C’est mon baptême du feu en tant que rédacteur invité du blog etourisme.info et j’en suis tout simplement ravi 😃
Pour ce 1er article, Jean-Luc m’a demandé de vous apporter un état des lieux du marché spécifique de la chambre d’hôtes en vous transmettant sans langue de bois et tabou ma vision de spécialiste de ce type d’hébergement marchand… Et vous le savez, il y en a des choses à dire sur secteur qui fait aujourd’hui face à de nombreux challenges mais dont le modèle reste pertinent pour promouvoir une destination.
Un marché mature de plus en plus élitiste…
Depuis l’émergence finalement récente de ce type d’hébergement touristique au milieu du XXème siècle en France afin de dynamiser nos campagnes, la chambre d’hôtes a connu de profondes évolutions.
Un regard sur les chiffres clefs :
- 25 300 établissements en France mais attention, cela ne concerne que les hébergements labellisés soit Gites de France, Clévacances, Accueil Paysan ou encore Fleurs de Soleil ;
- Sans doute plus du double en réalité soit plus de 50 000 maisons sachant qu’au moins la moitié d’après notre expérience refuse l’appartenance à un label ;
- 2ème catégorie d’hébergement tout de même (derrière les locations touristiques qui sont loin devant en meublés ou non classés de type Airbnb…) ;
- Seulement 0,9 % des lits touristiques soit l’avant dernière catégorie juste devant les auberges de jeunesse ;
- Il y aurait d’après les légendes urbaines +/- 500 créations ou reprises par an mais là encore rien de très officiel…
Résultats des courses : 2ème catégorie en nombre d’établissement et avant dernière en nombre de lits !
Aujourd’hui, il n’y pas une destination mise à part le village Rochefourchat dans la Drôme (le plus petit village de France où nous sommes toujours à la recherche de son unique habitant 😂) qui peut infirmer ne pas avoir de chambres d’hôtes sur son territoire. Je ne parle pas à ce stade nécessairement des chambres d’hôtes que nous aimerions mais bel et bien des chambres d’hôtes toutes confondues…
Est-ce que quantité rime nécessairement avec qualité ?
C’est un autre sujet… On met le doigt sur un point qui pourrait faire l’objet d’un prochain article car c’est ce qui fait tout le charme et en même temps toute la difficulté de cette activité. Comment « contrôler » une prestation auprès d’exploitants dont le projet est par définition si personnel. Difficile…
En 2019, nous avons donc un panel très large d’établissements :
- Des chambres d’hôtes allant d’1 seule et unique chambre à des établissements de 5 chambres correspondants alors au maximum légal
- De 20 € /nuit à 400 € la nuit voire même davantage
- A la campagne, sur le littoral, à la montagne ou encore en ville
- Du château, à la ferme, à l’appartement, au lotissement ou à la maison d’architecte sans oublier l’insolite avec cabanes, bateaux, tipis, roulottes, bulles, etc, etc
Bref, il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses mais néanmoins, une tendance profonde se dégage depuis plusieurs années : la montée en gamme. Nous assistons à une véritable « course à l’échalote » (excusez-moi cette expression d’une autre époque 😅) du toujours plus beau, plus grand avec toujours plus de services.
Ce phénomène a eu un ensemble d’effet collatéraux :
- Hausse des prix pratiqués : Oublions la chambre d’hôtes de « papi-mamie » ! Pour vous donner un chiffre même si là encore, il est discutable, une chambre d’hôtes pouvait être facturée en moyenne 65,2 € la nuit pour 2 personnes incluant le petit-déjeuner en 2009 et aujourd’hui nous parlons davantage d’un tarif moyen situé aux alentours des 90 voire même 95 € la nuit pour 2 ;
- Hausse du niveau des investissements : Il est rare aujourd’hui d’ouvrir une chambre d’hôtes avec un investissement inférieur à 500 000 € et nous accompagnons des porteurs de projet qui dépassent bien souvent le million d’euros !
