Quand le numérique parle au politique…

Publié le 5 octobre 2015
6 min

1/Google a un message important pour le monde…et pour le tourisme

C’est tout récent, à travers son blog officiel, Google a tranquillement annoncé son entrée dans le monde concurrentiel de la vente en ligne d’hôtels. Cela fait un moment que l’on glose sur Google et le tourisme (on parlait déjà en 2011 d’un très moche Troogle, contraction de Travel et Google), mais on l’écartait volontiers arguant du fait que ses potentiels concurrents constituaient ses meilleurs clients en adwords. Et même si ses moteurs adhoc avait fait un peu de mal (voir ce lien au sujet des difficultés d’Odigeo face Google Flight Search, les plaintes au Department of Justice américain d’un groupement de concurrents au sujet de Google Hotel Finder), de par leur positionnement préférentiel et attirant entre liens commerciaux et le référencement naturel, on en restait à une position d’intermédiaire.

Mais là, Google annonce tout simplement qu’il laisse tomber Hotel Finder pour s’immiscer dans le commissionnement (dont on ne connaît pas encore le montant), en concurrence frontale avec Priceline (Booking) et Expedia. Une annonce qui a déjà près de deux semaines et qui fait pourtant couler peu d’encre.

Moins que la naissance d’Alphabet, qui vient coiffer les différents département du géant de Mountain View, et son changement de logo ! Cette stratégie vise là encore à éviter un possible démantèlement qui pourrait être orchetré par le DoJ américain, sans compter les actions menées par l’Union Européenne qui voit rouge. On se souviendra néanmoins que lorsque le milieu de l’édition et la presse françaises avaient réussi à mobiliser les élus alors que Google scannait l’ensemble des ouvrages disponibles, ce dernier avait bien vite calmé le jeu en leur octroyant l’aumône via un fonds de quelques cent millions de dollars, qui n’auront pas résolu grand chose aux difficultés du secteur…

Difficile aujourd’hui, même pour les gouvernements de s’opposer à la puissance de Google. On se souvient d’ailleurs qu’Eric Schmidt, placé à la tête du groupe à l’époque par les co-fondateurs Larry Page et Sergei Brin, avait participé à la réussite numérique de la première campagne d’Obama.

2/Airbnb en loucedé vs Uber le filou

Là aussi, on en a beaucoup parlé : Airbnb ou encore Uber, plébiscité par les utilisateurs, se sont heurtés à une vive tension de la part des business installés, hôtellerie d’un côté, taxi de l’autre. Les stratégies ont toutefois été bien différentes. Uber, sollicitant le soutien de sa communauté d’utilisateurs via hashtags et autre, a essayé de passer en force. Mais quand les taxis s’énervent, ça se voit, c’est brutal, ça emmerde tout le monde et la puissance politique de son lobby a contraint l’opérateur de VTC a cessé (temporairement ?) en France l’activité d’UberPop.

Bénéficiant probablement d’un lobby moins important, moins visible, moins contraignant également, l’hôtellerie n’a pas pu sensibiliser autant les élus. Peut-être aussi qu’à force de demander de légiférer sur Booking, sur Airbnb et tout ce qui empêche le business de tourner rond, les élus n’ont pas pu agir sur tous les volets… Et Airbnb s’y est pris bien plus finement qu’Uber, grâce à la promesse puissante de la collecte de la taxe de séjour. La perspective de faire entrer dans les caisses des collectivités et de l’État de nouvelles ressources l’a probablement emporté sur les questions de normes et de concurrence déloyale. Ici, c’est le lobby d’Airbnb qui a clairement pris le dessus, comme le démontrait l’annonce de Laurent Fabius sur cette prochaine mise en oeuvre de la collecte.

3/Nos députés et les entreprises françaises du numérique

Dans la suite du billet de François de vendredi sur le projet de loi sur la République Numérique, il m’apparaissait intéressant de revenir sur cette rencontres du quatrième type qui a eu lieu mercredi dernier entre les élus de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée Nationale et les Directeurs Généraux et/ou fondateurs de BlaBlaCar, Leetchi, Sigfox, Withings et Deezer.

Nos cinq « créateurs de valeur » reviennent peu ou prou tous sur les mêmes points :

  • une législation bien trop complexe en France, avec un appel à au moins une harmonisation européenne, voire au-delà pour des business qui sont forcément mondiaux ; le code du travail a notamment été battu en brèche, sans que l’on puisse taxer ces cinq acteurs d’ultra-libéralisme : beaucoup plus d’avantages et de facilités à recruter et « gérer » l’emploi à l’étranger, et notamment à Londres ;
  • une reconnaissance unanime des efforts opérés sur l’investissement, notamment avec la BPI, mais qui restent bien trop faibles et insuffisamment encouragés par la législation par rapport à d’autres pays, et notamment les États-Unis bien entendu ;
  • l’entreprise numérique forme des jeunes à de nouveaux métiers, une moyenne d’âge de moins de trente ans, une répartition du capital plus juste et des écarts de salaire bien moins importants que dans l’industrie classique ;
  • l’administration est bien trop éloignée d’un début de commencement de disruption numérique, avec des fonctionnaires et des élus qui aujourd’hui peinent à prendre conscience des bouleversements inéluctables qu’occasionne la transformation numérique de notre société et de nos industries, constituent trop souvent des barrières au développement de ces entreprises ; Céline Lazorthes, la présidente et fondatrice de Leetchi, va jusqu’à dire que les changements de législation au gré des alternances politiques nuisent au développement des entreprises, et, je cite : « Si vous pouviez ne plus rien faire, à la limite ce serait mieux ! ».

Bien que largement remerciés de leur présence par l’ensemble des représentants du peuple, on peut s’étonner de l’appel par la présidente de session, après le troisième intervenant, à commencer par présenter leur activité… Voulez-vous dire que vous n’avez pas pris connaissance du petit dossier qui avait été forcément concocté pour accueillir ces cinq leaders de l’économie numérique nationale ?

Aux demandes d’harmonisation européenne répétés des entrepreneurs, nos élus répondent bien souvent qu’ils sont en charge de la loi nationale, pas de celle de l’Europe…Mouais…

Bon, trêve de plaisanterie, près de deux heures d’échanges plutôt intenses et intéressants à suivre :

Une conclusion à ce billet ? Le numérique ne peut s’envisager que de façon globale et mondiale ; difficile dans ce cadre de s’accommoder de législations nationales. Les entreprises numériques les plus importantes sont-elles à-mêmes d’être dans un état de putsch permanent vis-à-vis des différents gouvernements et instances internationales ? Leur pouvoir est en tout cas clairement de plus en plus important, et il semble bien que nos élus peinent encore à mesurer à quel point certains d’entre eux, et notamment Google pour ne pas le citer, commence à maîtriser des sujets et enjeux dont nos représentants ne se sont encore guère saisis (robotique, immortalité, neutralité du net, … et les enjeux sociétaux auxquels on devrait d’ores et déjà réfléchir).

Il y a encore du boulot, et ceux d’entre vous qui oeuvrent au quotidien chez un gestionnaire de destination touristique sont bien placés pour le savoir, même si bien sûr, on évitera de généraliser. On reviendra d’ailleurs sur ce sujet en compagnie des élus représentant les partenaires financiers des #ET11, ainsi qu’avec Pascale Luciani-Boyer, élue, entrepreneure, membre du Conseil National du Numérique et auteure de l’ouvrage l’élu(e) face au numérique lors d’un 15mn chrono..

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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