Résilience des territoires touristiques. Nouveau rapport du Shift Project à l’intention des décideurs « Climat, crises : transformer nos territoires »

Publié le 21 octobre 2022
7 min
(Illustration : Shift Project)

Le think tank The Shift Project, connu pour son président Jean-Marc Jancovici et son directeur Matthieu Auzanneau, est de plus en plus médiatisé et c’est tant mieux ! Entre interventions médiatiques, évènements engagés et publications de rapports de vulgarisation scientifique, le Shift (comme on dit dans les réseaux) vient de sortir sa dernière publication (c’était mardi dernier durant les ET…) sur la résilience des territoires, nous invitant à une « sobriété intelligente ». Décryptage et opportunités pour les OGD.

Rappel du 1er cahier de résilience

(publication sortie en septembre 2021 et déclinée en 3 tomes)

En pleine crise du service public, le secteur représente presque l’équivalent de 2 tonnes d’émissions de GES par français et par an (sur un moyenne globale de 10 tonnes / pers). Nous sommes dépendants des équipements et infrastructures publiques et ça pèse dans la balance carbone, @BonPote t’explique tout ici. Les collectivités ont donc un rôle à jouer dans la transition écologique de notre société. A l’échelle locale, les territoires sont particulièrement vulnérables aux risques, expositions et aléas climatiques, d’où ce travail sur la résilience territoriale. Le Shift la définit comme « la capacité d’un territoire à préserver durablement le bien-être de sa population face à tous types de crises. Elle ne vise pas un retour à la normale après un choc mais la transformation du fonctionnement des territoires pour réussir la transition écologique. Elle doit permettre de tenir le cap de la transition en dépit des turbulences […] ».

La publication « vers la résilience des territoires pour tenir le cap de la transition écologique » est une véritable mine d’informations, de sources et d’exemples pour toutes collectivités désireuses de passer la seconde vers une stratégie territoriale résiliente.

  • Une première partie « comprendre pour ne pas subir » qui pointent les conséquences des dérèglements climatiques et écologiques pour les territoires, nous invitant à anticiper une transformation sociétale globale face à des risques forts et de nous réorienter vers plus de sobriété (= planification écologique chère à Eloi Laurent) ;
  • Une seconde partie « agir pour engager son territoires dans la transition écologique et la résilience », en soulignant les enjeux de construire une administration territoriale au service de la transition, de limiter les effets négatifs des politiques publiques, notamment sur les questions d’alimentation, d’urbanisme, de santé et de développement économique ;
  • Une dernière partie « organiser ensemble la résilience de son territoire pour tenir le cap de la transition écologique » où il est question de solidarité, coopération, gouvernance, responsabilité ou encore de financement.

Les 15 chapitres, recensent des recommandations et ressources clefs avec pour conclusion une sélection de reco par acteur (Etat, région, département, interco, acteur éco, citoyen) et par sujet (formation, production de données, répartition des efforts, prospective, expérimentation, financement).

Une petite pépite à la page 182, les « 7 péchés territoriaux » (comportements imaginaires mais qui devraient parler à certain.e.s) : ignorance, techno-solutionnisme, cloisonnement, désinvolture, perfidie, agitation, irresponsabilité.

2eme publication : défis globaux et enjeux locaux

Ce que nous vivons aujourd’hui est plus qu’une crise, c’est un changement d’ère, avec une succession de crises climatiques et de conflits. L’objectif est de réduire de 70% nos GES à l’horizon 2050, liées à nos activités dépendantes de la production et consommation d’énergies fossiles. « Il fait gérer l’inévitable et éviter l’ingérable » par la sobriété et la décarbonation de notre société.

(double contrainte carbone, illustration du Shift Project)

Les opportunités des collectivités sont multiples pour faire face à cette transformation : former les élus, repenser les projets de territoire, modifier la gouvernance à travers des orientations fortes et ambitieuses :

  • Transformer pour assurer la résilience qui doit permettre de se réinventer pour garantir la sécurité et le bien-être des populations ;
  • Transformer sous contraintes physiques de raréfaction de certaines ressources en travaillant sur la substitution et les énergies bas carbone ;
  • Mettre l’humain au cœur du changement en changeant les normes sociales tout en maintenant des efforts équitables (préférons le char à voile au jet).

Aussi, le rapport souligne des principes d’action à prioriser :

  • Arrêter, renoncer aux projets qui aggravent la situation ;
  • Amorcer des projets à long terme et débloquer les moyens nécessaires ;
  • Commencer par des actions efficaces rapidement au bénéfice d’un plus grand nombre ;
  • Viser des objectifs partagés et une solidarité territoriale ;
  • Anticiper, planifier et se projeter dans un environnement incertain pour s’adapter.
(picto : Shift Project)

De plus, le groupe de travail « stratégie de résilience des territoires » à identifiés 5 types de territoires (littoral, ville, métropole, campagne, montagne et outre-mer) et 4 enjeux forts (se nourrir, travailler & produire, se loger & vivre et se déplacer) traduits en messages clefs à l’intention des décideurs.