- Hausse des exigences de la clientèle : La clientèle est de moins en moins dans l’esprit de la chambre d’hôtes d’antan et y attend des services de plus en plus premium et personnalisés ;
- Une « hôtellerisation » : Je le dis souvent, une chambre d’hôtes est devenue un véritable petit hôtel composé de 1 à 5 chambres avec espérons-le, l’authenticité en prime ;
- Fragilité de l’équilibre financier avec une « rentabilité » de plus en plus compliquée à aller chercher…
- J’aurais pu ajouter une hausse de la concurrence ou encore une réglementation qui n’est bien moins simple qu’elle n’y parait…
Ce marché est donc arrivé à un période de maturité incontestable tout en restant paradoxalement très amateur…
Un marché qui reste néanmoins « amateur » et non structuré…
Tout le charme de la chambre d’hôtes réside principalement là ! Il est très difficile de copier le modèle d’un établissement qui fonctionne sur un territoire et de le dupliquer au sein d’un autre tout en étant certain de son succès opérationnel anticipé. A la différence des autres types d’hébergement, la « standardisation » d’un concept et son « industrialisation » à plus grande échelle sont tout simplement impossibles. Il y a 2 raisons principales à cela :
- L’humain est ici au cœur: La vie personnelle et professionnelle des exploitants se mélangent ;
- La rentabilité du fait des 5 chambres maximum est fragile au regard des investissements initiaux.
C’est ainsi que le marché de la chambre d’hôtes est et restera par définition très éclaté et atomisé.
Un porteur de projet de chambre d’hôtes veut écrire SON histoire comptant sur ses convictions et ses idées qui lui sont propres. Il ne veut pas copier l’existant quitte à prendre des risques démesurés. Et même quand il souhaite se faire aider, accompagner, il ne trouve que très peu d’organismes et de structures adaptés à sa réflexion…
Le secteur de la chambre d’hôtes manque clairement d’éléments structurants :
- Aucun syndicat représentant ce type d’hébergement à la différence de l’UMIH pour l’hôtellerie ou la FNHPA pour l’hôtellerie de plein air ;
- Il y a bien les labels et autres réseaux comme les Gites de France pour ne pas les nommer mais qui ne se soucient guère des chambres d’hôtes et préfèrent travailler avec les gites plus simples à encadrer et à commercialiser ;
- Aucune de statistique officielle pour ce type d’hébergement, pas de repère, de taux d’occupation et autres indicateurs économiques. On doit regarder du côté de l’hôtellerie et des gites en centrale de réservation pour nous en inspirer ;
- La chambre d’hôtes est le seul type d’hébergement reconnu qui n’a pas de classement par étoiles « Atout France » sur lequel être guidé ;
- Les banques et autres organismes de financement manquent clairement de compétences pour appréhender à sa juste valeur les projets de chambres d’hôtes. Le financement devient de plus en plus compliqué…
Et le pire dans tout cela c’est que certains arrivent tout de même de profiter de cette situation de faiblesse… D’après vous, qui a su surfer sur cette non-structuration pour en tirer un sérieux bénéfice ?
Les mastodontes de la distribution en ligne comme Tripadvisor, Booking et plus récemment Expedia. C’est l’autre phénomène récent qui a affaibli les chambres d’hôtes et amoindri leur équilibre financier…
Malgré tous les défis auxquels ils font face aujourd’hui, les porteurs de projet sont toujours prêts à se lancer dans cette si belle et passionnante activité aux valeurs qui demeurent fortes !
Des exploitants passionnés véritables ambassadeurs d’un territoire
C’est devenu un vrai métier certes mais un métier passion ! On ne s’improvise pas exploitant de chambre d’hôtes, on est fait ou on n’est pas fait pour cela. Dans un marché si concurrentiel, les chambres d’hôtes qui rencontrent le succès aujourd’hui sont inéluctablement gérées par des exploitants passionnés qui savent être aux petits soins envers leurs hôtes et qui ont bien souvent largement dépassés leur « simple » rôle initial. Au-delà d’assurer des chambres et un petit-déjeuner de qualité, ils ont entre autres parfaitement compris qu’ils devaient se faire les ambassadeurs de leur territoire. Ils ont remplacé l’Office de Tourisme depuis quelques années déjà donnant des conseils sur-mesure et personnalisés à leurs clients. Ils sont même devenus de véritables concierges de grands hôtels voire même une mini agence de voyage pouvant imaginer puis proposer un séjour avant même que le voyageur ne soit arrivé à destination…
En tant que OGD, je fais quoi avec toutes ces belles paroles ?
Je prendrai sans aucun doute le temps de rédiger des articles spécifiques à votre rôle par rapport à ces socio-professionnels et leurs spécificités mais il est certain qu’il y a ici un véritable enjeu… Celui de renouer le contact de proximité et de confiance entre vos organismes et ces acteurs qui sont d’une grande plus-value pour une destination. Ce partenariat de confiance n’entrainera que du positif, générant un cercle vertueux aussi bien pour un territoire, ses voyageurs et bien évidemment ses acteurs touristiques… Pour en arriver là chèr(e)s ami(e)s, nous avons du boulot 💪