il y a une volonté, il y a un chemin… » comme disait l’autre, un certain Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine…
*Système d’Information Touristique : le truc génial mais vachement compliqué qui marche moyennement, surtout pour renseigner les touristes 😉