Pré-ouverture du bal estival de rediffusion d’articles parus cette année sur le blog. Aujourd’hui, retour sur cet article de Jean-Baptiste Soubaigné (MONA) sur les rôles prédominants des Organismes de Gestion des Destinations pour soutenir le tourisme et l’économie de proximité. Article paru initialement le 1er février 2021.
Le tourisme de proximité est encore bien de la partie pour 2021. Cela conforte bon nombre de destinations qui misent dessus depuis des années et cela consolide les choix d’autres organisations qui ont réorienté tout un pan stratégique de leur activité pour répondre de façon plus marquée à cette lame de fond. Au-delà de l’approche marketing que revêt cette consommation touristique « près de chez soi », elle questionne en profondeur le développement économique local et les rôles éventuels que les OGD se voient prendre pour le stimuler sur la durée.
Mobilité et bassin de proximité
Les productions sont nombreuses sur le sujet du tourisme de proximité, ses impacts, ses vertus, les nouvelles offres qui émergent et donc je ne repars pas dans ces sujets. Une variable en revanche me paraît toujours essentielle pour définir sa propre « proximité ». C’est celle de la mobilité, des accès et des transports associés. La cartographie, l’analyse des bassins de vie, les études sur les usages des transports restent des outils d’aide à la décision essentiels pour partir du bon pied et bien déterminer sa « zone de chalandise ».
Sur ce sujet :
- les cartes isochrones sont toujours aussi efficaces pour avoir une bonne photographie des possibles et ne pas se positionner sur des zones intouchables (un outil ici et un autre là).
- La prise en compte des désagréments et des « externalités » des mobilités vers une destination et au sein même de celle-ci font partie de l’équation. L’ADEME propose à cet effet cette infographie enrichie. Elle appuie sur la nécessité de favoriser la connectivité des territoires, la mise en tourisme des transports en commun et poursuivre le développement des mobilités douces.
- Un clin d’œil à ATD qui s’investit dans « 2021 l’année européenne du rail » lancé par la commission européenne. Les Oiseaux de passage lance à cet égard un appel à coopération sur le sujet pour recenser les initiatives et offres autour du train et des mobilités douces.
Proximité et approche marketing
Une étude en Auvergne Rhône Alpes de 2019 (reprise en partie dans cette conférence Tourisme de proximité, un levier de développement incontournable) propose deux catégories de clients derrière le tourisme de proximité :
- les résidents / les locaux, à 1h de trajet, 100km
- les régionaux, à 2h-3h de trajet, générant des nuitées
S’ils ne sont pas réalisés, travailler sur la mise à jour de vos personae à partir de cette base est une étape intéressante pour identifier les attentes de ces clientèles, leurs aspirations, les problèmes qu’ils rencontrent. Cette première étape amène naturellement la réflexion vers le design de l’offre et de services que vous êtes en mesure de proposer à vos (nouvelles ?) cibles. De nombreux exemples ont été partagés tout au long de 2020 et j’en cible deux en particulier qui m’ont été partagés tout récemment.
« A Albi, ce sont les Visites sandwich, décrit Stéphanie Tonon, directrice de l’Office de tourisme. Tous les 1er mardi du mois le guide de l’office de tourisme donne rendez-vous à une adresse à 12h45. Les gens ne savent pas ce qu’ils vont visiter et ne sont informés que de l’adresse de RDV lors de la réservation. Ils viennent avec leur sandwich pour une visite express de 30 mn. La guide, Audrey, leur fait découvrir l’histoire d’une rue, fait un zoom sur un bâtiment, raconte l’histoire d’un personnage célèbre devant sa maison natale…. bref les sujets sont très variés et vastes. C’est 2 euros la visite si 4 visites la 5e est offerte. Nous n’avons que des albigeois retraités ou qui travaillent et l’idée est de faire une pause déjeuner culturelle (cultivez-vous en mangeant !) Ca marche super bien tant et si bien qu’alors que toutes nos autres visites sont au point mort celle-ci continue de fonctionner (entre 8 et 15 personnes). Le concept avait été mis en place il y a quelques années à Cognac où j’officiais, par l’animateur du patrimoine, mais il faisait ça en fin d’après-midi. J’avais bien aimé l’idée et entre midi et deux c’est un bon créneau pour les habitants qui bossent en ville. »
« Du côté d’Hello Lille, l’agence d’attractivité de la métropole lilloise, c’est l’opération « Une nuit dans les étoiles » qui s’est déroulée l’été dernier, que me partage Fabien Hennion, directeur du relais territorial des Offices de tourisme du Nord. Elle proposait des nuits en hôtels 3 et 4* aux habitants de la métropole (http://www.hotelslille.com). Egalement un jeu concours pour faire gagner à des habitants une nuit insolite dans des lieux vraiment insolites (opéra de Lille par exemple…) : https://www.facebook.com/Hello.Lille/posts/1007350239770348/ »
L’inattendu, la surprise, l’imprévisible, l’ultra-personnalisation apparaissent comme les bons ingrédients de ces nouvelles mises en tourisme pour des clientèles locales en redécouverte de leur espace de vie. De quoi rédiger une bonne série d’articles et je vous invite d’ailleurs à découvrir quelques exemples sur des stratégies pour faire rayonner le tourisme local dans cet article du Réseau de Veille en Tourisme.
