« Robert, muscle ton jeu… » de données !

Publié le 24 avril 2013
6 min

 

En 1998, l’entraîneur de foot Aimé Jacquet avait tancé son joueur Robert Pirès devant ses coéquipiers, lui assénant : « Muscle ton jeu Robert, si tu muscles pas ton jeu, fais attention, je t’assure, tu vas voir, tu vas avoir des déconvenues, parce que tu es trop gentil ». Nous au blog, on vous dit la même chose !

Data, data, data
Open, big, smart, la data est mise à toutes les sauces ces derniers temps, dans tous les secteurs, toutes les organisations, preuve s’il en est qu’il s’agit bien du nerf de la guerre.
Chez les gestionnaires de destinations, cela s’apparente souvent à une tâche ingrate qui va permettre de créer l’annuaire partagé entre niveaux locaux, départementaux et régionaux destinés à alimenter sites internet, brochures et autres supports. Tellement ingrate que l’on s’échine avant tout à éviter les doubles saisies, consommatrices de temps et énergie jugés mal utilisés. Un peu a l’image de notre prestataire à qui x organismes envoient à peu près le même formulaire à saisir.

Quel constat peut-on faire à l’échelle du web ?
Tout d’abord, que Yahoo et cie ont abandonné il y a déjà quelques années le mode « annuaire » pour passer au moteur de recherche : trop d’informations, trop complexes à organiser, et sans intérêt surtout pour le client final.
Les touristes ont déserté les agences de voyage car l’information délivrée manquait de personnalisation, et qu’ils pouvaient désormais accéder à des informations plus qualifiées sur des supports en ligne.
N’en sommes-nous pas à peu prêt au même point ? Pouvons-nous encore nous contenter de délivrer une information de type annuaire, sans aucune personnalisation, prise en compte du contexte ? Allez-vous être le prochain Lycos-Rêves Évasion Voyage ?

Mes collègues François et Pierre ont déjà développé ces idées lorsqu’ils évoquaient dans ce blog leurs concepts d’Internet de séjour, d’Internet du Moi, ou encore de Destination Yeld Management, il s’agit donc d’en remettre une petite couche sur le sujet.

Josette, qui cherche une activité sportive pour occuper ses trois enfants pendant le pont de l’ascension va se retrouver le plus souvent avec une liste de 252 résultats, qui va nécessiter la consultation de 21 pages de résultats… Comme elle est motivée, elle va probablement regarder les trois premières pages (classées selon un ordre…aléatoire), comme elle le fait encore sur Google quand elle cherche le bon résultat à sa recherche (classées selon la pertinence). Comme elle a l’habitude d’un bon conseil auprès des offices de tourisme, qu’elle fréquente assidûment, elle passera un coup de fil ou enverra un mail pour obtenir quelques précisions par rapport aux 3-4 stages qu’elle envisage, et un conseiller en séjour qui connait bien ses prestataires lui apportera sûrement une réponse plus qualifiée. Cela va lui permettre de faire son choix, qu’elle validera définitivement après avoir contacté en direct le prestataire.
Mais des « Josette », qui consacreront autant de temps et d’énergie (comme vous avec vos SIT), si fidèles à vos services, vous en connaissez beaucoup ?
On a davantage à faire à des « Julie » qui vont se limiter à la première page de Google, valider sur Maps avec les avis présents, qui seront confirmés par ceux de Tripadvisor, et hop, c’est parti !