Quelles vulnérabilités pour le secteur touristique ?

Petit aperçu de mes cours de TD que j’animerai dès la semaine prochaine à l’IAE de Perpignan avec un module dédié à la vulnérabilité et résilience des territoires de destinations, au cœur de mon sujet de thèse sur le #climax touristique.

La COVID19, a montré la capacité d’adaptation et de résilience des OGD face à la pandémie. Le secteur est d’ailleurs particulièrement agile face à la gestion de crises conjoncturelles : réformes territoriales, terrorisme, pandémie, inflation, aléas météo, … Les OGD sont donc capables de résister à une perturbation, à s’autoorganiser, se renouveler, d’où l’importance pour les territoires touristiques d’anticiper et de se préparer à une éventuelle crise, afin de maintenir une stabilité de l’économie touristique.

(Copyright : pxhere)

Liste non exhaustive des principaux facteurs de vulnérabilités et de risques par type de territoire et des messages forts à adresser aux décideurs

1°) Villes et métropoles

  • 1.1. Pollution et nuisances : air, olfactives, lumineuses, sonores
    • L’aménagement et le développement d’infrastructures à vocation touristique contribuent à augmenter les nuisances sensorielles et impactent directement le confort et la satisfaction des visiteurs et des résidents.
  • 1.2. Surtourisme et antitourisme : gentrification, accès au logement, qualité de vie des habitants
    • Travailler sur l’acceptabilité des habitants (premiers ambassadeurs d’une destination) face au développement touristique ;
    • Gérer les flux de visiteurs en période estivale et durant les gros évènements pour éviter une saturation des lieux (sécurité) et la fuite des résidents.
  • 1.3. Évènements météorologiques extrêmes : sécheresse, vent, inondation
    • Phénomènes météo plus fréquents et impact sur la sécurité des résidents (dégradation infrastructures) et confort des visiteurs qui réduit la durée des séjours et augmente la demande en ressources (eau, énergie).

2°) Montagnes & Campagnes

  • 2.1. Sécheresse et pénurie d’eau
    • Forte chaleur et impact sur le confort des touristes ;
    • Diminution de la saisonnalité et durée du séjour (conséquences retombées économiques liées au tourisme estival) ;
    • Forage et surexploitation des nappes et des ressources énergétiques (climatiseur).
  • 2.2. Déforestation et risque incendie
    • Annulation de la séquestration carbone et impact sur la qualité de l’air ;
    • Danger sur les habitations et sur les gens ;
    • Dégradation paysagère liée à la déforestation (la forêt, facteur d’attractivité touristique, exemple de la sylvothérapie).
  • 2.3. Baisse du taux d’enneigement
    • Baisse de la fréquentation des stations de montagne en période hivernale liée à la diminution du taux de neige (moins de jours skiables) ;
    • Risque d’avalanches et d’éboulements, glissements de terrain (danger sur les bâtiments et infrastructures dans les vallées) ;
    • Conséquences importantes sur la quantité, la diversité et la qualité des alpages et influence directe sur l’état sanitaire (en particulier du bétail) et le rendement de la production issue des troupeaux (abandon progressif de l’agropastoralisme).

3°) Littoraux & Outre-Mer

  • 3.1. Augmentation du niveau de la mer et érosion du littoral
    • Diminution du trait de côte et conséquences sur les infrastructures de bord de mer (effondrement, démolition anticipative, …) ;
    • Menace sur la biodiversité (qualité paysagère liée à la flore) ;
    • Dégradation des dunes comme barrages naturels à la montée des eaux.
  • 3.2. Vague de chaleur marine et conséquences sur la biodiversité marine
    • Conséquence sur la qualité des eaux de baignade (bactéries, espèces nuisibles, rapprochement de certains prédateurs marins des côtes) ;
    • Maladies transmissibles (troubles gastriques ou respiratoires, de symptômes pseudo grippaux, de maux de gorge ou des yeux et de démangeaisons) et danger pour les usagers (ex : piqûre de méduse, accident avec les gaz dégagés par les algues vertes séchées).

Je m’arrête là, j’ai explosé mon quota de mots pour l’article. Chers décideurs et élus d’OGD, y a plus qu’à se retrousser les manches, être exemplaires et changer de trajectoire pour un devenir désirable, sobre et résilient.

Pour aller plus loin

Merci à Laurent Delcayrou, chef de projet « stratégie de résilience des territoires » au Shift Project, pour sa disponibilité et son intérêt pour mes travaux de recherche. (Laurent, si tu veux faire partie de mon comité de suivi de thèse, tu es le bienvenu 😉)

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Dans un secteur touristique en développement continu, il est indispensable d'accompagner les professionnels vers un tourisme raisonné et responsable. Je me décris comme une apicultrice de projets touristiques en transition. J'aime aller m'inspirer ailleurs et je prône la politique du petit pas (penser global et agir local). Je prépare actuellement une thèse doctorale sur la "gouvernance de la performance publique, management hybride de la performance globale pour les OGD".
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