Rencontres engagées ou rencontres engageantes ?

Publié le 21 octobre 2024
4 min
L’automne est le grand moment des rencontres professionnelles dans le tourisme. Mais finalement, à quoi ça sert? Réflexions nées suite à la vingtième édition des Rencontres du Etourisme.

Au lendemain des #ET20, comme après la majorité des rencontres professionnelles, les réseaux sociaux bruissent de remerciements, de satisfecit, de plaisir de la découverte et de l’échange… Cette édition était encore fantastique, et je suis le premier à m’emparer de cette fabuleuse énergie et de n’avoir qu’une envie : la vingt-et-unième édition !

Mais je voudrais juste rebondir sur une question postée sur Linkedin par Jean Pinard : à quoi ça sert? Bien sur, nous avons tous des éléments de réponse : enrichir son réseau professionnel, échanger des idées et des opinions sur des sujets spécifiques, s’inspirer, acquérir de la performance professionnelle… Mais est-ce que ces différents congrès, institutionnels ou privés, ont finalement un impact sur les vacances de nos clients, sur la vie des employés du tourisme, et quelque part sur la planète ?

Une prise de conscience progressive

Tous les événements professionnels n’ont pas forcément la même trajectoire que celle des ET. Cet évènement particulier a muté lentement : en vingt éditions des #ET, les « rencontres du etourisme institutionnel » se sont transformées progressivement en « rencontres qui me percutent et m’obligent à me repositionner ». Cela a mis un peu de temps. Pendant les premières années, les #ET constituaient surtout un lieu d’échange fabuleux sur l’évolution du digital, mais ne posaient pas de questions sur la marche du monde…

En 2014, aux #ET10, nous avions commis avec Ludovic Dublanchet une séquence intitulée « Les Debouts ». Les « Debouts », en réaction aux « Assises du Tourisme » fleurissant un peu partout, mais qui ne remettait pas du tout en cause les modèles.

Mais il aura fallu attendre 2018, et donc la quatorzième édition des ET pour que soit défendu « le manifeste des ET ». Un engagement évident (et peut-être tardif) pour le tourisme durable : « un écrit collectif pour attirer l’attention des professionnels », « une alerte pour agir au quotidien ».

C’est vrai qu’à partir de ce moment, chaque édition des Rencontres a vu des causes mises en avant, autour de la responsabilité numérique, de la qualité de vie au travail, de la place des femmes dans le tourisme, etc.

Ces causes défendues ont également fait évoluer l’organisation de la manifestation, vers plus de parité ou d’attention à l’impact carbone des #ET. Et lors de chaque campus de préparation, des sujets de société apparaissent, indispensables à traiter, pour faire bouger notre monde du tourisme. Nous avons donc des Rencontres « engagées ».

Oui, mais à quoi ça sert?

Et toujours la même question : est-ce que ces multiples engagements, ces conférences, ces 15 mn chrono, ces prises de conscience favorisent le passage à l’acte ? Est-ce que les participants, une fois rentrés dans leur quotidien professionnel et personnel feront bouger les lignes? Et au final, est-ce que tout cela ne restera pas juste incantation et beau moment collectif d’union intellectuelle ? Est-ce que le bruit des applaudissements nourris concluant le témoignage engagé ne s’évaporera pas sur les bords du Gave de Pau une fois la porte du Palais Beaumont refermé?

C’est là, que j’ai vécu différemment cette vingtième édition, avec une injonction à me remettre personnellement en question. Cela a pris plusieurs formes.

Tout d’abord, lors de la séance d’ouverture, la séquence « Meuf.e.s » avec quatre garçons expliquant comment s’est faite leur évolution personnelle; rappelez-vous, en 2023, c’étaient des filles qui nous avaient bougé sur la question de la place de la femme dans le tourisme. Des filles, et un garçon, un « allié » en la personne de Sébastien Garcin.

Cette année, Ludovic, Vincent et Loïc nous ont expliqué, de façon simple, sans carapace, comment ils s’étaient personnellement eux aussi engagés comme alliés de ce combat des femmes.

Et cela m’a parlé : comment je ne me contente plus d’épouser une cause d’un point de vue intellectuel, ce qui est certes satisfaisant, mais totalement insuffisant pour avoir un impact. Comment je change moi-même!

Deuxième moment : le concept des « 10-10-10 », développée par Jean-Baptiste Soubaigné : quel impact ont nos actions dans 10 minutes, 10 mois, 10 ans ? Et donc l’injonction simple pour chaque participant : prendre du temps en rentrant dans son environnement professionnel, pour transmettre ce que j’ai compris, et appris, ici, même les brouillards dessinés par des futurs parfois improbables…

Et c’est tellement vrai ! le temps et l’argent investis par les participants dans ces rencontres est énorme. Comment ne pas le « surcycler » auprès de mes collègues, de mon réseau professionnel : c’est juste de l’économie intelligente…

Bref, certains, ou certaines pensent sans doute que ça a bien changé, cet évènement professionnel, et regretteront le temps d’une gentille consommation de moment « procool » sans avoir à se poser la question de l’investissement personnel au départ de Pau…

Cette vingtième édition des #ET a changé la donne, et je pense que c’est le principe d’un évènement à impact : engager personnellement les participants.

Perso, j’ai commandé à mon libraire le livre de Sébastien Garcin sur la « déconstruction de l’homme blanc » que je n’avais pas encore pris le temps de lire… Comme quoi, ça fait bouger les lignes, ces rencontres engageantes…

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Jean Luc Boulin est consultant en tourisme : Intervention auprès des élus et des prestataires touristiques, coaching, accompagnement des équipes et des directions sont ses principaux champs d'intervention. Avec deux exigences : se mettre à la place du client et oser l'innovation. Directeur de l’office de tourisme de l’Entre-deux-Mers (Gironde) et du pays d’accueil touristique du même nom pendant plus de dix ans, Jean Luc Boulin a dirigé la MONA [...]
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