Prêchi-prêcha estival

Publié le 26 juillet 2023
4 min

C’est l’été, il fait (très très) chaud, il fait (très) beau, les gens sont un peu (très) énervés/stressés, et le surtourisme semble un peu (très) surestimé.

Le tube de l’été

Cela fait déjà plusieurs années que les quelques exceptions en Europe toujours citées (Amsterdam, Barcelone, Venise, Dubrovnik) et quelques destinations en France (les Calanques, le Mont Saint-Michel, deux-trois îles et spots bien connus pour leur forte fréquentation) constituent ce qu’on appelle un marronnier pour les différentes presses, qu’elles soient généralistes ou spécialisées.

L’ami Paul Arseneault avait largement devisé sur la question (et avec un grand sourire !) comme en témoigne son 15mn chrono à Pau de 2019 ci-dessous, avec quelques conclusions bonnes à garder en mémoire : 

  • on est sûrement le seul secteur à se plaindre d’avoir trop bien réussi sa promotion… et peut-être faut-il un tout petit peu anticiper, assumer le “M” de Management dans l’acronyme DMO (Destination Management Organisation)
  • le surtourisme est avant tout une « invention/surinterprétation journalistique » comme le montre Paul à travers l’analyse de Google trends, alors que les sites surfréquentés en haute saison, ce n’est pas nouveau-nouveau hein…

Mais allez savoir pourquoi, un peu plus de presse que d’habitude, quelques élus des Grands Sites de France qui sont montés au créneau, le “surtourisme” vient de s’imposer comme l’alpha et l’omega de la politique touristique nationale, tout du moins dans sa communication politique. Les objectifs quantitatifs comme les 100 millions de touristes étrangers, ça ne passe plus, faut trouver du quali !

Il paraît que 80% de touristes “s’entassent” sur 20% du territoire, ce qui serait invivable… La Pareto-compatibilité permet de démontrer tout et son contraire, mais sachant que d’après l’INSEE, 93% des français vivent dans l’une des 682 aires urbaines métropolitaines, 60% vivant dans les grands Pôles urbains représentant seulement 8% de la surface du territoire national, l’aire urbaine de Paris concentrant à elle seule un cinquième de la population française, ce ne devrait pas être si terrible que cela au final !

Les influenceurs sont parfois montrés comme étant une des causes, avec ici un champ de coquelicot ou de lavande dévasté, là un chemin d’accès à une cascade transformé en parking et déchetterie sauvage, quelques épiphénomènes encore une fois montés en épingle qui donnent lieu à de belles campagnes dont on parle dans la presse comme en Nouvelle-Zélande, à Jackson Hole en moins fun, mais qui au-delà de bien nous faire rire et de remporter quelques prix et trophées de la comm’  n’apportent pas grand chose.

Ils sont désormais aussi la solution, et après avoir été missionnés par Atout France post covid à travers notamment l’opération désormais annuelle de promotion Explore France, les voici à nouveau sur le devant de la scène avec a priori un budget de 1,5 million d’euros pour donner envie à leurs communautés d’aller découvrir des endroits méconnus, comme par exemple ce joli champ de lavande dans … ah ben non ! Ah ben si ?

Bon, en gros, sur le surtourisme, tu peux t’amuser à te créer une alerte sur tout ce qui sort dans la presse cette été, ou tu peux suivre les prises de parole acérées de Jean Pinard, inénarrable sur le sujet, sur LinkedIn comme sur Facebook ; privilégie pendant ses congés estivaux, il publie (beaucoup) moins que d’habitude, tu pourras peut-être suivre le rythme !

Redevenir le tiers de confiance ?

Pendant des années, on s’est glorifié d’être le tiers de confiance, l’institutionnel dont la parole ne pouvait être mis en cause, l’acteur qui instaurait un lien de confiance avec les visiteurs, voyageurs, habitants.

Tout cela serait-il fini ? BFM TV nous dit qu’il n’y a plus d’eau dans les Gorges de l’Ardèche, et pan, les gens annulent leur venue !? Cnews annoncent la canicule dans le Sud-Est pour la prochaine quinzaine et hop, basculement vers la Bretagne, la Normanise et le Nord ?! Le Midi Libre et La Dépêche du Midi font leur une sur une prétendue invasion de moustique en Camargue, et voilà que l’on déserte les plages et marchés de l’Espiguette à la Grande Motte ?! Et tout cela sans même solliciter l’Office de Tourisme pour savoir réellement ce qu’il en est…

Evidemment, je force un peu le trait, mais il semblerait qu’à multiplier les canaux de communication, à se jeter à corps perdu dans une production de contenus de plus en plus difficile à assumer, on en ait perdu de vue la mission essentielle d’information et de communication, cette confiance, au bénéfice d’une presse sensationnaliste.

Retravailler les relations presse ?

Peut-être au final est-ce un volet que l’on a trop négligé ces dernières années. Un compte twitter pour balancer quelques infos, un email avec le dossier de presse annuel, quelques communiqués sur deux-trois bricoles dans l’année et basta.

On a cru qu’en multipliant les canaux, en prenant la parole directement un peu partout, on pouvait se passer de la presse, hormis pour avoir son petit reportage dans le 13h ou le 20h d’une chaîne nationale.

À trop négliger les journalistes, à vouloir à tout prix créer le buzz avec une campagne de comm’, une opé sur les réseaux sociaux, du street marketing, on a probablement favorisé ce sensationnalisme aux dépens de l’information.

En conclusion, si l’on veut arrêter de subir le tourisme bashing, il faut peut-être reprendre la main, arrêter de véhiculer nous-mêmes des messages négatifs sur notre secteur (le tourisme est en crise, ne paie pas assez, c’est dur, on bosse les week-ends on n’arrive pas à recruter, trop d’inflation, l’énergie coûte cher, il fait trop chaud…). J’ai parfois l’impression, toutes proportions gardées, qu’on est dans la même situation que les acteurs des cités et des banlieues quant au traitement médiatique, avide de catastrophisme, quand ceux-ci souhaiteraient qu’on évoque un peu plus ce qui va bien au lieu de se concentrer toujours sur le négatif. à nous de mieux communiquer, mieux informer.

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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