inscrire durablement ces dynamiques dans le développement économique local
Les offres et les services créés pour répondre à de nouvelles aspirations apportent un nouvel élan à la destination, de nouvelles collaborations, de nouvelles solidarités, une nouvelle proposition de valeur. Cependant, nourri quotidiennement depuis près d’un an par la Covid, il n’est pas forcément toujours évident de s’extirper et de se projeter à plus long terme sur ces « nouvelles » orientations. Sortir du one-shot et inscrire dans le durée ces partenariats et la richesse générée par ces nouvelles offres est un défi palpitant. La conférence d’Elizabeth Laville, fondatrice du Cabinet Utopies, proposée dans le cadre du cycle de webinaires d’ADN Tourisme, est alors assez inspirante.
Une des parties de l’intervention aborde la part des importations et des exportations des services, des produits et des compétences nécessaires à l’industrie touristique sur un territoire. Si un euro dépensé peut générer plus d’un euro de retombées (cf les opérations chèques solidarités, chèques vacances de cet été), il est surtout stratégique de cerner combien d’argent reste réellement sur le territoire au regard de ce qui est importé et donc acheté en-dehors du territoire pour maintenir les offres et les services. Relocaliser certaines de ces « importations », est alors un travail de longue haleine pour conforter l’économie locale de façon durable. L’objectif à atteindre est de permette à la valeur générée par les dépenses touristiques locales de rester plus longtemps sur le territoire et de circuler au sein des entreprises locales.
En d’autres termes, et pour recoller à mon propos sur le tourisme de proximité : s’il y a une forte demande pour de la consommation de proximité, ce serait dommage de ne pas créer et de structurer de l’offre et tout un écosystème local pour y répondre. Cette offre, les dynamiques locales créées et les échanges commerciaux qu’ils génèrent entre opérateurs et entre opérateurs et collectivités ont tout intérêt à se nourrir mutuellement pour alimenter le développement économique local. Tout un programme autour d’une économie circulaire dans lequel le tourisme s’intègre naturellement.
De nouveaux rôles prédominants dans les OGD pour soutenir le tourisme et l’économie de proximité ?
Dans les défis auxquels sont confrontés les OGD dans leurs services aux acteurs économiques, il y a deux rôles majeurs sur lesquels les opportunités sont grandes.
- L’OGD a cette connaissance fine du tissu économique et connaît chaque chef d’entreprise de son réseau. Sa mission de mise en réseau est un pilier. Elle a aussi tout intérêt d’aller au-delà pour une mise en réseau à vocation commerciale. L’OGD se place en relationneur, en apporteur d’affaires, en un meetic des partenariats commerciaux locaux. Chaque occasion de rencontres entre les partenaires aurait alors vocation de générer de l’interaction, du relationnel mais aussi de façon assumer de directement favoriser de futures collaborations commerciales locales. Faire connaître les fournisseurs du territoire aux acteurs touristiques devient un objectif prioritaire pour que l’office de tourisme soit pleinement un acteur du développement local.
- L’OGD a aussi un rôle de militant. Il défend cette approche, les approvisionnements locaux, la valorisant à tout consommateur, local ou voyageur. Il le fait déjà sous différentes formes et joue là un rôle de facilitateur, d’entremetteur, de militant garantissant sur la durée cette philosophie locale.
Cette période longue de crises qui se succèdent transforment nos organisations et par ce biais les rôles que nous avons. Rien de nouveau sous le soleil, Darwin nous avait prévenus pour l’évolution des espèces. La transformation est permanente. Cela dit, considérer aussi nos organisations comme des organismes vivants qui mutent continuellement dans leur écosystème peut ouvrir de nouvelles façons de voir le monde des OGD et la faune et la flore qui la composent.
On rebat les cartes des compétences valorisées dans les OGD ? Quelles seraient ces nouvelles bestioles d’accompagnateur, d’intermédiaire, de facilitateur, d’apporteur d’affaires, de veilleur, d’observateur, d’aiguilleur, de coach, de confident, de développeur, de prospecteur… si leur séquençage génétique prenait le pas sur les 10-15 ans de mutation dans la valorisation des métiers conseillers en séjour, directeur, référent qualité, community manager, chargé de communication, chargés des prestataires…
Sacrés variants, on n’en a pas fini.