Cet article a été publié initialement en octobre 2019;
La mission du community manager de destination est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Tel un funambule, il oscille entre un besoin de plaire aux algorithmes, une volonté d’intéresser les communautés et la nécessité de répondre aux problématiques de sa destination touristique. Sans parler des KPIs quantitatifs qui envoûtent son boss et ses élus ! Nous voici arrivés à un tournant du social media où les conversations reprennent une place centrale. Pour le community manager cela demande du temps, beaucoup de temps. Sans forcément offrir en retour des chiffres mirobolants, mais plutôt un lien fort et durable avec les communautés : autrement dit les ambassadeurs et les clientèles.
L’évolution de l’écosystème Facebook
Lorsqu’on s’intéresse au social media, on ne peut s’empêcher de regarder de près ce qui se passe du côté de Facebook. Devenu un mastodonte en matière d’audience (2,7 milliards d’utilisateurs à travers le monde), l’écosystème Facebook regroupe aussi les réseaux sociaux les plus utilisés dans le tourisme : Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp. Au printemps dernier, je proposais dans cet article un récapitulatif des principales annonces de Mark Zuckerberg. Sans rentrer dans les détails, on peut résumer ces annonces à un retour en force des échanges privés. Cela passe par le développement de Messenger et de WhatsApp mais aussi par une explosion de la visibilité des groupes au sein de Facebook. Au détriment des pages ? Telle est la question.
Dans les usages, cela se caractérise par un fort développement des conversations privées (messageries instantanées) ou fermées (groupes Facebook) et un effritement des prises de paroles publiques qui ont fait l’âge d’or des réseaux sociaux. Facebook veut remettre du sens et de l’utile dans ses outils à travers une revalorisation des conversations. Dès 2018, le réseau faisait des annonces en ce sens et expliquait vouloir donner plus de valeur aux interactions significatives. Ces annonces techniques qui impactent les algorithmes, couplées à une évolution des usages qui impactent les communautés, sont des signaux majeurs à prendre en compte dans les stratégies. C’est un fait : les conversations font leur grand retour.
Uniformisation des contenus et désintérêt pour le storytelling
En septembre dernier, nous avons sondé les community managers des destinations touristiques françaises afin de connaître quels étaient les éléments importants à prendre en compte d’après eux pour obtenir la meilleure visibilité possible. Sur Facebook, la qualité du contenu est l’élément principal retenu par les CM alors que le storytelling n’arrive qu’en 16ème position. Du côté d’Instagram, c’est encore la qualité du visuel qui l’emporte et le storytelling sauve de peu une place dans le top 10. Ouf ! Mais alors qu’on ne cesse de reprocher à ce réseau son manque de sens, reléguer le storytelling aux oubliettes n’apparaît pas judicieux. Les histoires des territoires sont les arguments différenciants des destinations. Et à trop vouloir plaire à des algorithmes, on prend le risque de privilégier la forme au fond, et de finalement passer inaperçu avec des contenus complètement uniformisés.
Si les discussions sur les publications sont considérées comme importantes sur Facebook (4ème position) et relativement importantes sur Instagram (6ème position), la modération n’arrive quant à elle qu’en 12ème position sur Facebook et 15ème position sur Instagram dans l’importance que lui accordent les community managers pour la visibilité de leur publication. Techniquement, ne pas prioriser la modération semble être une erreur puisque cette dernière impacte directement le volume d’interactions et donc la visibilité d’une publication. Et c’est d’autant moins stratégique à un moment où les conversations reprennent une place centrale sur les réseaux sociaux.
Ré-intéressons-nous aux communautés
Dans un contexte de saturation publicitaire et de défiance de l’information officielle, nous avons tout intérêt à chercher plus d’efficience dans nos prises de parole social media. Cela passe par de l’ultra-personnalisation des messages, probablement par une approche plus affinitaire et parfois même de niche. Une meilleure écoute de nos clientèles s’impose et c’est là que les communautés sur les réseaux sociaux ont un rôle clé à jouer. Se pose à présent la question des groupes Facebook. Quel rôle doivent y jouer les organismes de gestion de destination ? Être créateurs de groupe, modérateurs ? Faut-il intervenir en tant que page dans un groupe existant ? Y voir de simples espaces de publication pour son propre contenu est une erreur. Posons-nous plutôt la question de la valeur ajoutée que nous pourrions avoir pour ces communautés qui se composent, rappelons-le, d’ambassadeurs et de clientèles des destinations. Le premier boulot, s’il n’a pas encore été fait, consiste à cartographier les communautés existantes. Dans un second temps, il faudra alors se demander quelle est la place que ces communautés occupent dans l’écosystème digital de la destination.
Mieux considérer le conversationnel et la mission de modération du community manager
Ce sujet, nous avons eu l’occasion d’en débattre pendant les #ET15. J’avais cette année le plaisir de participer à une battle sur l’écosystème Facebook (replay disponible ici) animée par Cédric Chabry et en compagnie de mon confrère Nicolas De Dianous. Je pense que nous nous sommes tous accordés sur le fait qu’il est à présent essentiel de prévoir plus de temps de travail au community manager pour lui permettre de redonner au conversationnel toute la place qu’il mérite. Je rejoins complètement la réflexion de Mathieu Bruc qui a relevé à la fin de cette séquence le besoin de faire passer le message auprès des décideurs. Si cet article peut participer à la diffusion de cette idée, tant mieux !
Ce sujet ainsi que les résultats de l’enquête auprès des CM de destinations touristiques sont à retrouver dans hors-saison.