« Robert, il va falloir muscler ton jeu ! »

Aujourd’hui, nous nous positionnons en concurrence avec des acteurs tels que Google Maps/Local, Tripadvisor, Les Pages Jaunes…avec des données similaires. Sauf que ces acteurs les agrègent sur des territoires bien plus vastes, et sont entrés dans le quotidien de nos clients. Allez donc les persuader de quitter leur site/appli favori pour consulter les vôtres !
Votre force, c’est bien la proximité, cette capacité à aller chercher LA donnée précise qui fera la différence. Certes, cela prend du temps au début, mais c’est probablement le service sur lequel vous pouvez encore faire la différence. Google ne s’y est pas trompé, et envoie désormais sur le terrain de jeunes diplômés en recherche d’emploi pour convertir les commerçants à ses outils maisons, non seulement pour les amener à utiliser Adwords à terme, mais surtout pour collecter la donnée la plus fine dans leurs bases de données. Guillaume Colombo, le directeur de l’Office de Tourisme de Mulhouse, me confiait la semaine dernière avoir mis quatre collaboratrices récemment sur ce travail de collecte fine… Ingrat dans un premier temps, mais à n’en pas douter, gagnant au final.
Une solution consistera probablement à enfin ouvrir nos fameuses bases aux prestataires eux-mêmes, pour s’économiser un peu sur la mise à jour. Encore une fois, nos blocages institutionnels ne nous permettent pas de nous mettre à armes égales, quand certains prestataires seraient pourtant prêts à coopérer. Les propriétaires présents sur Airbnb ont bien compris l’intérêt de répondre à toutes les demandes, dans un délai raisonnable, ainsi que de mettre à jour leur calendrier ; ces trois données sont en effet immédiatement affichées sur leur annonce !

« Robert, tu es trop gentil ! »

Se pose alors la question de l’utilité d’investir tant de temps et d’énergie (encore et toujours !) dans ces fameuses bases de données si l’on ne peut rien en tirer. Est-il intéressant de collecter une donnée identique sur tous les prestataires d’une destination alors qu’à peine 20% concernent réellement les attentes de nos clients ? Ne devrions-nous pas tenter de collecter des données beaucoup plus précises, qui viennent davantage « matcher » les fameuses attentes de nos clients quitte à ne plus être exhaustifs, ne plus être neutres ? C’est-à-dire choisir les plus motivés, les plus intéressants, ceux qui apportent une réelle plus-value ? Et donc, tirer également parti de l’ensemble des ressources du personnel qui connait le territoire ?
On en revient à Airbnb et la mise en avant des preuves de réactivité de leurs propriétaires. S’ils sont prêts à jouer le jeu, c’est parce qu’ils savent qu’ensuite les meilleurs d’entre eux généreront du profit.
Si l’on part du principe que notre rôle principal est de générer davantage de dépenses sur la destination, les principes d’exhaustivité et de neutralité doivent s’effacer derrière ceux d’efficacité et de satisfaction client. L’office de tourisme n’est plus le gentil GO de la destination, mais un outil de développement économique.
Fini de faire la chasse aux adresses, capacités et dates d’ouverture de meublés qui ne répondent pas aux emails et dont le mobilier est antérieur à l’arrivée d’Ikea en France ! Fini de débattre sur les vertus de l’affichage aléatoire vs l’alphabétique, place à la pertinence, au scoring !

Il va donc vous falloir muscler vos données, et il ne s’agit pas de faire de la gonflette artificielle quantitative à coups de stéroïdes qui vous rendrait pataud, mais bel et bien de travailler votre musculation naturelle en faisant de l’exercice pour être plus agile : c’est plus dur, mais c’est plus efficace et durable, il faut « juste » réussir à faire passer le message auprès de ses sociopros, élus et collaborateurs… « Muscler son jeu », en langage sportif, cela signifie aussi savoir s’imposer, et parfois faire usage de son physique !

D’autant qu’à peine votre corps de données sculpté, vous allez découvrir bien d’autres possibilités, en y agglomérant les données météo, de transport, de flux de vos touristes que vous fourniront demain Orange, SFR, Bouygues et Free (n’y aurait-il pas un deal national à passer avec ces acteurs ?), que ces culturistes venus d’autres univers travaillent déjà depuis quelques temps. Mais ça, c’est pour demain, on pourra allez se frotter aux gros quand on aura pris un peu d’épaisseur et de gnac !

Alors, prêts pour faire un peu d’exercice ?

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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