Surcycler ses contenus, bon comme du pain perdu  

Publié le 1 mars 2024
6 min

Faire du neuf avec du vieux. L’idée n’est pas nouvelle. Mais elle redevient très tendance en période de disette. Si la notion de recyclage est aujourd’hui bien ancrée dans notre quotidien, celle du surcyclage peut paraitre plus abstraite. D’autant plus en l’appliquant aux contenus numériques. Pourtant cet éco-concept est une immense opportunité pour les créatifs, alors que les plateformes numériques et leurs utilisateurs voient cette tendance d’un très bon oeil. 

Imaginons un dimanche matin paisible. Une envie gourmande vous prend et vous décidez d’embrasser l’art du surcyclage culinaire avec un humble reste de pain. Frais et croustillant quelques jours auparavant, il est à présent un peu rassis. Vous battez quelques œufs, mélangez avec un peu de lait, une pincée de sucre, et une touche de cannelle pour l’arôme. Chaque tranche de pain rassis est alors trempée dans ce mélange, avant d’être dorée à la poêle. Ce qui était destiné à être jeté se métamorphose sous vos yeux, en un mets délicieusement réconfortant : le pain perdu. Finalement encore meilleur que dans son état originel. 

Le surcyclage est une recette de grand-mère totalement applicable à nos stratégies de contenus digitaux. Cette pratique ancestrale, donnant une nouvelle vie à ce qui était destiné à l’oubli trouve aujourd’hui un fort écho. Précisément dans une époque où les limites planétaires s’imposent et la contrainte économique est prédominante. De la contrainte naît la créativité. 

En France, la tendance de l’upcycling dans la mode prend de l’ampleur, succédant à l’engouement pour le vintage et la seconde main. Cette approche, centrée sur le recyclage créatif, transforme d’anciens tissus ou des articles de maison en vêtements et accessoires tendances. Des vieux draps ou des torchons de grand-mère deviennent ainsi des pièces de mode. Une tendance qui connaît un fort engouement auprès des 25 – 35 ans. Conscience écologique et mode font ici bon ménage, à l’exact opposé de la fast-fashion. Si le sujet vous plait, voici la petite reco insta qu’on m’a gentiment soufflé.  

On retrouve cette philosophie dans de nombreux domaines, comme par exemple dans l’ameublement ou l’architecture. Je vous invite à visionner cette présentation de 100 Détours lors des #ET.

Et le surcyclage des contenus digitaux alors ? 

La communication numérique, et les réseaux sociaux en particulier, sont d’énormes consommateurs de contenus. La production qui en découle coûte cher (parfois même alors que les contenus ne sont pas de grande qualité) et il est souvent très compliqué de suivre le rythme. Pourtant, combien de productions de contenus sont commandées chaque année pour une utilisation « one shot » dans une campagne ? On met le paquet sur les achats médias (parfois même sans penser avant à l’optimisation organique des contenus) et une fois les gros chiffres atteints le contenu est mis au placard. Et ce dernier ne reverra jamais la lumière. Pourtant ces contenus ont un vrai potentiel de performance, à conditions de les retravailler et d’imaginer de nouvelles créations. Vous l’aurez compris on ne parle pas ici re-poster sur Facebook une photo déjà sortie sur Instagram ce qui s’apparenterait plutôt à du recyclage, qui reste malgré tout une bonne pratique. 

Surcycler ses propres contenus

Les contenus longs sont coûteux à produire et trouvent parfois difficilement leur audience. Même si la consommation des contenus sur les réseaux sociaux tend à s’allonger, en particulier grâce à la prise en compte du dwell time (temps passé à consulter un contenu) par les algorithmes, le surcyclage permettra d’augmenter la durée de vie de vos contenus à haute valeur ajoutée

On parle ici de réutilisation adaptative transformant les formats longs et complexes, comme des études ou des vidéos longues, en formats plus digestes et partageables sur les réseaux sociaux en particulier. Une méthode utile pour mettre l’accent sur des points clés d’un format initial mais aussi pour donner envie de consulter l’intégralité du contenu original. 

La transmédiation des contenus est une approche similaire qui consiste à changer le mode de présentation d’un contenu, passant d’un médium à un autre. On peut imaginer par exemple traduire en format texte des extraits d’un podcast. Cette réadaptation du contenu est une réponse aux tendances de consommation parfois très éphémères des réseaux sociaux qui offrent une grande visibilité aux contenus, comme dans l’exemple suivant qui s’appuie sur la tendance des carrousels éditoriaux

La variation de l’angle éditorial d’un contenu original peut aussi servir ce surcyclage, puisque un même contenu peut finalement raconter des histoires bien différentes. Comme toujours, la clé se trouve dans la créativité. 

