Parler d’un social media plus “engagé” alors qu’on utilise au quotidien les mastodontes Meta, Twitter, TikTok en voilà un bel oxymore (et pour être tout à fait franche avec vous, c’est un sujet qui me fait plus d’un nœud au cerveau 🧠 ) ! En attendant l’émergence d’un web décentralisé, les GAFAM s’imposent à nous. Si ces dernières sont loin d’être irréprochables, essayons de comprendre comment les utiliser au mieux pour porter un tourisme plus vertueux.
Comme vous avez peut-être pu le lire dans le dossier social media paru ces dernières semaines, les réseaux sociaux ont beaucoup changé ces dernières années.
Les algorithmes évoluent régulièrement et Instagram a récemment copié la recette magique de la star du social media (👋 Tik Tok). L’objectif : faire rester les utilisateurs le plus longtemps possible sur l’application en nous proposant des contenus susceptibles de nous plaire, d’où l’apparition massive des réels (d’animaux extrêmement mignons) dans nos feeds. Résultat : vos publications sont vues par des personnes qui ne suivent pas forcément votre compte mais qui sont intéressées par votre contenu. On passe ainsi d’une animation communautaire à une animation plus affinitaire. Et si on veut continuer de performer alors, on est obligés d’être à l’écoute des goûts de l’algorithme. À nous de mieux les dompter pour les placer au service du tourisme. Lucy nous décrypte tout ça par ici.
En parlant des réels, le nouveau format chouchou de Meta, on note ici aussi une grande évolution des pratiques. Si ces dernières années, les filtres Instagram, les vidéos en drone et les photos retouchées étaient à l’honneur, 2023 marque la fin de la perfection des contenus. Place à la sincérité et à la transparence, l’humain est replacé au cœur des contenus. Des vidéos TikTok filmées au smartphone qui prônent l’authenticité et la spontanéité, voilà ce que recherchent les utilisateurs. Et pour cause les contenus retouchés, superficiels ou idylliques sont montrés du doigt (Instagram VS reality) et peuvent être source de mal-être chez les jeunes. Adélaïde l’explique très bien dans son billet.
En parallèle de ces évolutions, le tourisme responsable a pris une place de plus en plus transversale dans les stratégies touristiques. Un grand nombre d’OGD a ainsi impulsé cette démarche sur les réseaux sociaux. Mise en avant des professionnels engagés et d’écogestes pour adopter un tourisme plus respectueux : en voilà, un beau challenge pour les community managers. Leur mission : trouver le bon ton pour ne pas être moralisateur tout en sensibilisant sa communauté à cette nouvelle vision du tourisme. Delphine nous donne tous ses tips pour embarquer ses communautés dans sa démarche engagée.
Et je vous assure que pour communiquer les engagements d’une destination, c’est tout un art ! En 2023, finies les étiquettes fourre-tout “responsable”, “durable”, “engagé” utilisées à chaque bout de phrase qui ne rendent pas nos propos plus crédibles. Aujourd’hui, tout l’enjeu est de parler de tourisme durable sans utiliser ce terme. Alors maintenant place aux mots justes, aux actions concrètes, aux détails des engagements, à la valorisation des bénéfices clients. Et l’une des clés pour y arriver est la maîtrise de son offre touristique “responsable” (AH, promis après j’arrête de l’utiliser 🤫). Pour devenir expert du sujet, je vous conseille de lire l’article de Coralie.
On repose les bases !
Les réseaux sociaux ont considérablement évolué ces dix dernières années. Si on se replonge dans les années 2010, Facebook franchissait le cap des 500 millions d’utilisateurs. C’était le bon vieux temps où on postait des statuts à la 3ème personne (« Paul is trop content d’être en week-end »). Quant à Instagram, il explose véritablement lors de son rachat par Facebook en 2012, on y postait des photos avec des filtres pour les rendre ““sophistiquées””. 13 ans plus tard, on a vu passer des centaines d’évolutions. De l’apparition de nouveaux formats comme les réels ou les Candid Stories sur Instagram pour poster des contenus plus spontanés à la Be Real aux nombreux changements d’algorithme. En 2009, l’algorithme Facebook diffusait les publications avec le plus grand nombre de like, aujourd’hui il croise une multitude de facteurs pour nous proposer LA publication la plus adaptée.
