Le temps libre ne cesse de progresser et cet espace temps est un champ fortement concurrentiel aux multiples usages, notamment pour les loisirs qu’ils soient actifs ou passifs. Un sujet passionnant pour nos métiers. Sur les travaux prospectifs ADN Tourisme qui ont permis de produire des podcasts et des scenarii partagés dans les réseaux depuis l’automne 2023, 12 variables ont été analysées. Ces variables sont réparties dans 3 familles :
- La société : Les évolutions géopolitiques, les comportements sociétaux, l’impact des crises, le rapport au travail.
- Le climat : La prise de conscience écologique, l’épuisement des ressources, la place de l’économie circulaire.
- Le tourisme : Le tourisme de masse, l’usage du temps libéré, l’implication de la population dans le fait touristique, les nouveaux acteurs, l’évolution du service public.
Tout l’intérêt de questionner les facteurs de changement dans un travail de prospective, c’est l’analyse de la trajectoire d’une variable sur les 10 ans qui viennent de se passer et les hypothèses pour les 10 années à venir. Mixer ces hypothèses entre les variables permettent d’illustrer les propos aux travers des scenarii. Zoom sur la variable de l’usage des temps libéré.
De quoi parle-t-on ?
La variable retient cette définition pour définir le temps libre : “le temps dont dispose une personne en dehors des tâches imposées, consenties ou volontaires mais obligatoires ou nécessaires pour sa vie ou sa survie au sein d’une société, comme la scolarité, les études, le travail, les activités sociales, l’éducation des enfants, les tâches ménagères, les déplacements, les repas ou le sommeil. Le choix d’une inactivité ou d’une activité durant ce temps libre, lorsqu’il en dispose, appartient en propre à l’individu mais est souvent guidé par la société dans laquelle il vit, société des loisirs, société de consommation, par des critères sociaux, ou par le choix des parents pour les enfants.”
Un temps libre qui augmente
Depuis l’après-guerre ce temps n’a cessé de progresser. Pour rappel, entre 1936 et 1982, les travailleurs sont passés de 2 à 5 semaines de congés payés par an. Ces dernières années aussi cela progresse si bien qu’il était quotidiennement de 4h58 en 2010 et qu’il était de plus de 6h15 en 2022. Dans nos quotidiens speedés où la valeur donnée à 1 minute pose question, vous vous demandez certainement où sont ces 6h15. Vous n’êtes pas les seuls. 45 % des Français ont le sentiment de ne pas avoir le temps. Ce temps libre peut possiblement encore augmenter au regard de l’évolution du rapport au travail et aux envies de passer aux semaines de 4 jours pour lesquelles 64 % des Français son favorables.
Que faisons-nous de ce temps libre ?
En 2011, la moitié du temps libre était passé devant un écran, en 2022 les écrans occupent désormais 60% du temps libre. Les activités pratiquées diffèrent selon les générations : chez les plus jeunes (moins de 50 ans), ce sont les réseaux sociaux ainsi que les plateformes de streaming qui ont la côte ; chez les plus de 60 ans, la télévision reste l’écran le plus représenté. En dehors des écrans, les Français aiment faire les magasins et pratiquer un sport. Quant au tourisme, il occupe toujours une place majeure dans le temps libre des Français puisqu’ils considèrent à 55% cette activité comme “un besoin vital” quitte à sacrifier d’autres dépenses pour en bénéficier. Quelle place occupée par les loisirs ?
Globalement, les Français sont massivement engagés dans les loisirs. Selon L’ObSoCo (L’Observatoire Société & Consommation), 95% pratiquent au moins une activité et 82% considèrent cette activité “très importante” dans leur vie. Les loisirs passifs attirent une plus grande part de la population française année après année : l’écoute de la musique (79%), le shopping (67%), le streaming (67%), la lecture (64 %) sont en tête. Pour exemple Netflix attire toujours plus d’abonnés français passant la barre des 10 millions en 2022 (5 millions en 2019). Quant aux loisirs actifs les plus appréciés, ce sont cuisiner des plats élaborés (62%), le jardinage (60%) et le bricolage (58%).
Quelles dynamiques de changements à l’œuvre ?
L’équilibre entre temps professionnel et temps personnel prend une place essentielle. L’hyper-connectivité, des emplois permettant de nouveaux modes de travail dans le temps et l’espace amènent des limites floues entre le travail et le temps pour soi au quotidien.
En 2010, 63% des Français estiment important d’apprendre de nouvelles choses à travers leurs loisirs. En 2014, ils réaffirment leur volonté de réussir non pas professionnellement, mais plus largement (familiale, professionnelle, amicale, personnelle) dans un souci de bien-être et de développement personnel. Cette aspiration passe par les loisirs et donc par l’usage de notre temps libre.
Quelques paradoxes animent et brouillent les pistes sur des dynamiques de changement linéaires. Le phénomène des micro aventures séduit de plus en plus les Français. En 2021, 72% d’entre eux déclarent souhaiter vivre des expériences insolites dans des zones moins touristiques, au contact de la nature. De l’autre côté, 80% des Français de tous les âges disent fréquenter fréquemment des centres commerciaux. Ils incarnent la société de consommation en un espace, et sont identiques sur tous les continents.
Les Micro-Folies, le geocaching Terra Aventura, et dans une toute autre dimension le projet Meta visant le milliard d’utilisateurs dans le metavers en 2030, marque la place du numérique dans le temps libre dédié aux loisirs.
Et si…
Et si le temps libéré augmente encore. Les destinations, les acteurs du web et des mondes virtuels, les grands magasins (…) multiplieront les offres pour occuper ces créneaux précieux et fortement concurrentiels. Cela amènera aussi une consommation à d’autres moments de l’année par ce temps libre… retrouvé ou ajouté. Par ailleurs, nous assistons à une polarisation entre les deux différents types principaux de consommateurs, avec d’un côté les “passifs” (écrans, peu d’engagement) et les “actifs” (sports, sorties).
Et si l’intérêt pour les écrans est en perdition. La norme sociale évolue radicalement et rend les écrans presque indésirables. Des réglementations se développent pour protéger les plus jeunes notamment. Le temps libre devient principalement nourri par les loisirs actifs et les collectivités s’engagent pour apporter des solutions à tous les budgets. Les expériences deviennent facilement accessibles, l’éducation populaire redevient une valeur forte dans la société et le temps des loisirs et des vacancespermet cette émancipation. Le monde virtuel permet d’anticiper l’expérience de visite ou de la prolonger.
Et si la société devient un monde dans lequel les écrans sont omniprésents. Les esquiver demandent un vrai effort. Les fournisseurs de contenus sont dans une concurrence farouche pour garder le plus de temps possible l’usager. La fracture s’agrandit alors entre d’un côté les “actifs” qui partent en vacances et bénéficient de loisirs actifs et de l’autre les “passifs” qui ne partent pas et se réfugient dès que possible sur les écrans.
Allez, je vous laisse avec ces hypothèses et faites vos jeux… et passez par la question « en quoi mon boulot est utile pour ce qui fait société ? », ça pourrait donner des pistes pour la suite.
Cet article est une synthèse des travaux de la commission prospective ADN Tourisme auquel ont contribués