Surcycler les contenus des autres 

Le meilleur exemple de surcylage de contenus digitaux se trouve dans le phénomène des mèmes. Ces images ou vidéos, sorties de leur contexte se diffusent en masse pour illustrer d’autres situations. Les mèmes sont souvent drôles, sarcastiques et font aujourd’hui partie de la culture digitale. SI vous êtes friands de ce type de contenus, vous suivez probablement Yugnat999 sur IG et si ce n’est pas le cas, jetez un oeil à ce compte et vous comprendrez tout de suite le phénomène. 

Cette tendance de fond du mème se décline maintenant en une multitude de pratiques et de formats sur les réseaux sociaux. Dès lors qu’on touche à la créativité, TikTok entre dans la danse. Le réseau a fait du recyclage et du remixage des contenus son fonds de commerce. Là où Instagram prône une copie carbone des contenus (je reproduis exactement la même photo au même endroit que d’autres avant moi) TikTok pousse quant à lui ses utilisateurs à apporter leur propre touche à ce copycat. 

Par exemple, une pratique centrale de ce réseau consiste à utiliser des sons mis en commun sur la plateforme pour ses propres contenus. Il peut s’agir de musiques mais aussi d’extraits sonores d’autres vidéos. Une autre forme de mème qui fait ici le bonheur des utilisateurs de TikTok. D’ailleurs, lorsqu’on voit les territoires qui tirent leur épingle du jeu sur TikTok (et honnêtement ils ne sont pas si nombreux que ça) ce sont ceux qui utilisent ces codes. Reste ensuite à mettre ça en cohérence avec la stratégie touristique et on a tout bon. 

TikTok pousse aussi ses utilisateurs à surcycler les contenus diffusés sur sa plateforme grâce aux fonctionnalités « collage » ou « duo ». Ces dernières permettent à un utilisateur d’apporter sa propre contribution à un contenu déjà existant. Ainsi, on entre parfois dans un vortex infernal d’un contenu de départ allègrement détournés, agrémentés de contributions de milliers d’utilisateurs. 

Un web toujours plus collaboratif 

Les réseaux sociaux, qui ont apporté au web la transversalité des échanges, poussent à présent à la collaboration. La co-création est une tendance de fond à intégrer absolument dans toutes les stratégies de contenus. Il convient donc de s’appuyer sur cette culture du remix pour solliciter ses communautés et impulser leurs créations au bénéfice des territoires. Les UGC (users generated content) sont déjà très présents dans la communication numérique touristique, et l’idée ici est de nourrir ces créations. Soit en considérant ces producteurs via la mise en place de publications en collaboration, et les possibilités sont de plus en plus nombreuses sur les réseaux. Soit en fournissant les éléments de marques aux utilisateurs afin qu’ils se les ré-approprient pour créer leurs propres contenus. Cette seconde approche est plus délicate à mettre en place, car elle demande une parfaite compréhension des attentes des utilisateurs et des tendances de consommation digitale. Là encore, place à la créativité. Votre territoire est-il capable d’être une source de mème ? 

Pour terminer, une pratique très accessible et bénéfique du surcylage numérique se trouve dans les commentaires de vos communautés. On y trouve parfois des pépites qui peuvent aussi devenir des sources de nouveaux contenus. Encore une bonne raison de prendre le temps de faire de la modération sur vos réseaux sociaux pour identifier ce potentiel. Car là encore les options se développent, TikTok et Instagram permettent déjà de reprendre un commentaire pour créer un contenu de marque. 

Les solutions collaboratives se développent fortement, comme les articles collaboratifs sur LinkedIn, les posts en collaboration sur Instagram, les carrousels collaboratifs, et ce n’est que le début puisque les principaux réseaux annoncent pas mal de nouveautés à venir sur ce sujet. Terminé de raisonner seul, il faut à présent penser sa stratégie de contenu en écosystème, dans une dynamique partenariale. Et ne plus jamais considérer qu’un contenu déjà publié est bon à jeter. 

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Sébastien est cofondateur du projet KAIRN , société a mission qui fait le lien entre numérique responsable et tourisme responsable. Il est aussi directeur de my destination, agence de communication numérique et engagée. Leur crédo : placer les réseaux sociaux au service des stratégies touristiques.
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