La question du caractère essentiel du tourisme et des voyages ne va pas tarder à se poser en Europe. Longtemps, l’OMT a indiqué que ce poste était devenu essentiel aux citoyens. La pandémie du Covid a démontré que les loisirs de pleine nature, y compris en proximité, l’étaient en fait davantage. Le tourisme est de toute façon appelé à se développer dans la durée : 75% du PIB mondial étant aujourd’hui dans les services, on s’attend à ce que ce taux progresse et appelle avec lui à plus de télétravail et en contrepartie, plus de temps de loisirs…de proximité. Mais ce qui caractérise l’époque et de manière brutale c’est le retour de l’inflation.
Une flambée des prix incroyable : +30% pour les prix de l’énergie, +8% pour les produits frais, une hausse générale en Europe de 7,5% en mars, la France s’en tirant mieux à +4,5% d’après l’Insee. On peut lire ce document récent sur le site de l’OFCE. De même ici sur l’inflation et l’impact de la transition écologique et de la révolution digitale.
Il s’agit de la plus forte et plus rapide inflation depuis des décennies sur le continent européen. L’appauvrissement en est et en sera la conséquence rapide. Le phénomène n’est pas temporaire : à la crise de la production mondiale née du Covid, suivie d’une crise de l’approvisionnement, et du renchérissement et de la pénurie de matériaux et de composants, succède une crise énergique et alimentaire directement liée à la guerre en Ukraine. Avec des répercussions visibles chez nous : déclassement de catégories sociales, utilisation de l’épargne par les plus aisés, réaffectations de choix à venir. Et des actualités brûlantes qui commencent au Sri Lanka sur le terrain de la crise alimentaire et qui pourraient se traduire par des situations alarmantes en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient.
La corrélation entre la fin de la croissance, régulièrement évoquée dans ce blog et le secteur du tourisme et des voyages prend une nouvelle tournure. Je renvoie à l’étude The Limits of Growth publiée en 1972 et nommée de l’un de ses contributeurs Dennis Meadows qui nous indiquait l’arrêt de la croissance en 2022. Ce rapport vient d’être publié par les éditions Rue de l’Echiquier. Notre secteur a une empreinte écologique trop forte alors que la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture indique une flambée mondiale des prix de l’alimentation, en hausse constante (+12,8% rien que sur un mois, avril – mars 2022).
MALGRE TOUT, NOUS NOUS ADAPTONS
Nous ne sommes pas très raisonnables, c’est au pied du mur que nous nous adaptons. Il est possible que celui qui s’érige devant nous soit très élevé. Des changements douloureux sont annoncés en matière de transports et de consommation du tourisme et des voyages. Ces quelques données issues de l’étude nationale réalisée par Tourisme Bretagne en partenariat avec ADN Tourisme, l’UNAT nationale et régionale et 11 CRT donnent cependant des pistes favorables.
Quelques grandes études sociales nous traduisent la perception rapide de ces évolutions chez les Français. Une étude à paraître au Credoc indiquerait que 48% des ménages, mais 69% parmi les moins favorisés, envisageaient en février de réduire leurs dépenses dans les prochains mois, cite le Monde dans un article du 8 avril (pour 34% en juillet dernier). Pourtant, les choses se sont améliorées ses dernières années. Selon l’Observatoire des Inégalités : de moins en moins de Français indiquent qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir des congés une semaine par an hors de chez eux. Ils étaient 34,8 % en 2004 et ne sont plus que 23,8 % en 2019, onze points de moins, selon l’Insee. La situation s’est améliorée pour les catégories modestes : parmi les ménages appartenant aux 20 % des plus bas revenus, la part de ceux qui estiment ne pas avoir les moyens de partir une semaine a baissé de 64,3 % à 54,5 % au cours de la période. Le même indicateur est passé de 10,8 % à 3,6 % chez les 20 % les plus aisés. Le phénomène est d’autant plus remarquable que la période 2008-2014 a été marquée par une forte crise économique.
DES SOLUTIONS DANS LES DESTINATIONS
En conséquence, si l’on couple les données des études d’intention des Français en matière de tourisme et l’accélération de la situation internationale (politique, économique, énergétique, alimentaire), il va probablement falloir aider aux départs en vacances pour les plus démunis et ils sont nombreux. Que peut faire une destination touristique sur le sujet ?
– déjà en parler avec ses socio-professionnels dont les réservations ont fortement chuté en février et mars
– réactiver les plans de relance du Covid
– surveiller les offres de vos socio-pros sur Groupon et compagnie : en ce moment, on constate des réductions phénoménales, mais les plus nettes seront celles que nous observerons dans le coeur de l’été
– aider à la résilience des entreprises touristiques les plus faibles : le surcoût des transports et des prix alimentaires va réduire mécaniquement les possibilités de réservation en hébergements marchands d’une partie de consommateurs, d’autant que les trajets en auto pour se rendre sur son lieu de vacances vont paraître bien chers (traverser la France pour aller camper, va exiger un effort économique supérieur aux Néerlandais, Belges et français du Nord, le tourisme de voisinage va s’accroître et donc de repli de la fréquentation internationale, ce qui n’est pas sans effet à long terme sur la compréhension de nos voisins)
– accroître le développement des cartes de réduction pour inciter à la consommation locale et surtout faciliter la découverte de propositions variées en levant le nez des écrans, comme en Occitanie
– bâtir des argumentaires thématiques autour de bons plans inattendus
– mettre en avant des éléments d’identité locale sympas et accessibles : mention spéciale à nos amis de l’Office de Tourisme de Dunkerque pour leurs expériences, dont la première invite à vous faire une “fritkot”. “Eul paquet de frites” à emporter demeure une belle aventure nordiste.
Et plein d’autres choses que vous trouverez par vous mêmes, mais il nous semble qu’il y a de l’attente dans l’air pour des propositions facilitant ou valorisant des consommations économes au cours de la saison 2023.