En 2023, on peut dire que les réseaux sociaux sont arrivés à une certaine maturité. Et si on faisait un rapide bilan de leurs impacts ?
D’un côté, on constate qu’ils sont vecteurs d’impacts positifs pour les hommes, les entreprises et les organisations. Les réseaux sociaux permettent la connexion avec ses proches, on peut rester en contact avec sa famille même lorsqu’elle habite à l’autre bout de la France. Côté tourisme, après beaucoup d’efforts, les OGD y ont constitué des communautés soudées, composées d’habitants portant fièrement leurs valeurs et devenant leurs premiers ambassadeurs. Les médias sociaux permettent également une ouverture sur le monde, aujourd’hui on peut choisir sa future destination de voyage en scrollant sur Instagram. Ils permettent un accès à l’information à un grand nombre de personnes, il est possible d’y informer des milliers de personnes en quelques heures. Une fonctionnalité avait d’ailleurs été déployée lors des attentats de Paris pour prévenir rapidement ses proches que l’on se trouvait en sécurité. Enfin, ils permettent de s’informer au quotidien en apportant de la connaissance au plus grand nombre et participent à cette prise de conscience collective sur l’urgence climatique.
Cependant, il existe une face sombre des réseaux sociaux. La puissance des algorithmes a réussi à nous rendre complètement dépendants et accros, avec Tik Tok qui remporte la palme d’or du réseau le plus addictif avec un temps moyen d’utilisation mensuelle de 21 heures par utilisateur. La raison d’être de ces plateformes est la collecte et la revente de nos données personnelles, ce qui explique que nous sommes en permanence trackés. Malheureusement, les médias sociaux sont également utilisés pour harceler, pirater ou troller comme le relève une étude réalisée par la Caisse d’Epargne et l’association e-Enfance, qui indique que 60 % des 18-25 ans ont déjà été victimes de cyberharcèlement. De plus, ils peuvent avoir des effets néfastes sur la santé mentale, tels que la diminution de l’estime de soi, la dépression, le syndrome FOMO (Fear Of Missing Out), qui engendre de l’anxiété sociale.
En ce qui concerne le tourisme, les réseaux sociaux contribuent parfois à une surfréquentation de sites sensibles. Par exemple, pendant l’été, l’effet instagrammable de certains sites naturels peut attirer des milliers de touristes, ce qui peut porter atteinte à la biodiversité des lieux.
Seulement aujourd’hui, nous n’avons pas encore trouvé un moyen de communication qui permet de toucher des audiences importantes et ciblées avec un coût aussi bas. Oui, les coûts des social ads ont augmenté et l’animation des réseaux sociaux nécessitent des moyens humains, mais ils restent encore très compétitifs par rapport aux autres canaux de communication. Il est donc essentiel d’avoir conscience de tous ces éléments pour déployer la stratégie la plus positive possible.
Pour faire du social media “engagé”, il faut s’attacher autant au fond qu’à la forme. Du côté du fond, les OGD peuvent véhiculer des messages forts sur une offre touristique responsable et inclusive en poussant leurs acteurs engagés, en livrant des écogestes et en sensibilisant à de nouvelles manières de voyager afin de faire évoluer l’industrie du tourisme. Du côté de la forme, il est possible de rendre nos publications moins polluantes en réduisant le rythme de publication et en évitant la surconsommation de vidéo. On l’a vu les réels sont en pleine expansion, on ne va donc pas s’interdire d’en poster, l’objectif est de trouver le bon équilibre entre performance social media, numérique responsable et stratégie touristique. Et enfin, on chouchoute nos communautés en veillant à leur bien-être et à leurs données personnelles, sans les matraquer de messages publicitaires.
Ainsi, les réseaux sociaux peuvent aider à diminuer l’impact carbone du tourisme, à protéger les sites naturels, à changer les mentalités sociales tout en choyant nos communautés. L’objectif est d’utiliser ces plateformes à très forte viralité pour faire passer des messages forts qui vont sensibiliser, éduquer, convaincre nos visiteurs de voyager différemment.
