La semaine dernière avait lieu la 8ème édition des Universités du Tourisme Durable, organisées par l’association Acteurs du Tourisme Durable, en partenariat cette année avec le CRTL Occitanie. Cet événement de 2 jours a rassemblé pas loin de 500 professionnels du tourisme à Montpellier sous le thème : Affronter les paradoxes : transition ou rupture ? Voilà mon regard sur cet événement devenu incontournable chaque année pour tous ceux et celles qui réfléchissent au tourisme de demain.
Les paradoxes du tourisme durable
Ils sont forcément nombreux dans notre secteur. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce thème fut choisi comme fil rouge de cette 8ème édition des Universités du Tourisme Durable. Cette dissonance qui nous travaille, jour après jour, entre injonction à chercher plus de touristes alors que nous savons bien que ça ne va pas dans le sens de la préservation du climat et du vivant.
Cela a d’ailleurs été parfaitement démontré par Thibaud Griessinger, chercheur en sciences cognitives et sociales appliquées aux enjeux de transition. Il nous a parlé de changement des imaginaires en particulier sur le tourisme et le dépaysement, sur le rôle de la publicité qui joue un biais dans nos choix mais aussi sur l’intérêt des nudges pour faire évoluer un comportement.
Les paradoxes dans notre secteur, c’est aussi les débats que nous avons eu entre le tourisme international, facteur de paix et d’interculturalité mais aussi son impact trop fort sur les émissions de gaz à effet de serre. Peut-on trouver un juste milieu sur ces questions. Comment choisir ? Comment agir pour une destination touristique attractive tout en réduisant son empreinte du numérique ou le poids carbone de la mobilité des visiteurs?
L’impasse sociétale pour la jeunesse
Puis, il y a eu cette double intervention d’Arthur Gosset et Hélène Cloître, à l’origine du film RUPTURES, qui a suivi 6 jeunes qui ont décidé de ne pas suivre le chemin classique, quitte à se confronter au regard différent de leurs parents qui n’avaient pas la même vision pour trouver le « bonheur ».
Leur message était clair et nous montrait une forme d’impasse. Que fait-on quand on a 20 ans et que l’on a bien compris les tenants et aboutissants à la fois de notre société qui nous pousse à bosser pour alimenter la machine à croissance mais aussi de ces urgences environnementales et sociales qu’il faut résoudre. Leur discours en a touché plus d’un dans la salle ! Oui, cela met des mots encore une fois sur ces paradoxes qui se jouent en nous, dans le regard que nous porte désormais nos enfants. Que propose-t-on à cette jeunesse engagée ? Comment les implique-t-on pour changer cet imaginaire du voyage et du tourisme ?
En quête de courage
Nous avons parlé de courage avec une table ronde où des acteurs privés et publics tentaient de prouver qu’il faut parfois aller au-delà de ce que demande leur posture professionnelle pour pousser des choix courageux car ils sentaient, au fond d’eux, que c’était le bon chemin pour nos communs. Franck Leroux, co-fondateur de Evi Hob, est allé au-delà des refus de financeurs pour imposer un modèle d’auberge – tiers-lieux dans les villes secondaires qui fait sens aujourd’hui. Jean-Christophe Guérin, co-fondateur d’Ahimsa Voyages, a décidé de repenser la production et le design de voyages d’aventure en tentant de réduire au maximum leur empreinte carbone sans se cacher derrière le fameux « ce n’est pas de ma faute s’il faut prendre l’avion pour aller dans l’Himalaya ». Et enfin, Jean Pinard a montré l’importance que pouvait avoir de simplement rajouter la lettre L au classique acronyme CRT afin de montrer l’importance des Loisirs dans une stratégie de développement touristique pour une région comme l’Occitanie.
Construire sous contrainte
Ces différents exemples avaient tous le même dénominateur commun. C’était celui d’accepter les contraintes et d’en faire un élément non-modifiable dans l’adaptation des modèles existants. Ainsi, l’urgence climatique devient une contrainte inamovible. Jean-Christophe Guérin décide de garder la notion d’aventure tout en réduisant au maximum l’empreinte carbone des voyages. Jean Pinard a montré la possibilité de s’attaquer aux enjeux de mobilité avec ses partenaires politiques régionaux en agissant sur le prix des transports en commun (train à 1€).
La logique de construire et de faire des choix en intégrant cette contrainte, c’était ce dont je vous parlais déjà à travers mes écrits sur la Théorie du Donut. En tant que décideur, nous pourrions avoir le choix de construire des projets (et de la politique) entre deux barrières à ne pas dépasser : le plafond environnemental et le plancher social.
C’est là que nous pourrions très bien construire demain des schémas de développement touristique ou des plans marketing stratégiques en intégrant ces contraintes non ? Nous ne ferions bien entendu pas les mêmes choix…
Arrêtons de marchander
Affronter les paradoxes : transition ou rupture ? C’était bien la question qui était au cœur des échanges de cette 8ème édition. Au fil des discussions et des débats, on a bien senti que le point de rupture n’était jamais loin. Avec l’urgence climatique ou la crise énergétique, on sent bien que les crispations arrivent.
Il nous faudra du courage pour accepter pleinement les contraintes comme
Il nous faudra du courage pour affronter les paradoxes.
Il nous faudra du courage pour assumer des postures au service du bien commun.
Il nous faudra du courage pour changer les business model.
Il nous faudra du courage pour arrêter de marchander face à l’urgence climatique.
Rendez-vous fin septembre à Aix-les-Bains pour sauter dans le grand bain (du Lac du Bourget) lors des Universités du Tourisme Durable 2023 et pour continuer à construire la transition du tourisme.