Quelques chiffres sur le tourisme responsable sur les réseaux sociaux
Avec mes chers collègues, nous avons mené une enquête auprès des community managers des destinations touristiques pour mieux comprendre la place du tourisme responsable dans leur stratégie social media en 2023. J’ai le plaisir de vous dévoiler en avant-première quelques résultats de l’enquête. (Coralie Havart est sur les starting-blocks pour sortir une analyse plus poussée sur notre substrack.)
Tout d’abord, 82 % des destinations intègrent le tourisme responsable dans leur stratégie touristique ! À contrario, seulement 8 % des destinations ne le font pas.
Lors d’une enquête menée en 2021, on relevait que 60,7 % des destinations touristiques interrogées traitaient de tourisme responsable sur les réseaux sociaux. En 2023, ce sont 78,4 % des destinations touristiques qui abordent le sujet et le font plusieurs fois par mois. Si 21,6 % des destinations ne le font pas encore, c’est majoritairement parce que leur offre touristique n’est pas suffisamment responsable, qu’ils manquent de contenus ou qu’ils ont peur de faire du greenwashing.
D’après notre enquête, les destinations utilisent principalement les réseaux sociaux pour aider à préserver les espaces naturels 🌱, valoriser l’économie locale 💰, répondre aux problématiques de mobilité 🚂 et désaturer les lieux 📌.
Les thématiques les plus traitées sur les réseaux sociaux répondent plutôt bien aux objectifs du tourisme responsables, on retrouve la préservation de la faune et de la flore 🐏, la présentation d’activités douces 🛶, l’utilisation de mobilité douce 🚂, la préservation du patrimoine 🏰, la mise en avant de l’économie locale 💰 et la valorisation des acteurs engagés. 🧑🍳
Enfin, les community managers questionnés nous ont fait part des réactions de leur communauté lorsqu’ils abordent le sujet du tourisme responsable. Dans la majeure partie des cas, les communautés et notamment les habitants locaux soutiennent à fond la démarche et réagissent de manière très positive. Un certain nombre de CM indiquent que les communautés n’interagissent pas forcément avec ces sujets. Et de manière plus rare, certains soulèvent quelques critiques sur des sujets bien spécifiques.
Des réseaux sociaux au service du tourisme responsable
Pour conclure, il est indispensable de s’adapter aux défis des réseaux sociaux, malgré leur imperfection. Effectivement, chaque publication, like ou message envoyés émet des émissions CO2, et la propagation de fake news à la vitesse de l’éclair est une réalité incontestable. Mais en tant que communicants, nous sommes persuadés que la force de frappe unique qu’ils proposent est extrêmement utile.
Il est donc essentiel d’utiliser les réseaux sociaux pour promouvoir les stratégies touristiques et les enjeux du tourisme responsable. Cela implique de valoriser les offres touristiques, de sensibiliser les visiteurs, de promouvoir les acteurs engagés et d’échanger avec la communauté de manière bienveillante. Ces critères de tourisme durable peuvent être comptabilisés pour mesurer l’engagement éditorial des prises de parole et s’assurer que la stratégie social media répond bien aux objectifs touristiques.
Pour transmettre ces messages, il est important de suivre les dernières tendances et de comprendre les algorithmes pour optimiser la diffusion de contenus à impact positif. Et pour le faire au mieux, adoptons des réflexes éthiques comme le sous-titrage et le texte alternatif pour rendre les contenus accessibles à tous (et pour plaire à l’algorithme), l’inclusivité pour éviter les stéréotypes, la transparence et la sincérité des contenus et le respect du bien-être des utilisateurs en évitant le matraquage publicitaire et en respectant le RGPD.
Pour conclure, l’avenir des réseaux sociaux pour les destinations touristiques nécessite de naviguer dans un océan complexe et imparfait, mais cela ne signifie pas que nous devons renoncer à les utiliser. Au contraire, en veillant au bien-être des communautés et en minimisant la pollution numérique, nous pouvons contribuer à développer un tourisme plus respectueux de l’homme et de l’environnement.